Loi Sécurité Globale – Dossier
- 1) Les principales mesures (Le Monde), p1
- 2) Le vote par le Sénat, (Chaîne public/Sénat), p 4
- 3) Le Retour masqué de l’article 24, Médiapart, p 7
- 4) Vive polémique autour du port d’armes des policiers hors service (France 24), p 10
- 5) Amnesty dénonce des « détentions arbitraires » lors d’une manifestation contre la loi Sécurité Globale, p 11
- 6) Politique fiction… Le RN en rêvait, LREM l’a pensée, la loi de Sécurité Globale est sortie, le Sénat l’a votée dans sa dernière version. Vers un Régime présidentiel totalitaire (Ac), p 14
- 7) Et la loi Sécurité Totale fut… (BLOG : DAVID DUFRESNE), p 15
- 8) Sécurité Globale: le Sénat dit oui à la surveillance de masse, la Quadrature du Net (Le Monde avec AFP), p 17
RAPPEL : Quelles sont les principales mesures de la loi de « sécurité globale » examinée à l’Assemblée ?
Les députés examinent à partir de mardi les prérogatives de la police municipale avant d’aborder le volet le plus polémique : l’encadrement de la diffusion d’images des policiers.
Publié le 17 novembre 2020 à 13h08 – Mis à jour le 29 novembre 2020 à 09h07
Temps de Lecture 5 min.
Il ne devait s’agir initialement que de la traduction législative d’un rapport parlementaire consacré au « continuum de sécurité » et destiné à mieux articuler le travail entre les trois grandes entités que sont la police et la gendarmerie (250 000 personnes environ), la police municipale (33 000 fonctionnaires) et le secteur de la sécurité privée (175 000 agents). Mais, mardi 17 novembre, les députés commencent l’examen d’un texte bien différent.
Le projet de loi de « sécurité globale », porté par le parti majoritaire, La République en marche (LRM), et son allié Agir, recèle en effet une kyrielle de mesures sécuritaires, dont plusieurs font débat, dont l’encadrement de la diffusion d’images des policiers et gendarmes.
Lire aussi le compte-rendu : Le conseil des droits de l’homme de l’ONU s’inquiète du contenu de la proposition de loi « pour une sécurité globale »
Les députés aborderont l’examen du texte par deux thématiques plutôt consensuelles, mais qui n’échapperont pas aux banderilles de l’opposition : les nouvelles prérogatives pour les polices municipales et la structuration du secteur de la sécurité privée.
Le dernier volet du projet de loi sera sans conteste le plus périlleux, avec l’examen d’une série de dispositions pour lesquelles le ministère de l’intérieur a tenu la plume, avec l’objectif d’apaiser les syndicats policiers. Et pour le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, comme pour les deux corapporteurs du texte, Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, l’ambition de « protéger ceux qui nous protègent », en « regagnant du terrain ».
Le contexte est marqué par une hausse de la défiance envers les forces de l’ordre dans le sillage du mouvement des « gilets jaunes » notamment, mais aussi de dénonciations de violences policières. Des centaines de personnes se sont d’ailleurs rassemblées à l’appel notamment de syndicats de journalistes et d’associations de défense des droits humains.
Rassemblement, place du Président Édouard Herriot, contre le projet de loi sécurité globale qui sera examine aujourd hui (novembre 2020) à l Assemblée nationale. Ici une manifestante tient une pancarte lisant « floutage de gueule ». JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE«
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Sur la police municipale
Le projet de loi prévoit la possibilité d’élargir le champ d’intervention des polices municipales de plus de vingt agents dans le cadre d’une expérimentation de trois ans.
Concrètement, ces agents pourraient participer à la sécurisation de manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Ils pourraient également constater davantage d’infractions, comme l’ivresse publique, la vente à la sauvette, la conduite sans permis ou assurance, mais aussi les squats de halls d’immeubles, les tags ou encore l’occupation illégale d’un terrain communal. En revanche, ils ne pourraient pas intervenir sur les rodéos urbains.
Ces agents pourront, par ailleurs, immobiliser et mettre en fourrière un véhicule. La mise en commun des policiers municipaux au niveau intercommunal est encouragée.
Lire aussi la synthèse : Les contrôles d’identité, totem controversé de l’institution policière
Ces nouvelles dispositions ne constituent pas le « grand soir de la police municipale », a fait valoir Jean-Michel Fauvergue. Certaines préconisations de son rapport, parmi lesquelles l’armement obligatoire des policiers municipaux ou la création d’une Ecole nationale de police municipale, ne figurent pas dans le projet de loi.
Le texte doit aussi concrétiser une promesse de campagne de la maire de la capitale, Anne Hidalgo (PS) : la création d’une police municipale à Paris.
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Sur la sécurité privée
Avec l’organisation de la Coupe du monde de rugby, en 2023, puis des Jeux olympiques de Paris, en 2024, la montée en puissance du secteur de la sécurité privée est programmée. La sous-traitance, « véritable plaie pour le secteur », selon Alice Thourot, sera mieux encadrée. L’emploi de policiers dans le secteur sera favorisé, en permettant le cumul emploi-retraite.
Le périmètre des missions des agents va par ailleurs s’élargir : ils pourront être associés aux opérations de palpation de sécurité. Le texte prévoit en outre de les habiliter à détecter des drones et à exercer des missions de surveillance contre les actes terroristes sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du préfet.
Les 170 000 agents de sécurité privée seront sanctionnés plus durement en cas de dérapage. Leurs agresseurs, auteurs de violences physiques ou de menaces, également.
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Caméras piétons, drones, armes de service et sanctions pénales
La proposition de loi « sécurité globale » modifie le cadre juridique des caméras mobiles dont sont dotés policiers et gendarmes, avec une nouvelle finalité qui justifie l’enregistrement et son exploitation : « L’information du public sur les circonstances de l’intervention. » Par ailleurs, le texte permet aussi de transmettre les images en temps réel à la salle de commandement. Les agents qui ont procédé à l’enregistrement pourront accéder aux images dans le cadre d’une procédure judiciaire (procès-verbal) ou d’une intervention, sur une personne en fuite par exemple.
L’usage des drones lors de manifestations, en cas de craintes « de troubles graves à l’ordre public », mais aussi pour la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agressions, vol ou trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants, ou la surveillance des « rodéos », est précisé. Le public sera informé de la mise en œuvre de ces « dispositifs aéroportés de captation d’images ».
Les policiers et gendarmes pourront accéder à des établissements recevant du public avec leur arme de service. En outre, les règles d’usage des armes par les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de l’opération « Sentinelle » seront assouplies : ils pourront, comme les forces de l’ordre, mettre fin à un « parcours criminel ».
Le bénéfice des crédits de réduction de peine est supprimé pour les personnes condamnées à la suite de certaines infractions commises à l’encontre d’élus, de militaires, d’agents de la police et de la gendarmerie et des pompiers. Achat, détention, utilisation et vente d’articles pyrotechniques à d’autres personnes que des professionnels seront sanctionnés pénalement.
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L’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre pénalisé
La disposition qui fait le plus débat concerne l’article 24 du texte. Ce dernier vise à pénaliser l’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre. Selon l’article 24, la diffusion « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique », sera punie d’un an de prison et d’une amende de 45 000 euros. La mesure n’interdira pas de transmettre les images aux autorités administratives et judiciaires.
M. Fauvergue argue que la mesure vise à empêcher les « cabbales » contre les forces de l’ordre sur les réseaux sociaux, et « n’impose pas un floutage ». La restriction ne vise, par ailleurs, pas le numéro de matricule, dit « RIO » − qu’un policier ou un gendarme est censé arborer en intervention.
Mais le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a plaidé vendredi pour un durcissement de cette disposition lors du débat au Parlement :
« Si vous voulez diffuser sur Internet de façon sauvage, pardon de le dire comme ça, vous devrez faire flouter les visages des policiers et des gendarmes. »
Toutefois, son entourage a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) que le gouvernement ne déposerait pas d’amendement sur cet article 24.
Un article polémique qui porte « une grave atteinte » au droit de la presse
En modifiant la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la disposition du projet de loi de « sécurité globale » visant à limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre sur le terrain a provoqué une levée de boucliers. Les représentants des journalistes et les défenseurs des libertés publiques fustigent « une grave atteinte » au droit des médias.
Ce « nouveau délit a pour objectif réel de restreindre le droit des journalistes et la liberté de la presse de manière disproportionnée par rapport à la réalité de la menace », dénoncent ainsi les principaux syndicats de journalistes, des fédérations internationales et européennes de journalistes, ainsi que la Ligue des droits de l’homme (LDH). Ils déplorent une « réponse clientéliste du ministère de l’intérieur à la plupart des syndicats de police », estimant que le texte « vise également à empêcher la révélation d’affaires de violences policières illégitimes, souvent dissimulées par la hiérarchie des fonctionnaires en cause ».
Lire aussi l’éditorial : Filmer des policiers, un droit démocratique
Dans une tribune à Libération, la Société des réalisateurs de films (SRF) et des personnalités du cinéma ont également décrié cette disposition du projet de loi, y voyant une « censure pure et simple ». De son côté, la Défenseure des droits a estimé que cette mesure faisait peser des « risques considérables » pour les droits fondamentaux.
Ces craintes sont par ailleurs partagées par plusieurs élus, à l’instar des députés du MoDem, qui veulent supprimer cet article. Le député La République en marche (LRM) des Bouches-du-Rhône, Saïd Ahamada, a, lui, annoncé son intention de ne pas voter ce dispositif, « contre-productif en jetant un doute illégitime sur toutes les interventions policières ». A gauche, la députée La France insoumise (LFI) de Paris, Danièle Obono, dénonce un risque d’« autocensure » ; l’élu socialiste de l’Ardèche, Hervé Saulignac, juge pour sa part qu’il « y a des lignes rouges à ne pas franchir ».
Lire aussi les réactions : « Un outil pour permettre aux forces de l’ordre de cacher leurs dérapages »
Le Monde avec AFP
Sécurité globale : le Sénat vote le texte après l’avoir remanié
La majorité sénatoriale de droite et du centre a adopté l’ensemble de la proposition de loi. Elle a complètement réécrit l’article 24, qui avait fait polémique, et a resserré le cadre d’utilisation des drones par la police. La gauche dénonce un texte sécuritaire qui met à mal les libertés publiques.
LE 18 MAR 2021 Chaîne Public/Sénat
Par François Vignal@francoisvi
3mn
L’actualité sanitaire écrase tout. Mais le Parlement continue de légiférer. Après trois jours de débats, le Sénat a adopté la proposition de loi sur la sécurité globale par 238 voix contre 98, après l’avoir modifiée en de nombreux points. Fidèle à sa tradition, la majorité sénatoriale de droite et du centre a cherché à trouver un équilibre entre libertés publiques et sécurité. Equilibre que la gauche estime parfois surjoué ou de posture, face à un texte qu’elle dénonce dans son ensemble.
Les rapporteurs, les sénateurs LR Marc-Philippe Daubresse et l’UDI, Loïc Hervé, ont renommé le texte « projet de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ». Le socialiste Jérôme Durain aurait plutôt vu « loi de sécurité bancale ou loi globalement sécuritaire… »
Gérald Darmanin espère « une commission mixte paritaire conclusive »
Le texte touche de nombreux domaines. Il entend créer un « continuum de sécurité ». Le projet de loi renforce ainsi, par expérimentation, la police municipale, comme les sociétés de sécurité privées. Il donne un cadre juridique à l’utilisation des drones par la police et protège mieux les forces de l’ordre.
Si des désaccords persistent, globalement, le ministre de l’Intérieur a su faire des pas vers le Sénat. Gérald Darmanin espère même « trouver le meilleur compromis possible pour que la commission mixte paritaire soit conclusive ». En CMP, députés et sénateurs essaient de trouver une version commune du texte. Dans le cas contraire, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot.
Article 24 totalement réécrit
Fin 2020, c’est l’article 24, accusé de mettre à mal la liberté de la presse, qui avait concentré les critiques. Les sénateurs l’ont totalement réécrit. Exit la référence à la loi de 1881 sur la presse, et création à la place d’un nouveau délit de « provocation à l’identification » des policiers. Une solution qui a bénéficié de la « sagesse » du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et sur laquelle il compte s’appuyer.
Pour la gauche, le compte n’y est pas. Des socialistes aux communistes, en passant par les écologistes, ils ont dénoncé une réécriture qu’ils jugent encore dangereuse et « juridiquement fragile ».
Les sénateurs renforcent le cadre sur l’utilisation des drones par la police
Autre sujet sensible : les drones. Le texte prévoit de donner un cadre à leur utilisation par la police. Car jusqu’ici, la préfecture de police de Paris les utilisait lors des manifestations sans en avoir le droit… Le Conseil d’Etat lui a même intimé l’ordre, à deux reprises, de les laisser au sol. L’article 22 de la proposition de loi des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot remédie à ce vide juridique. Les drones pourront être utilisés en de nombreuses circonstances, comme pour « le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ». Un dernier cas qui englobe de nombreuses situations.
Mais les sénateurs ont durci les conditions d’utilisation, qui vise notamment, selon la version sortie de la commission, les « crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans ». Les sénateurs ont écarté les enregistrements sonores et la reconnaissance faciale. Les rapporteurs ont également fait adopter un régime d’autorisation préalable par le préfet ou le procureur, avant toute utilisation, ce qu’a dénoncé en séance Gérald Darmanin. La question du contrôle des frontières par les drones a entraîné un échange pour le moins tendu entre le ministre et la gauche, autour de la question des migrants.
Plus de pouvoirs pour la police municipale et la sécurité privée
Les sénateurs ont donné leur feu vert au renforcement des pouvoirs de la police municipale pour les communes volontaires. Une expérimentation portée de 3 à 5 ans par les sénateurs, allongement soutenu par le ministre. Les policiers municipaux pourront constater certains délits, et notamment la consommation de stupéfiants. Le Sénat a aussi ouvert la voie à la création d’une police municipale à Paris, une première historique.
Concernant les entreprises et salariés de la sécurité privée, secteur qui monte en puissance, le texte encadre davantage la profession, tout en lui donnant plus de prérogatives. De nouvelles missions qui font craindre à la gauche que l’Etat « se défausse » de certaines de ses missions sur le privé.
Le Sénat a enfin autorisé le port d’arme pour les policiers hors-service dans les établissements recevant du public. Le sujet fait pourtant largement débat, le président de la commission de l’éducation et de la culture, le centriste Laurent Lafon, ayant même voulu supprimer l’article. Cette disposition engendre une levée de bouclier dans les milieux culturels, notamment les salles de concert et festivals, qui mettent en garde sur les risques engendrés.
Publié le : 18/03/2021 à 19:48 – Mis à jour le : 19/03/2021 à 17:39
Crédits photo principale : Wlad Simitch Capa Pictures
Le retour masqué de l’article 24 ou comment rendre invisibles les violences policières
- 18 MARS 2021
- PAR MARC DEPRIESTER , Médiapart
La commission des lois du Sénat a réécrit l’article 24 de la loi «sécurité globale» en gommant toute référence à la diffusion des images. Mais le nouveau texte est encore plus attentatoire aux libertés car la qualification de provocation à l’identification crée un délit pénal fondé sur une intention et visant toutes les formes d’identification y compris, bien entendu, par les vidéos…
Après des années d’observations, de recueils de témoignages, de publications de vidéos, d’enquêtes, qu’il serait trop long d’énumérer ici, la question des violences policières était enfin venue troubler l’apparent consensus sur l’opinion favorable des français sur leur police. A l’été 2020, la révolte venue des États unis suite à la mort de Georges Floyd avait permis de faire ressurgir celle, survenue cinq mois plus tôt, de Cedric Chouviat, étouffé lui aussi par des policiers. Face à la montée des protestations, le ministre de l’intérieur s’était moqué de ces morts en déclarant que lui s’étouffait en entendant parler de violences policières et des syndicats de police avaient ressorti leur revendication de floutage des visages des policiers afin qu’on ne puisse pas les identifier.
Pour empêcher les journalistes, les observateurs et les citoyens de documenter les dérives du maintien de l’ordre et les dérapages des policiers, des députés de la majorité, en accord avec le gouvernement, ont, le 20 octobre, déposé une proposition de loi appelée « sécurité globale » qui contenait, entre autres mesures liberticides, un article pénalisant la diffusion d’images pouvant porter atteinte à l’intégrité physique et psychique des policiers et des gendarmes. Les défenseurs des libertés, des journalistes aux associations, en passant par les syndicats ne s’y sont pas trompés et se sont fortement mobilisés pour le retrait de cette proposition de loi. En novembre, la diffusion des images du passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler et de l’évacuation violente d’un camp de migrants a donné de l’ampleur aux manifestations et déstabilisé le gouvernement, obligé de promettre une réécriture de l’article 24.
Dans le cadre de la procédure accélérée, choisie par le gouvernement pour limiter le débat démocratique, le texte de loi a été effectivement réécrit par la commission des lois du sénat.
L’intention affichée par la commission est de dépasser « l’opposition stérile entre liberté de la presse et protection des forces de l’ordre ». Le terme d’image a été gommé, la loi sur la liberté de la presse n’est plus modifiée et il n’est plus fait référence au « droit d’informer » dont les députés avaient voulu inscrire la protection.
Mais si on le regarde de plus près, comme ont pu le décrypter les juristes de la Ligue des droits de l’Homme, le nouvel article est bien pire pour les libertés que l’ancien et ce pour plusieurs raisons :
- la provocation constitue une infraction de comportement et non de résultat, il s’agit de fait d’une intention manifestée. Il suffira ainsi de lever son téléphone vers un policier en train de commettre une violence pour que ce geste puisse être qualifié de provocation à l’identification des policiers et qu’on puisse être immédiatement placé en garde à vue. Rappelons que, dans la version initiale, n’étaient visés que la diffusion de l’image du visage ou de tout autre élément d’identification
- le nouvel article supprime la référence au numéro d’identification individuel (RIO) qui constituait une restriction aux éléments d’identification apportée par la version adoptée par l’assemblée nationale, ce qui voudrait dire que, dans la version du Sénat, même la diffusion du RIO serait pénalement répréhensible.
- Les comparutions immédiates et les détentions provisoires seraient facilitées par le fait que l’article 24 ne sera plus transcrit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais sera incluse dans le code pénal.
- La peine encourue est fortement aggravée, passant de 1 ans à 5 ans d’emprisonnement et de 45000 à 75 000 euros d’amende.
Les revendications de certains syndicats de police qui souhaitaient que l’on aille plus loin dans la pénalisation de l’identification sont ainsi satisfaites et les libertés d’informer sont encore plus restreintes que dans la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale.
Le tour de passe passe est habile, l’enfumage a l’air d’avoir réussi. Les médias dans leur ensemble ont été incroyablement muets sur la réécriture de cet article qui avait fait la une des journaux en fin d’année. Cette absence de médiatisation a été fatale à la mobilisation lancée par le collectif « stoploisécuritéglobale » et les manifestations qui ont eu lieu dans de nombreuses villes ont été relativement peu suivies.
Effet covid, lassitude, chape de plomb ou manque d’analyse partagée, ce silence a certainement des explications multiples..
Le texte est en débat du au Sénat et sera certainement revu par la commission des lois paritaire. Il reste essentiel de montrer qu’il existe bien une opposition à cette loi dans son ensemble et à son article 24 en particulier.
Rappel des textes
Le texte adopté par l’Assemblée nationale le 24 novembre 2020 :
« Article 35 quinquies – Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnes agissent dans le cadre d’une opération de police ».
Le texte modifié par la commission des lois du Sénat :
« Article 226-4-1-1 – La provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnes agissent dans le cadre d’une opération de police est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
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Loi « sécurité globale » : vive polémique autour du port d’arme des policiers hors service
Aude MAZOUÉ, France 24
Le Sénat a adopté jeudi l’article 25 de la loi « sécurité globale » visant à autoriser le port d’arme par les policiers et gendarmes hors service dans les lieux accueillant du public, sans que les responsables d’établissement ne puissent s’y opposer. Un texte qui suscite l’opposition d’élus de tous bords.
Ceux qui n’ont pas aimé l’article 24 de la loi « sécurité globale » concernant l’enregistrement et la diffusion d’images montrant des forces de l’ordre pouvant être identifiées, risquent de détester plus encore l’article 25 de la même loi. Peu évoqué dans les médias, le texte adopté jeudi 18 mars au Sénat sur le port d’arme par les policiers et gendarmes en dehors de leur service soulève pourtant bien des questions. Il provoque même une levée de boucliers d’élus de toutes tendances politiques.
L’article qui a été voté par 214 voix pour et 121 contre, sans modification par rapport au texte de l’Assemblée nationale, prévoit que les policiers et gendarmes qui portent leurs armes en dehors de leurs heures de service ne peuvent plus se voir refuser l’accès aux ERP (établissements recevant du public) que sont les musées, les théâtres, les cinémas, les centres commerciaux ou encore les écoles.
« Nous n’inventons pas l’eau chaude », s’est défendu jeudi, lors du débat au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, soucieux de rappeler que le port d’arme hors service n’est pas chose nouvelle. Depuis 2016, policiers et gendarmes disposent en effet déjà du droit de porter leur arme en dehors de leur service dès lors qu’ils en font la demande auprès de leur hiérarchie. Aujourd’hui, plus de 30 000 policiers rentrent chez eux ou vivent avec leurs armes en dehors de leur service.
Jusque-là, les responsables d’ERP pouvaient s’opposer à cette disposition car il n’y avait pas de cadre légal. « Il y a simplement une coutume qui veut que le patron ou la patronne de l’établissement recevant du public peut refuser l’entrée », a poursuivi le ministre devant les sénateurs. À la place de l’article réglementaire du code de sécurité intérieure, « nous proposons d’instaurer une législation […], cela devrait plaire aux législateurs que vous êtes. »
« Une logique simpliste »
Mais la mesure n’a pas été du goût de tous les parlementaires. Une série d’amendements visant à la suppression de l’article controversé a été défendue par les groupes PS, écologiste, CRCE à majorité communiste, des sénateurs du groupe RDSE à majorité radicale ainsi que par plus d’une vingtaine de cosignataires centristes, Les Républicains et Indépendants.
« Décider de porter une arme n’est pas anodin, a fait valoir Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne. D’abord pour les policiers et les gendarmes eux-mêmes. […] Mais aussi pour les autres. Quel sentiment éprouvons-nous si dans une salle de spectacle nous voyons à côté de nous une personne en civil qui porte une arme ? Est-ce que vous vous sentez rassuré, ou est-ce que vous vous sentez inquiet ? »
Des arguments partagés par Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine. « Rien ne prouve qu’un policier armé puisse apporter dans un ERP plus de sécurité. […] Il faut sortir de cette logique simpliste”, ajoute l’élue, évoquant la possibilité d’un « accident » si une arme tombe ou est subtilisée.
Une « régression », selon Amnesty international
« Toutes les mesures visant à étendre le port d’arme sont autant de régressions, estime de son côté Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer à Amnesty international, dans un entretien accordé à France 24. Cette mesure fait porter une lourde responsabilité aux policiers et aux gendarmes, qui doivent toujours être en mesure d’intervenir, même dans un lieu de fête. Et que se passerait-il si l’un d’entre eux venait à boire en possession de son arme ? Avant de prendre ce genre de décision, il eût été bon de faire des évaluations pour voir si ce genre de mesure est vraiment utile. »
Du côté des organisateurs de festivals, on craint également que les services de sécurité soient désormais obligés de laisser passer des hommes en civil armés avec une simple carte de police, qui peut être facilement falsifiée.
« Un faux débat »
« C’est un faux débat, balaie d’un revers de manche Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative police-CFDT. Depuis 2016, des policiers sortent dans des lieux publics avec une arme cachée dans leur holster, ou dans une sacoche l’été, et cela n’a jamais posé problème. Bien au contraire, c’est un gage de sécurité supplémentaire de savoir que des policiers et gendarmes puissent intervenir en cas d’attentat. » Et le syndicaliste de poursuivre : « Les policiers français sont encore loin de leurs homologues américains, qui ont toute autorité pour faire usage de leur arme. En France, son usage reste extrêmement encadré et ne peut se faire que dans le strict cadre de la légitime défense. »
Frédéric Ploquin, spécialiste de la police et auteur du livre « Les Narcos français brisent l’omerta » (éd. Albin Michel), n’y voit pas non plus de dérive. « D’abord parce qu’il n’y a aucune obligation des policiers à porter une arme hors service. Et il ne s’agit que d’intervention dans un cadre terroriste comme celui du Bataclan. Beaucoup d’entre eux m’ont confié ne pas vouloir se cacher avec les autres sous les tables en cas d’attaque. Ils préfèrent intervenir par amour du boulot. »
Mesure rassurante ou dérive sécuritaire, les sénateurs ont de toute façon tranché. Adopté « conforme » par les deux chambres en première lecture, l’article 24 ne pourra plus être modifié en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Un avant-goût…
Loi « sécurité globale » : Amnesty dénonce des « détentions arbitraires » lors d’une manifestation
L’ONG relève que parmi les 142 personnes interpellées lors de la mobilisation parisienne du 12 décembre 2020, « près de 80 % n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite ».
Le Monde avec AFP,Publié le 08 février 2021
Des CRS se tiennent à l’avant de la marche contre la loi de « sécurité globale », à Paris, le 12 décembre 2020. CHARLES PLATIAU / REUTERS
Infractions « vagues », « charges » sans sommation et « atteinte aux droits » : dans une étude publiée lundi 8 février portant sur 35 interpellations sans poursuite, Amnesty International dénonce des « détentions arbitraires » lors de la manifestation parisienne du 12 décembre 2020 contre la loi dite « sécurité globale ».
Ce jour-là, parmi les 142 personnes interpellées – dont 124 gardes à vue –, « près de 80 % n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite », note Amnesty International France en préambule de son rapport consulté par l’Agence France-Presse (AFP). Cela soulève « des inquiétudes légitimes sur les risques qu’il y ait eu des arrestations arbitraires et d’autres violations des droits humains », estime l’ONG, membre de la coordination d’associations et de syndicats mobilisés contre la loi « sécurité globale ».
Cette proportion est comparable à celle de la période « gilets jaunes », révélée le 25 novembre par le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz : de la fin de 2018 à la fin de 2019, seuls 27 % des personnes placées en garde à vue avaient été poursuivies en justice.
Lire aussi les témoignages de policiers : « Les gens ne savent pas ce que c’est de se faire cracher dessus et caillasser »
Le décalage entre le nombre d’interpellations et les poursuites effectivement engagées fait régulièrement l’objet de critiques de la part des défenseurs des libertés publiques comme des policiers, mais pour des raisons opposées. « La judiciarisation des manifestations n’est pas nouvelle », concède auprès de l’AFP Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer libertés pour Amnesty International France et autrice du rapport. Mais le 12 décembre, « il n’y a pas eu de violences notables de la part des manifestants, de dégradations. Rien ne semble justifier ce qui s’est passé en termes d’arrestations ou de charges », insiste-t-elle.
« Charges » sans « sommation audible »
Entretiens, certificats médicaux, pièces judiciaires…, Amnesty s’est penché sur le cas de 35 personnes interpellées sans poursuite, « dont 33 gardes à vue et deux privations de liberté de près de cinq heures ».
La manifestation s’était élancée ce jour-là de Châtelet pour rejoindre la place de la République, et avait été encadrée sur les côtés et à l’avant par de nombreux policiers et gendarmes, formant une sorte de « nasse mobile » de laquelle il n’était pas possible de sortir, avaient constaté des journalistes de l’AFP.
A partir de témoignages et de vidéos, Amnesty souligne que les interpellations ont eu lieu à l’occasion de « charges » qui n’ont pas été précédées de « sommation audible » et sans « désordres significatifs » dans le cortège.
« J’ai été surpris par la stratégie de maintien de l’ordre : à chaque intersection, les forces de l’ordre chargeaient sans motif ni sommation sur des manifestants non violents », témoigne à l’AFP Alexis Baudelin, avocat, interpellé sans être placé en garde à vue.
Tout au long du parcours, les forces de l’ordre avaient en effet multiplié les « bonds offensifs » pour interpeller et, selon la préfecture de police, « empêcher la constitution d’un groupe de black blocs violents », après deux week-ends successifs de violences à Paris.
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Lire aussi Loi « sécurité globale » : le Sénat veut, lui aussi, réécrire l’article 24
« Délit-obstacle »
Le rapport relève aussi des « détentions sur la base de lois vagues », notamment celle sanctionnant la « participation à un groupement en vue de la préparation de violences », reprochée dans vingt-cinq des cas étudiés. Or, dans l’étude d’Amnesty, seuls deux personnes sur 35 ont été interpellées en possession d’objets (lunettes de plongée, gants et casque de moto) pouvant justifier un soupçon de participation à un groupement violent.
« C’est un délit fourre-tout, qu’on appelle en droit un “délit-obstacle”. On sanctionne un fait avant qu’il ne se produise », explique Mme Simpere. Cette disposition « manque de précision » et « contribue à ce que les autorités l’utilisent d’une façon qui porte indûment atteinte aux droits humains », écrit Amnesty.
« Ils m’ont dit qu’il faisait partie d’une bande malveillante. C’était incompréhensible. (…) Mon fils est militant, mais il n’est en aucun cas quelqu’un de violent », témoigne à l’AFP Lara Bellini, dont le fils de 16 ans a passé vingt heures en garde à vue avant d’être libéré sans poursuite.
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Enfin, au moins cinq cas étudiés par l’ONG ont vu leur rappel à la loi assorti d’une interdiction de paraître à Paris pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois, une mesure rendue possible depuis une loi de mars 2019. Cette restriction au droit de circuler est « une peine sans jugement » qui pose « d’autant plus de problèmes (…) que les personnes visées ne peuvent pas faire appel », dénonce Amnesty, appelant le Parlement à abroger cette disposition du code de procédure pénale.
Le Monde avec AFP
Politique fiction
Le RN en rêvait, LREM l’a pensée, la loi de Sécurité Globale est sortie, le Sénat l’a votée dans sa dernière version.
Dans le même temps, on fête la Commune, celle de mars 1871, des milliers de républicains communards ont été massacrés par les Versaillais qui ont donné la troupe. Avec la loi de Sécurité Globale, Victor Hugo irait à la Santé réviser son français.
En juillet 40, Vichy était dans un sale État, avec un Pétain raciste et antisémite à sa tête, et Laval, le pragmatique, en ombre chinoise contrôlée depuis Berlin. Les RG à l’époque n’avait que des fiches cartonnées, et pourtant on connaît le résultat, on sait l’ampleur des dégâts.
Si un idéologue d’extrême droite arrivait sur le trône républicain, élu démocratiquement, par le plus grand parti, celui de l’abstention… Avec les nouvelles technologies, il disposait des instruments policier et judiciaire de contrôle et de punition. Avec la Loi de Sécurité Globale, il aura à sa disposition, le cadre légal, les moyens et les hommes pour passer à l’action. Le juge s’effaçant peu à peu face au préfet. Du régime déjà largement autoritaire et vertical tel que se présente notre actuel régime présidentiel, l’homme élu à la tête du pays aura les coudées franches pour instaurer un régime arbitraire, voir totalitaire. Dans ce contexte pandémique, et de crise économique accentuée, la fin pourrait justifier les moyens… Des lois d’importance sont discutées en urgence par l’Assemblée nationale, réduisant le rôle de celle-ci au nom de l’efficacité gouvernementale : ne pas perdre de temps en vains débats. Cinq semaines maximum pour débattre d’un texte. Et si c’était cinq semaines de trop !… Après tout il peut s’en passer des choses en cinq semaines, une entreprise doit être capable de réagir au quart de tour. Alors, dans certains cas où l’on (le président démocratiquement élu) jugerait que cela est nécessaire, lecture serait faite à l’Assemblée du projet de loi, et automatiquement adopté. Et pourquoi prendre des risques de perdre du temps pour un texte qui de toute façon serait adopté ? La proportionnelle ayant été il y a peu enterrée par Notre Président malgré les appels de François de Pau, au motif que… il y a dans le contexte économique et pandémique actuelle des dossiers prioritaires que l’adoption d’une dose de proportionnel n’aurait que différé et retardé. Qu’attendent les Français, des débats et des mots, ou des actes ? La réponse est dans la question. Quelques sujets pourraient demeurer dans les prérogatives de l’Assemblée nationale et de ses représentants du Peuple, le Mariage pour tous, L’égalité des chances, la transition écologique à laquelle une Convention citoyenne pourrait apporter ses lumières par des travaux préalables que le Président patronnerait et finalement validerait, ou la fin de vie assistée, le port du Burkini sur les plages et dans les piscines publiques, le menu des cantines scolaires (végétarien ou pas, casher, halal?), autant de thématiques auxquels les français sont attachés et feront les unes des journaux. Pour ces sujets dont la plupart hautement clivant, des manifestations pourraient être exceptionnellement autorisées à la discrétion du préfet, dans le respect des règles sanitaires anti Covid-19 et du stricte respect de la l’article 24 de la Loi de Sécurité Globale que le Sénat vient de valider.
Petit exercice de confinement pour journée de printemps pluvieuse : faire la liste de toutes les lois ou mesures portant atteintes aux libertés individuelles ou collectives depuis 2015 en France. On peut faire le même exercice pour les USA qui a ouvert la voie, le Royaume Uni qui l’a immédiatement suivi, les dits anciens pays de l’Est, etc…
Ac
Et la loi Sécurité Totale fut…
- 19 MARS 2021 BLOG : DAVID DUFRESNE
En ce jour de confinement 3, au Sénat, il se trouvait des représentants du peuple pour démolir nos/leurs libertés. Le spectacle était terrible. C’était affligeant. Drones pour tous, et pour tout ; reconnaissance faciale qu’on s’interdit d’interdire ; privatisation de la sécurité. Et article 24 adopté.
Ce 18 mars, comment en vouloir à la population, suspendue aux annonces de Jean Castex ? Hasard du calendrier, ou pas, et qu’importe, pendant ce temps, au Sénat, il se trouvait des représentants du peuple pour démolir nos/leurs libertés. Et quasiment pas de médias-qui-comptent pour s’en faire l’écho.
Ce furent 72 heures terribles. 72 heures pénibles [1]. Où tout était dit, parfois en mode « gélatine », pour reprendre les mots d’un sénateur. La soif sécuritaire, la revendication totalitaire, le pari de la surveillance. Tout était bon, dans un grand fracas de mensonges et de raccourcis, les Kalashnikov de Marseille, l’épouvantable drame de Magnanville, le Bataclan, les Gilets Jaunes, le Bloc, black, enfin pas clair et l’excellence des débats (au Sénat, on sait s’auto-congratuler, à un point rare que ça force le respect).
Sénat, 18 mars 2021, vers 19h © david dufresne
Derrière les sourires de certains, que des masques de tissus ne voulaient plus dissimuler : les encouragements d’autres ; ce fut une majorité auto-satisfaite au Sénat qui, la fleur au fusil, nous sommait de nous taire, pendant qu’elle écrabouillait tout idéal dont elle se réclame : la République. Darmanin lui-même évoqua l’an II. Et Prévert. Et Max Weber — éternel incompris.
Au palais Bourbon, il fallait croire à la technologie, et baiser les pieds de ses apôtres. On entendit même cet argument : les-caméras-piétons-des-policiers-sont-trop-nazes-pout-être-capables-du-moindre-début-de-reconnaissance-faciale. Il fallait, au-delà de tout, s’en remettre au « bon sens » invoqué comme un Sésame, faute de mieux, et de vision réellement revendiquée (hormis Stéphane Ravier, ex-RN, total obsédé par les « milices d’ultra gauche », les autres sécuritaires jouant au jeu faux des grands défenseurs de nos petites libertés ; gênés ou hypocrites ? Mention spéciale à la dame extrême centriste qui, en même temps, sacrifiait les libertés et s’abaissait dans les pires compliments au gouvernement, tel un entretien d’embauche d’autant pathétique qu’il était vain).
Quelques vaillants élus tentaient bien de sauver l’honneur perdu d’une République en perdition. Parmi eux, ou plutôt parmi elles tant les femmes étaient majoritaires : Éliane Assassi, Esther Benbassa, Sophie Taillé-Polian et Jérôme Durain. Mais le spectacle était terrible. C’était affligeant. Drones pour tous [2] , et pour tout ; reconnaissance faciale qu’on s’interdit d’interdire (donc, qu’on autorise) ; bras ouverts à la surveillance massive et intensive ; applaudissements devant la transmission en direct des images des caméras-piétons ; privatisation de la sécurité et forces de l’ordre qui, armées, pourront désormais se rendre hors service aux concerts, théâtres, cinémas. Et article 24 adopté. Liste exhaustive des défaites ici ou là. Les votants ici.
Ce 18 mars, comment en vouloir à la population, suspendue aux annonces de Jean Castex ? Hasard du calendrier, ou pas, et qu’importe, pendant ce temps, au Sénat, il se trouvait des représentants du peuple pour démolir nos/leurs libertés. Et quasiment pas de médias-qui-comptent pour s’en faire l’écho.
Ce furent 72 heures terribles. 72 heures pénibles [1]. Où tout était dit, parfois en mode « gélatine », pour reprendre les mots d’un sénateur. La soif sécuritaire, la revendication totalitaire, le pari de la surveillance. Tout était bon, dans un grand fracas de mensonges et de raccourcis, les Kalashnikov de Marseille, l’épouvantable drame de Magnanville, le Bataclan, les Gilets Jaunes, le Bloc, black, enfin pas clair et l’excellence des débats (au Sénat, on sait s’auto-congratuler, à un point rare que ça force le respect).
Derrière les sourires de certains, que des masques de tissus ne voulaient plus dissimuler : les encouragements d’autres ; ce fut une majorité auto-satisfaite au Sénat qui, la fleur au fusil, nous sommait de nous taire, pendant qu’elle écrabouillait tout idéal dont elle se réclame : la République. Darmanin lui-même évoqua l’an II. Et Prévert. Et Max Weber — éternel incompris.
Au palais Bourbon, il fallait croire à la technologie, et baiser les pieds de ses apôtres. On entendit même cet argument : les-caméras-piétons-des-policiers-sont-trop-nazes-pout-être-capables-du-moindre-début-de-reconnaissance-faciale. Il fallait, au-delà de tout, s’en remettre au « bon sens » invoqué comme un Sésame, faute de mieux, et de vision réellement revendiquée (hormis Stéphane Ravier, ex-RN, total obsédé par les « milices d’ultra gauche », les autres sécuritaires jouant au jeu faux des grands défenseurs de nos petites libertés ; gênés ou hypocrites ? Mention spéciale à la dame extrême centriste qui, en même temps, sacrifiait les libertés et s’abaissait dans les pires compliments au gouvernement, tel un entretien d’embauche d’autant pathétique qu’il était vain).
Quelques vaillants élus tentaient bien de sauver l’honneur perdu d’une République en perdition. Parmi eux, ou plutôt parmi elles tant les femmes étaient majoritaires : Éliane Assassi, Esther Benbassa, Sophie Taillé-Polian et Jérôme Durain. Mais le spectacle était terrible. C’était affligeant. Drones pour tous [2] , et pour tout ; reconnaissance faciale qu’on s’interdit d’interdire (donc, qu’on autorise) ; bras ouverts à la surveillance massive et intensive ; applaudissements devant la transmission en direct des images des caméras-piétons ; privatisation de la sécurité et forces de l’ordre qui, armées, pourront désormais se rendre hors service aux concerts, théâtres, cinémas. Et article 24 adopté. Liste exhaustive des défaites ici ou là. Les votants ici.
Loi Sécurité Globale Au Poste: on suit, on débat et on refait la loi (Jour 3, 1ère séance)
Pour amuser la galerie, on sortit du bois les gardes-champêtres, belle et bucolique diversion. Mais pas touche à l’IGPN, pas touche au contrôle sur le contrôle de la police. Les violences-policières ? Un oxymore, selon Darmanin. La défiance d’une partie de la population envers sa police ? Une lubie de gauchos.
Et puis, le pompon, le moment de bascule. Quand un rapporteur propose (avec succès, ce sera adopté) qu’on change le nom de la loi. Elle s’était d’abord appelée continuum sécuritaire : trop littéraire. Puis Sécurité globale : trop évidente. Désormais, elle porte pour petit nom [3] Loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés : tellement orwellien.
[1] Mais, heureusement, partagées avec des milliers de viewers sur Twitch, armée de drôles, d’inquiets, d’esprits pleins d’esprit : jour 2, jour 2 suite, jour 3 et jour 3 vote final
[2] Darmanin : « tout le monde a des drones, la police doit en avoir »
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Sécurité Globale: le Sénat dit oui à la surveillance de masse
- 19 MARS 2021 PAR LA QUADRATURE DU NET
- Hier, le Sénat a voté à son tour la #PPLSécuritéGlobale, en nous enfonçant encore un peu plus dans la Technopolice. Nos espoirs reposent maintenant sur le Conseil constitutionnel qui devra censurer largement les dispositions de ce texte ultra-sécuritaire.
Hier, le Sénat a voté à son tour la proposition de loi sur la « Sécurité globale », cinq mois après le vote en première lecture à l’Assemblée nationale. S’agissant d’une procédure accélérée, la prochaine étape sera directement en commission mixte paritaire, peut-être dès le début du mois d’avril. Au vu de la version du texte votée par le Sénat, il n’y a malheureusement rien à attendre de cette commission. Nos espoirs reposent maintenant sur le Conseil constitutionnel, qui devra censurer largement les dispositions de ce texte ultra-sécuritaire.
Il y a deux semaines, nous dénoncions le texte adopté par la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi dite de « Sécurité globale ». Après trois jours de débat en hémicycle, le Sénat vient cette fois-ci d’adopter le texte dans son ensemble.
Il a donc dit oui à l’intensification de la vidéosurveillance fixe, à l’extension de la liste des personnes pouvant avoir accès à la surveillance de la voie publique, à la transmission en direct des images des caméras-piétons, aux drones, aux hélicoptères et à l’article 24.
Le Sénat ne s’est malheureusement pas arrêté là. Il a également, par plusieurs dispositions, aggravé le texte. Mais soyons rassuré·es : il s’agit désormais de la « proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ». Ouf !
Surveillance vidéo des cellules de centres de rétention administrative (CRA) et de garde à vue
Le pire ajout du Sénat est peut-être celui-ci. S’accordant avec le gouvernement, les rapporteurs ont fait adopter une disposition permettant au ministre de l’intérieur de mettre des caméras dans les chambres d’isolement des centres de rétention administrative et des cellules de garde à vue.
Les propos du gouvernement sur cet ajout ont été proprement indignes. Alors que la France est régulièrement interpellée par différentes associations depuis des années, que le Contrôleur général des lieux de privations de libertés pointe régulièrement les conditions de détention indignes, que les condamnations par des juridictions françaises et internationales pleuvent, Gérald Darmanin a préféré opter pour une stratégie du mensonge en niant les graves atteintes aux droits des personnes incarcérées. Le tout pour défendre la mise en place de vidéosurveillance dans les cellules.
Derrière l’écran de fumée de la lutte contre les suicides et mutilations (alors même qu’on peine à imaginer en quoi une caméra de vidéosurveillance permettrait de lutter contre ces situations de détresses humaines), le ministre de l’intérieur, le Sénat et ses rapporteurs ont créé une surveillance permanente du peu d’intimité qui reste aux personnes retenues.
Interpellé sur l’incohérence à vouloir mettre des caméras dans des lieux insalubres, Gérald Darmanin a répondu par le déni, détournant le sujet en estimant qu’il faudrait plus de CRA et qu’« on a l’argent pour construire des CRA ». Cet argent magique n’est, visiblement, pas prévu pour améliorer le respect des conditions de détention. Mais, surtout, alors que le débat portait sur les conditions indignes d’incarcération, M. Darmanin transformait les propos de l’opposition en un soi-disant « procès scandaleux » sur de possibles actes de tortures en milieux de rétention, dans une tentative bien grossière de créer une « affaire dans l’affaire ».
Des caméras-piétons pour les gardes-champêtres
Autre ajout aggravant : l’autorisation d’une « expérimentation » pour permettre aux gardes-champêtres d’utiliser des caméras individuelles et de filmer les « incidents » se produisant ou susceptibles de se produire pendant leur intervention.
Après la police nationale et la police municipale, et après les services de sécurité des transports, c’est donc une nouvelle catégorie d’agents qui aura accès à la vidéosurveillance mouvante. Prétextant comme toujours d’une capacité soi-disant « pacificatrice » de ce dispositif — et faisant oublier que la caméra-piéton était à la base une idée de l’ancien ministre Bernard Cazeneuve pour compenser son refus de la proposition des « récépissés » de contrôle d’identité —, le gouvernement légitime encore une fois un nouveau dispositif de surveillance.
Drones : les mains libres pour le ministre de l’intérieur
Concernant les drones, l’interdiction de la reconnaissance faciale pour les images captées décidée en commission des lois demeure, mais c’est bien le seul point positif. Le Sénat a accepté de permettre également à la police municipale (et non plus seulement à la gendarmerie ou la police nationale) d’utiliser des drones pour surveiller la voie publique et constater certaines infractions. Si cette autorisation est donnée à titre expérimental, il ne faut pas se leurrer : en la matière, une expérimentation est toujours amenée à être intégrée dans le droit commun après quelques temps. Autorisation a par ailleurs été donnée à la police municipale d’utiliser des caméras embarquées sur leurs véhicules, cette fois-ci directement de manière définitive.
Le Sénat a par ailleurs laissé au ministère de l’intérieur le soin d’écrire, via un décret, ses propres lignes directrices quant à l’utilisation de ses drones, aussi bien sur la question de la formation en données personnelles que sur la proportionnalité des usages prévus. La garantie d’un avis préalable de la Cnil sur cette question n’est pas là pour nous rassurer, le ministère de l’intérieur ayant pour habitude de ne pas respecter les avis de cette dernière et la présidente de la CNIL s’étant montrée particulièrement peu lucide sur cet enjeu, lors des auditions au Sénat d’abord, puis dans l’avis de l’autorité sur le texte.
Le projet assumé d’une société sous surveillance biométrique
Enfin, le moratoire proposé par le groupe écologiste pour interdire pendant deux ans tout dispositif de vidéosurveillance biométrique a été rejeté.
Cela a néanmoins permis d’expliciter le projet de surveillance désiré par le gouvernement et la droite au Sénat. Devant le silence méprisant de l’hémicycle sur cette proposition de moratoire, une partie des sénateurs et sénatrices ont en effet demandé un scrutin public sur le vote, en précisant que rejeter ce moratoire revenait à autoriser la surveillance biométrique. Sur 344 votants, 244 ont donc voté pour la surveillance biométrique.
À cet égard, le récent décret autorisant le comptage de masques dans les transports apparaît ainsi de plus en plus comme un nouveau pied dans la porte menant à la Technopolice que nous dénonçons régulièrement.
L’idée qu’essaient de faire passer les rapporteurs au Sénat, sur un travail de « juriste sérieux » visant à encadrer les plus graves dispositions du texte, ne tient plus. Hier, non seulement aucune amélioration notable n’a été apportée au texte, mais plusieurs dispositions sont venues aggraver le danger pour nos libertés. Il reste encore l’étape de la Commission mixte paritaire, qui réunira les élu·es de l’Assemblée nationale et du Sénat mais de laquelle nous n’attendons absolument rien. Rendez-vous donc au Conseil constitutionnel pour tenter de faire barrage à ce nouveau coup de semonce sécuritaire.
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