Universités: agressions de l’Extrême Droite

SOCIÉTÉ

Universités : des luttes inégales

Libération, Par Kim Hullot-Guiot — 29 mars 2018 à 20:46

 

Les blocages, suscités par des motivations disparates, concernent une douzaine de facultés. Les étudiants mobilisés doivent dans certains cas faire face à des agressions d’activistes d’extrême droite.

 Universités : des luttes inégales

Même le premier syndicat étudiant regarde le mouvement qui agite une douzaine d’universités avec circonspection. Voire avec sévérité. Président de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), majoritaire et favorable à la réforme de l’accès à l’université sous réserve que des moyens supplémentaires lui soient alloués, Jimmy Losfeld «conteste la légitimité de ceux qui s’organisent en assemblée générale», et «déplore les blocages» «L’université est un lieu de débats mais ce n’est pas responsable de bloquer l’accès aux cours, de surcroît à quelques semaines des examens».

Franck Loureiro, secrétaire général du Sgen-CFDT, premier syndicat des personnels de l’enseignement supérieur, constate de son côté que «le mouvement reste très localisé sur certains sites, avec des motivations différentes». Il décrit une situation assez ordinaire lors des mobilisations étudiantes, avec «une grande majorité silencieuse qui veut avoir cours et passer ses examens, et une minorité agissante». C’est dire si la mobilisation dans les universités françaises semble, pour l’heure, assez marginale. Du moins disparate, tant dans les revendications que dans les modes d’action.

Depuis deux mois, l’université de Toulouse (Jean-Jaurès, ex-Mirail), placée sous tutelle depuis le 20 mars, est en lutte pour réclamer plus de moyens, s’opposer à sa fusion avec d’autres établissements et protester contre la loi sur la sélection à l’université (Parcoursup). Le 6 mars, le blocage a été voté, et, jeudi, il a été reconduit jusqu’au mardi 3 avril, jour de mobilisation nationale, qui réunira les cheminots et les personnels d’Air France, les éboueurs, ainsi que les électriciens et gaziers.

Migrants

Contre la loi «Orientation et réussite des étudiants» (ORE), qui introduit une sélection à peine déguisée à l’université, le campus de la Victoire, à Bordeaux, est lui aussi bloqué depuis la mi-mars. Situation identique à la faculté de lettres de Nancy, qui a reconduit son action en assemblée générale mercredi, et à Rouen, tandis que l’université de Nantes a levé le sien vendredi le 23 mars. A Rennes et Strasbourg, on manifeste, et à Grenoble, on se mobilise davantage pour les migrants que contre la réforme de la sélection. A Paris-VIII (Saint-Denis), université historiquement militante, on aimerait aussi faire converger la lutte pour les droits des migrants et contre la loi ORE, mais seul un bâtiment, où des migrants ont pris leurs quartiers, a été investi.

Lundi, une assemblée générale, réunissant quelques centaines de personnes, a à son tour voté le blocage, reconduit jeudi jusqu’au 3 avril, du site de Tolbiac-Paris-I, rebaptisé «Commune libre de Tolbiac». «Nous nous mobilisons tous pour préserver nos droits étudiants. […] Nous nous opposons à une sélection fondée sur le capital social et culturel des étudiants», écrivait mercredi le «comité médias» dans un communiqué.

A Montpellier, quelques milliers de professeurs et étudiants de l’université Paul-Valéry ont, eux, voté un «blocage illimité», notamment pour protester contre les violences survenues à la fac de droit dans la nuit du 22 au 23 mars contre une trentaine d’étudiants qui occupaient l’établissement, et que des personnes cagoulées ont délogés violemment, notamment à coups de bâton. Des faits qui ont renforcé la colère des étudiants mobilisés, qui l’ont fait savoir en manifestant ces derniers jours dans plusieurs villes. Depuis, le doyen Philippe Pétel et un professeur mis en cause dans l’attaque de l’amphithéâtre ont été suspendus et placés en garde à vue, puis mis en examen. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a demandé une enquête administrative et qualifié la situation «d’inadmissible».

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Mais dans la grande majorité des établissements universitaires, la mobilisation ne prend guère, pour l’instant. Si la présidente de l’Union nationale des étudiants de France (Unef), minoritaire, Lilâ Le Bas, veut croire que les quelques blocages traduisent une «vraie dynamique», Jimmy Losfeld estime, lui, qu’il «n’y a pas une augmentation de la mobilisation, mais plutôt de la violence sur les campus».

Tags antisémites

Outre les violences de Montpellier, des militants d’extrême droite ont perturbé, lundi soir, une assemblée générale à la fac de droit de Lille, provoquant l’indignation de la maire, Martine Aubry (PS) : «Les menaces et violences d’une poignée d’identitaires contre les étudiants de la fac de droit […] sont intolérables et doivent être sanctionnées.» Deux étudiants ont déposé plainte, et quelques centaines de personnes ont manifesté lundi, mardi et mercredi au cri de «Flics, fachos, hors de nos facs». A Tolbiac, un local de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été saccagé et couvert de tags antisémites au début de la semaine. Ce qu’ont condamné Frédérique Vidal, le président de l’université, George Haddad, et le comité de mobilisation de Tolbiac. Et mercredi, six étudiants et lycéens ont été agressés à Strasbourg (lire ci-contre) par des membres d’un mouvement néofasciste.

Kim Hullot-Guiot