Depuis plusieurs années, le Front national mise énormément sur les réseaux sociaux pour créer une dynamique autour du parti. Un constat d’autant plus fort que les autres mouvements peinent à tenir la comparaison.
Ils n’hésitent plus à se faire entendre sur internet, assumant leurs votes, clamant leur soutien à Marine Le Pen pour les régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et la présidentielle 2017. On peut les trouver, aussi, dans les commentaires des sites d’information, dénonçant régulièrement des articles jugés en faveur du Parti socialiste ou du parti Les Républicains. Les électeurs frontistes font indéniablement partie des plus visibles sur Internet. Un espace occupé depuis des années par le parti, qui a notamment fait des réseaux sociaux l’un de ses axes majeurs de communication, si ce n’est le principal.
Marine à la ferme, Marine au marché, Marine en meeting, Marine souhaite un joyeux anniversaire à sa nièce… La présidente du Front use des réseaux pour se trouver au plus près de ses électeurs. Ses adversaires politiques font de même évidemment. Mais le succès rencontré par la candidate en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie est énorme. En septembre 2013, elle ne comptait que 130 000 abonnés sur Facebook. Elle en a plus de 878 000 aujourd’hui. Sur ce réseau social, le Front national est sans discussion le premier parti de France, même s’il est un petit peu plus à la traîne sur Twitter.
Des candidats très actifs
Au-delà de la figure du parti, et dans une moindre mesure de Marion Maréchal-Le Pen [378 557 abonnés Facebook, 98 400 followers sur Twitter au moment où nous écrivons, NDLR], les autres têtes de liste du FN semblent avoir parfaitement géré leur campagne sur Internet. Pour preuve, une étude publiée la semaine dernière par l’agence réputation Squad, indiquant que cinq candidats FN aux régionales figuraient parmi les dix têtes de liste ayant le plus d’écho sur Facebook et sur Twitter. Les candidats du parti frontiste arrivaient même en tête dans huit régions sur 13, contre une seule par exemple Pour le parti socialiste… La Corse.
« Il faut déjà comprendre qu’il est plus facile de communiquer lorsque l’on se trouve dans l’opposition plutôt qu’au sein de l’exécutif », nuance Sarah Proust, actuelle directrice de campagne adjointe de Claude Bartolone en Ile-de-France, ancienne secrétaire nationale à la communication, aux réseaux sociaux, à la mobilisation militante et aux campagnes du PS. Jusqu’en 2014, Julien Sanchez, aujourd’hui maire frontiste de Beaucaire, était en charge des réseaux sociaux au sein du FN. Contacté par L’Express, il estime « indispensable » aujourd’hui pour un parti politique d’exploiter ces outils. « Nous étions parmi les premiers à lancer notre site internet dans les années 90. Il faut aussi se souvenir que Jean-Marie Le Pen a tenu un blog pendant des années, sur lequel il a posté chaque jour pendant de longues années. Tout cela ne vient pas de nulle part. »
Des militants formés par le parti
Tout cela ne vient pas de nulle part, en effet. Le parti a même lancé son « Campus Bleu Marine », où les têtes de liste, cadres du parti et autres militants reçoivent des formations de tout type. Julien Sanchez a déjà fait part de ses conseils au cours de formations. « Nous les formons sur plusieurs points. La façon de répondre aux questions des journalistes par exemple, en conférence de presse notamment. C’est l’occasion de donner quelques conseils pour leur apprendre à faire passer au mieux leurs messages. C’est à ce moment-là qu’intervient la communication sur Internet et les réseaux sociaux. »
Le Front national a lancé un site internet dédié à ces formations. On y trouve une cinquantaine de fiches d’information, sur des thèmes très divers (propositions en matière économique, fonctionnement du Conseil municipal. La référence à Internet apparaît notamment dans la fiche numéro 26, à propos des obligations relatives à la « propagande officielle et libre ». Avec ces réunions, le parti chercherait « à s’ancrer davantage sur le territoire », en partant de la base, analyse Sarah Proust. Ce qui n’a pas empêché plusieurs débordements de candidats frontistes sur les réseaux sociaux par le passé, avec la publication de messages aux relents racistes ou antisémites.
Une seule référence à internet dans les fiches de formation du FN.
Campus Bleu Marine
En septembre 2013, le quotidien Libération avait pu suivre le déroulé d’une de ces formations Internet. Isabelle Cochard, qui a précédé David Rachline à la communication au sein du parti frontiste, jouait le rôle du professeur aux côtés de Julien Sanchez. « Faites des messages positifs, pour qu’on voit des belles photos quand il y a du monde aux réunions, ça dynamise, ça suscite l’adhésion », conseillait-il alors.
Hervé de Lépinau ن @HdeLepinau
#Carpentras : #CampusBleuMarine ce week-end. Se former pour réussir. #RBM #municipales2014
09:59 – 12 Oct 2013
Le complotisme séduit les électeurs frontistes
Parmi les consignes données ce jour-là, le maire de Beaucaire invitait également les militants à commenter directement les articles de presse, souvent taxés de mensongers par le parti. L’élu local tient toujours le même discours auprès de L’Express. « Beaucoup d’informations ne sont pas relayées par les grands médias. Nous sommes alors forcés d’en rendre compte. On constate souvent une volonté de ne pas sortir telle ou telle information. Peut-être que la consigne est parfois donnée d’un peu plus haut », insinuant que les journalistes reçoivent leurs ordres de politiques influents.
Julien Sanchez n’hésite pas à reprendre à son compte des publications de sites identitaires qui génèrent une forte audience en versant régulièrement dans le complotisme. « Je tiens à préciser que ces sites ne sont en aucun cas affiliés au Front national. On en parle beaucoup, mais il y a aussi des équivalents à gauche. Ces médias sont utiles pour relayer de l’information auprès des grands médias. Je me souviens d’une vidéo d’une agression dans un bus il y a quelques années. Il avait fallu des milliers de vues sur le site fdesouche pour que les médias commencent à en parler. »
E-politic, une boîte de com’ très proche du FN
On le voit à travers ces quelques exemples, la stratégie numérique du Front national ne doit rien au hasard. Une partie de la communication serait d’ailleurs assumée par e-politic, entreprise de conseil en communication née le 3 juin 2014, neuf jours après les élections européennes. Plusieurs députés européens FN avaient alors été approchés par l’entité pour assurer leur communication numérique, assurait Le Canard Enchaîné dans ses colonnes.
La structure est enregistrée dans le 16e arrondissement de Paris, au 27 rue des vignes. Là où se situe le siège de Jeanne, micro-parti de Marine Le Pen, qui fait aujourd’hui l’objet d’une procédure judiciaire. Si plusieurs médias estiment que Frédéric Chatillon, son trésorier, se trouverait derrière e-politic, cette dernière est officiellement gérée par Paul-Alexandre Martin, 25 ans. Un jeune homme très proche du Front national. Tellement proche qu’il était candidat aux élections législatives de 2012 dans la 8e circonscription du Rhône. Il avait fini en troisième position au premier tour, avec un peu moins de 14% des voix. Sur son compte Twitter, il passe aujourd’hui le plus clair de son temps à retweeter le compte du Front national, lorsqu’il annonce la publication d’un nouvel article sur son site internet. La communication, encore et toujours.