SIGNES DES TEMPS par Marc Weitzmann
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Les identitaires sont-ils en train de gagner ?
16/09/2018
L’ouverture de la « Nouvelle librairie Nationale » rue de Médicis à Paris invite à se pencher sur la montée des conservatismes et sur le mouvement multiforme et parfois contradictoire que l’on appelle populisme ou identitaire.
Hungarian Prime Minister Viktor Orban arrives for an EU Summit at European Council on June 28, 2018 in Brussels• Crédits :Thierry Monasse – Getty
La « Nouvelle librairie Nationale » est une libraire historique située rue de Médicis à Paris, juste en face du jardin du Luxembourg.
Entre 1900 et 1925, elle a été la propriété du mouvement antisémite et royaliste l’Action Française fondé par Charles Maurras avant d’être reprise ensuite par George Valois, créateur du faisceau, le premier mouvement fasciste français, qui rejoignit par la suite la Résistance.
François Bousquet devant La Nouvelle Librairie (11 rue de Médicis, Paris), en juillet 2018• Crédits : wikipedia
Elle a rouvert cet été 2018 sous la direction de François Bousquet, le rédacteur en chef de la revue « Eléments », qui veut en faire un instrument de « guérilla culturelle » ainsi qu’il l’a raconté à l’Express. Cet automne, elle propose donc dans ses rayons entre autres livres ceux de et sur Maurras, ceux de Michel Houllebecq, les œuvres complètes du penseur fasciste italien Julius Evola et ceux de l’écrivain français Jean Raspail, tous deux inspirateurs de l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, qui sillonne en ce moment même les capitales européennes pour créer un grand front antilibéral.
Pendant ce temps, ce même automne
Frédéric Taddeï commence une nouvelle émission sur la chaîne officielle du gouvernement russe « Russia Today », Natacha Polony prend la tête de « Marianne », racheté par l’industriel tchèque Daniel Kretinsky, et à Lyon, Marion-Maréchal Le Pen ouvre l’Institut des sciences sociales économiques et politiques destiné à former les cadres de « la jeunesse conservatrice ». Bien sûr, ces figures sont toutes différentes, mais, sur les ruines d’une gauche qui, pour reprendre les termes de Pierre Rosanvallon, n’a plus rien à dire, elles ont pour point commun de se lancer toutes à l’assaut d’un paysage culturel hanté par la correction politique.
Signe des temps, l’émission qui n’a peut-être jamais si bien porté son nom qu’aujourd’hui, propose donc pour ce troisième numéro de se pencher sur le mouvement politique peut-être le plus important du début de ce nouveau siècle, ce mouvement multiforme et parfois contradictoire, que l’on appelle populisme ou identitaire, qui est aussi difficile à définir qu’à comprendre, mais qui, né en France dans les dernières années du XIXe siècle, s’est étendu aujourd’hui de la Hongrie à l’Italie, des Etats-Unis à la Pologne et à la Russie, de l’Allemagne à l’Autriche, et semble en passe de gagner la bataille sinon politique, du moins culturelle.
Personne n’est populiste en dehors des élections. Les gens deviennent populistes par rapport à la façon dont les questions sont tournées, les débats fabriqués.
Aurélien Bellanger
Références musicales :
Léonard Cohen, The Future, 1992.
BIBLIOGRAPHIE
Les nouveaux populismesDominique ReyniéPluriel, 2013
EurodanceAurélien Bellanger, Gallimard, 2018
INTERVENANTS
- Aurélien Bellanger
écrivain
-
Philosophe
- Dominique Reynié
Professeur de sciences politiques à Sciences Po, directeur général de la Fondapol
Pour écouter ou ré-écouter l’émission : https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/les-identitaires-sont-ils-en-train-de-gagner
Infos complètementaires
L’action française : leur logo, la fleur de lys sur fond bleu, et une devise, Tout ce qui est national est nôtre.
Reste à dire ce qui est national et ce qui ne l’est pas. A quoi la devise s’applique. L’organisation politique, du plus haut échelon, sur son trône le Roy, au plus petit, tout près des sujets de sa Majesté, sous l’autorité de l’évêque, le curé pour gendarmer les consciences et prendre soin des âmes, sous celle du bailli ou du sénéchal comme il se disait en Provence sous l’Ancien Régime le prévôt, gendarme et juge à la fois, collecteur d’impôts, chargé au nom du Roy d’administrer les affaires et la bonne tenue des sujets dans la prévôté.
National s’applique-t-il aux populations qui peupleraient le Royaume restauré ? Y’aurait-il des conditions pour être de plein droit, sujet du Roy ? Le lieu de naissance, de résidence connu, la religions pratiqué, l’officiel étant catholique, d’autres seraient-elles admises ? L’Action Française dans sa version initiale du 19ème siècle avec Maurras en tête de gondole, était vigoureusement antisémite.
Le temps passe, surtout il y a eu la Shoah. Et il y a un bouc émissaire tout désigné, les politiques le montrent régulièrement du doigt, la presse relaie, des attentats de désespérés, ou n’ayant pu se faire de place ni dans la France Républicaine (Mérat aurait voulu entrer dans la gendarmerie), ni dans une carrière du crime organisé,ont joué le rôle de catalyseur, et ont généralisé le racisme ordinaire, voir l’ont exacerbée. Le musulman est le bouc émissaire désigné,et il est considéré que quel que soit son origine culturelle, et sa culture présente, le musulman est pratiquant, et répondant à un islam rigoriste quand il n’est pas jihadiste. Comme l’a rappelé Franz Olivier Gibert lors d’une présentation de son dernier livre, « qui n’est pas musulman, est un infidèle. (…) Toute créature étant l’œuvre d’Allah, les infidèles sont des musulmans qui s’ignorent, ou qui se sont écartés de la seule foi envisageable : l’Islam. Par conséquent, pas question de verser dans le relativisme culturel, tout bon musulman a vocation ou à convertir les égarés, ou à les trucider. « L’Islam est une religion guerrière par essence » affirma FOG, « alors que la religion catholique a des visées universalistes. » Quand des intellectuels, ou prétendus tels, construisent des pensées et des discours, les manœuvres, les petites mains de cette idéologie voient ainsi leur crime justifié. Eric Zemmour l’a dit, vu à la télé. Si Zemmour l’a dit à la télé, voyez ces petits slogans sur l’emballage de certains produits ou dans leur campagne de publicité. Vu à la télé, c’est parole de vérité, la théorie du grand remplacement (voir Identités douloureuses, précédente publication du codex09) peut allégrement se propager dans toute l’Europe. A ces patriotes chasseurs de migrants, on a donné des mots, un brouillon de pensée, eux ou elles n’ont fait que leur donner une réalité : le pays, l’Europe sont menacés, annihiler cette menace est un acte patriotique, un acte de courage, face à la mollesse de ces démocraties dégénérées. Ce fut l’un des thèmes privilégiés du régime de Vichy et Pétain incarnant la Révolution Nationale,avec lui au centre tel le Roi ayant gagné sa noblesse à Verdun.
Ce racisme, et toute l’idéologie d’extrême droite dont il est une expression parmi d’autres, la lutte contre toute déviance à un ordre du monde qui n’existe plus et complètement mystifié (la famille avec papa maman, la sainte Église, le travail, la patrie…) est si banalisé que certain-e-s ne sentent même plus coupables, quand ils agressent, tuent un homme, une femme, supposé-e musulman pratiquant, et bien entendu, islamiste de la pire espèce.
Nombre de ces tenants d’un royaume restauré, ou d’autres d’une Europe pure d’où toutes autres formes politiques ou sociétales seraient combattues, éradiqués au nom des vraies valeurs, celles et ceux-là, s’abreuvent de Coca-Cola, bouffent au Mac-Doc, du KFC aux antibio, ingurgitent de la culture US à longueur de journée. Nous vivons tous avec nos contradictions, n’est-ce pas ?
Pendant ce temps-là, ce mode de concevoir le monde où tout s’achète et se vend, où le bien commun est une abstraction utopique, où la société doit se voir comme une jungle où chacun est en compétition généralisée, cette vision du monde où ce que vaut un homme est avant tout son capital ou sa capacité – sa rapacité – à en gagner, ce monde capitalisme néolibéral se frotte les mains ; ses victimes ont trouvé leur bouc émissaire, leur bourreau fait presque figure de chevalier blanc – quel idiot de meadle class US peut-il voir en Trump son sauveur, alors qu’il fait partie de l’oligarchie qui l’assassine. En tout cas, ce capitalisme-là n’est pas remise en cause, il prospère, les riches sont toujours plus riches, et la richesse et le pouvoir qu’il génère se transmet de génération en génération. Le privilège de la naissance avec la transmission de tous ces titres restauré. Qu’aurait à redire Action Française ? Ne lui reste qu’à trouver son Roy Fantoche, et commencer le bal avec princes et princesses de sang ou d’argent, habillés par quelques grands noms de la haute couture, dans le décor magnifique du château de Versailles vendu depuis longtemps à un consortium sino-américano-anglais. Grand bal retransmis par les caméras de Canal plus que commenterait ce si gentil premier valet de la Chambre du Roi, notre Stéphane Berne national. Dehors, le migrant, le musulman, le métèque, le SDF, le PD seraient hors la vue de l’honnête sujet, repoussé de l’autre coté de la mer, ou parquet dans des camps qu’on appelait encore il y a peu centre de rétention. C’est le scénario Jour de France. Mais il y en a de plus en plus probable, et plus terrible, avec des nuits de cristal, de la persécution systématique, de la délation par jalousie, par opportunisme. Les premières victimes les musulmans donc, mais tout ce qui dans cet imaginaire de l’extrême droite participe à la décadence de la civilisation européenne, ou du rayonnement de la France, pays des droits de l’Homme, dans le monde, par mesure de salut publique seraient banni-e-s de la nation :communistes ou affiliés, écologistes, homosexuels, lesbiennes, transgenres. Déjà rien que pour la symbolique qu’ils véhiculent. Et d’une manière générale, toutes celles et ceux qui ne pensent pas comme eux, n’adhèrent pas au même projet de société pour leurs enfants. Imaginez un jour possible qu’en France, porter assistance à une femme nigérienne ou malienne, – d’où on s’en fout, elle est noire et migrante -soit considéré comme un délit ? Vous vous direz, non ! ce n’est pas possible, on est quand même dans une démocratie, une République qui porte haut et fort dans le monde « Liberté, Égalité, Fraternité ».
On nous chiffre à longueur de jour et d’années, de une de presse et de paroles avisées d’experts combien coûte la Fraternité. Dans un tel contexte, l’extrême droite reprend ces chiffres à son compte, et c’est l’Amérique d’abord là-bas, préférence nationale et droit du sol ici. « On a assez de nos pauvres ici ! Déjà qu’il y a en a pas pour tout le monde ! » me disait un chauffeur de taxi VSL il y a peu. « C’est la crise ! On peut pas s’permet’ ! » Je lui fis remarquer la fortune Bétancourt, François Pinault et consorts, lui rappelait quelques chiffres sur la répartition de la richesse. Bétantcourt, Pinault, Dassault et les quelques autres, ça ne lui parlait pas, et ils font quand même la fierté de la France dans le monde. Tandis que les migrants, et même les pauvres, ça lui parlait, il en voyait tous les jours, et la télé parlait d’eux, un peu, et toujours de la même façon, ou presque. Le FN en parle beaucoup, Vauquiez faisant un copier-collé, ça sur les ondes de BFM ou les fréquences de RMC qu’il avait mis en sourdine dans le véhicule quasi insonorisé. Alors déjà les pauvres de chez nous avant les pauvres d’ailleurs, surtout que « … vous savez avec leur religion… et si c’est pour nous massacrer sous les roues d’un camion comme à Nice.. » Mais même chez les pauvres, il y avait du tri à faire. « Macron je le soutiens pas, c’est le président des riches, mais quand il dit qu’y’a des feignants en France… (silence, il attend ma réaction). Y’en a beaucoup au RSA qui s’laisse vivre… i’s’complaisent. On devrait les forcer à travailler ! (c’était avant le discours de Macron au Musée de l’Homme). Ce qu’i manque dans ce pays, c’est un tour de vis ! » Je ne comprends pas alors lui demande : « Parce que vous en Ariège, vous vous sentez en insécurité ?… » Alors il précisa « Oui en France, niveau sécurité, on fait pas assez ! Faut serrer plus fort ! quand je vois tous ces jeunes, vous savez ces… » Non je ne savais pas. « Bin ces fils de.. enfin ces arabes place de la République à Pamiers qui passent leur après-midis à glander, à fumer d’la drogue et à faire leur business ! Et que la Police ne fait rien !! » Je lui demandai comment il savait que ces jeunes étaient arabes, et surtout comment il pouvait savoir que c’était bien de la drogue qu’il fumait. « Mais à Pamiers, tout le monde le sait ! Et les flics y bougent pas, des vrais fonctionnaires ceux-là!! » Il y avait comme une petite musique déjà entendue quelque part. « Et je vais vous dire ! Je ne vote pas pour eux, mais j’pense qu’un petit tour de FN, ça f’rait pas d’mal ! » Bin oui, mon bon monsieur. Lequel physique avenant, pas le renfrogné qu’on s’imagine d’un type qui tient un tel discours, Raibanes haut sur les tempes, look de dragueur impénitent. Tous les deux à trois ans, il va passer deux ou trois mois en Afrique occidentale, la Cote d’Ivoire le dernier en date, « là y du bussiness à faire… j’y songe !… »
L’extrême droite est un outil, ou un moment dans le cycle du capitalisme.
On n’en parle pas encore. Dans les discours des partis d’extrême droite, elle en est aujourd’hui absente, elle l’a été longtemps avant qu’ils n’accèdent au pouvoir au siècle dernier. Accueilli à Berlin sous les ovations d’une foule en liesse, au retour de l’Anschluss, Hitler éructait oeuvrer pour la paix. Quelques mois plus tard, après Munich, « un pas décisif vers une Europe de la paix avait été fait » toujours de la bouche du même locuteur. Elever nationalisme au niveau de religion d’État, et après avoir rejeté les indésirables ou les avoir regroupés dans des camps, et parce que l’on reste dans une compétition nation contre nation, un jour on parlera guerre. Les actions des marchands de canons flamberont en bourse, et une fois quelques millions de destins sacrifiés, une fois quelques centaines de villes anéanties, il faudra tout reconstruire, un plan Marshall à la chinoise serait peut-être le bienvenu. Des milliards en perceptive. A qui profite le crime ?…
AC
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Le manifeste de l’Action Française :
L’Action française est animée par une double préoccupation : elle entend préparer la restauration de la monarchie et, dans l’attente du retour du roi, œuvrer pour la défense de l’intérêt national.
La restauration de la monarchie
C’est en jugeant les institutions selon leur capacité de faire vivre la nation française ou de la conduire à la décadence que les fondateurs de l’Action française ont conclu à la nécessité de restaurer la monarchie. Le nationalisme conduit logiquement au royalisme. La France est le fruit de la politique capétienne, poursuivie durant plus de huit siècles. Aujourd’hui, la monarchie conférerait à l’État des qualités bénéfiques :
L’unité, sans laquelle il ne saurait y avoir d’autorité véritable et qui est indispensable pour garantir l’indépendance nationale. Au contraire, la démocratie divise les français et entretient un état de guerre civile larvée. Les intérêts supérieurs du pays sont sacrifiés aux luttes partisanes.
La continuité et les successions paisibles, conséquences de l’hérédité du pouvoir. Ainsi des objectifs à long terme peuvent-ils être atteints. La continuité du pouvoir monarchique durant huit cents ans contraste avec l’instabilité institutionnelle des deux derniers siècles.
L’indépendance. Elle est la qualité d’un régime qui ne repose pas sur l’élection, laquelle lie le pouvoir à l’opinion publique, l’obligeant à pratiquer une démagogie éhontée pour recueillir des suffrages. Le régime électif est ainsi obligé de centraliser l’administration du pays. Il détruit les libertés locales, municipales, régionales, professionnelles, toutes ces petites républiques à qui le Roi permettait de vivre et de s’organiser librement. Dégagé des soucis électoraux, il serait en situation d’être un arbitre.
La responsabilité. Les intérêts dynastiques et personnels du Roi se confondent avec les intérêts nationaux, tandis que le pouvoir démocratique dilue la responsabilité dans des majorités et des scrutins.
La légitimité. C’est-à-dire un pouvoir s’exerçant en vue du seul bien commun, indépendant des groupes d’intérêts et des puissances d’argent. L’État royal puise sa légitimité dans l’histoire et les services qu’il a rendus au pays au cours des siècles. Il n’y a pas de légitimité en démocratie puisque le pouvoir est le fruit des compétitions électorales et que les partis l’exercent selon les caprices de l’opinion.
Ces vérités politiques, que la réflexion découvre, sont confirmées par l’histoire. La monarchie traditionnelle, chrétienne, héréditaire, décentralisée et représentative a fait la France et l’a conduite à son apogée.
Le bilan des régimes démocratiques, Républiques ou Empires, est autrement lourd : nombreuses invasions depuis 1792, instabilité constitutionnelle, luttes intestines et révolutions, affaiblissement général de la France.
L’Action française travaille donc à changer les institutions politiques. Ayant condamné le régime républicain, elle s’emploie à en débarrasser la nation. Ayant reconnu dans la monarchie la vérité historique de la France, elle s’efforce de la restaurer en la personne du Chef de la Maison de France.
La défense de l’intérêt national
Royalistes parce que nationalistes, les adhérents de l’Action française s’appliquent à défendre l’héritage en l’absence de l’héritier. Ils essaient de limiter les méfaits républicains en les dénonçant par la propagande et en les combattant par l’action.
Ils pratiquent à l’occasion le « compromis nationaliste », c’est-à-dire l’entente avec tous les patriotes pour mener telle ou telle campagne d’intérêt public.
Parce que la nation constitue le plus vaste des cercles communautaires qui soit, au temporel, solide et complet, l’Action française défend la France et ses prolongements outre-mer contre toutes les agressions intérieures et extérieures.
En conclusion, l’Action française convie tous les français à se rassembler sur le seul terrain politique afin de sauvegarder la nation française et lui rendre les institutions qui garantiront sa pérennité. Seule la monarchie répond aux besoins d’autorité, de libertés et de représentation du pays réel et peut permettre à la France de faire face aux enjeux du monde moderne.