Chronique d’un racisme ordinaire.
Sous couvert de « valeurs de la république », le rectorat joue l’amalgame.
Le lundi 7 février, les enseignantes et enseignants du lycée Martin Malvy de Cazères ont débrayé pour protester contre les insultes racistes proférées par des élèves à l’encontre d’une enseignante.
Depuis le début de l’année, un petit groupe d’élèves a multiplié les provocations nazies (références à Mein Kampf, à Adolf Hitler ou Eric Zemmour, salut nazi, musique militaire nazie) et racistes (imitation de l’accent africain, et dernièrement, cris de singe), presque toujours pour atteindre la même enseignante. Malgré la patience de l’enseignante qui a multiplié dialogues et explications et la vigilance de la direction de l’établissement qui a prononcé des sanctions et rencontré les parents, ces mêmes élèves ont réitéré leurs provocations de façon particulièrement violente avec des cris de singe.
Cette fois, la coupe est pleine et les adultes ont manifesté leur solidarité et leur réprobation de façon forte et symbolique : badges contre le racisme et le fascisme faits maison, affiches placardées dans tout le lycée, débrayage en début de matinée, lettre collective lue aux élèves…
La mobilisation a été forte et collective et des discussions ont été enfin enclenchées avec tous les élèves, qui se sont senti.e.s elles-mêmes et eux-mêmes autorisé.e.s à dénoncer les agissements de leurs camarades. Les divers soutiens ont mis du baume au coeur de la collègue, profondément blessée par les agissements de ces quelques élèves. Elle va tout de même porter plainte pour propos racistes. Par ailleurs, la direction de l’établissement peut, depuis l’été dernier, elle aussi porter plainte comme personne morale pour outrage et c’est ce qu’elle a fait.
Le rectorat prévenu dès la fin de semaine dernière a été saisi pour « incident grave ». La procédure exige qu’un contact soit pris dans les 48h. Là, c’est le recteur lui-même qui s’est déplacé pour apporter son soutien à l’enseignante et à la direction. Il a refusé de rencontrer l’ensemble des enseignant.e.s qui souhaitaient une rencontre en plénière, égratignant au passage les deux mandaté.e.s de son mépris d’homme important s’adressant à la piétaille. Une lettre collective lui a cependant été lue.
Un membre de l’équipe académique « Valeurs de la république » est venu aussi pour « accompagner les enseignant.e.s dans leurs actions éducatives et pédagogiques ». Il a tenu un discours prêt à penser sur la radicalisation, l’antisémitisme, le séparatisme… tout droit issu de l’arsenal contre l’islamisme et particulièrement inapproprié ici. Les enseignant.e.s sont reparti.e.s plus confus.es que jamais, des amalgames plein la tête et au moins sûr.e.s d’une chose : ils et elles seront les plus à même de réfléchir avec leurs élèves et à la façon de résister au climat nauséabond actuel ainsi qu’à l’idéologie dont certain.e.s adolescent.e.s se font hélas les relais.
Extrait du journal hebdo de sud-éduc 31-65, le 7 fev 2022