Zoé Valdès candidate Vox

La romancière cubaine Zoé Valdés, candidate au Sénat espagnol pour le parti d’extrême droite Vox

L’écrivaine exilée en France depuis 1995 mais naturalisée espagnole se présente aux élections législatives du 23 juillet dans la circonscription de Madrid, où elle a peu de chance d’être élue. Celle qui a soutenu Donald Trump dans le passé prétend vouloir éviter à l’Espagne le destin de Cuba.

Par (Madrid, correspondante), Publié le 22/07/2023, Le Monde

Zoé Valdés est mal à l’aise. « J’enregistre cette conversation », prévient-elle avant de répondre au Monde par téléphone. Depuis que son nom est apparu parmi les candidats au Sénat du parti d’extrême droite espagnol Vox, dans le cadre des élections législatives anticipées du 23 juillet, la romancière cubaine, en exil en France depuis 1995, tente, tant bien que mal, de justifier cet engagement politique surprenant.

« Vox n’est pas d’extrême droite mais d’extrême nécessité, comme ils le disent eux-mêmes », précise rapidement l’autrice de La Douleur du dollar (Actes Sud, 1997), le roman qui l’a rendue mondialement célèbre. On la savait très conservatrice, capable d’exprimer son soutien à Donald Trump, mais pas au point de faire le saut en politique. « Je suis antifasciste et anticommuniste. Je ne suis pas d’extrême droite. Mon œuvre parle pour moi », insiste-t-elle, une pointe d’agacement dans la voix.

Zoé Valdés n’est pas militante de Vox et ne passe qu’une partie de sa vie en Espagne, « entre Madrid et l’Andalousie », dit-elle. Cependant, elle n’a pas douté lorsque le parti lui a offert de clore sa liste de candidats au Sénat pour la circonscription de Madrid. Naturalisée espagnole en 1997, en tant qu’écrivaine pourchassée politiquement dans son pays, elle considère la proposition comme « un honneur » qu’aucun autre mouvement « ne lui a jamais fait ».

Elle affirme l’accepter pour au moins deux raisons : « la possibilité de mener la lutte anticommuniste et anticastriste » depuis le Sénat espagnol, et de « sauver l’Espagne du pire », chose qu’elle « n’a pas pu faire pour Cuba ».

Pour l’écrivaine, le gouvernement de gauche mené par le socialiste Pedro Sanchez fait en effet courir à l’Espagne le risque de connaître le même sort que le Venezuela ou le Nicaragua. « C’est comparable », insiste-t-elle, rappelant que la ministre et cheffe de file de la gauche radicale espagnole, Yolanda Diaz, a posé dans sa jeunesse devant une grande affiche du Che Guevara, ou que Pedro Sanchez a parfois chanté L’Internationale.

Une stratégie habituelle pour Vox

C’est en 2017 que Zoe Valdés aurait noué une relation avec les dirigeants de Vox, après qu’elle a participé à une table ronde organisée par le Mouvement chrétien de libération – une organisation politique opposée au régime cubain, fondée par l’ancien dissident Oswaldo Paya –, sur le thème « Femmes et activisme politique et social ». Rocio Monasterio, porte-parole de Vox dans la région de Madrid et originaire de Cuba, était présente.

Le parti d’extrême droite a l’habitude d’approcher les dissidents politiques et exilés des pays communistes et bolivariens d’Amérique latine, pour mieux attaquer l’extrême gauche espagnole, supposée proche de ces régimes, et pour se poser en défenseur de la liberté et des droits de l’homme dans ces pays. Comme l’avait fait Donald Trump, lors de la campagne présidentielle américaine de 2020, le président de Vox, Santiago Abascal, a ainsi diffusé un clip baptisé Latinos por Abascal durant ses meetings et sur ses réseaux sociaux, pour demander aux exilés de lui donner ses voix, « pour la liberté ».

Lorsqu’on lui demande son opinion sur le retrait d’une adaptation théâtrale du roman féministe Orlando de Virginia Woolf, qui s’interroge sur les questions de genre, de la programmation d’une ville de banlieue de Madrid, Valdemorillo, où Vox a pris les rênes de la culture, Zoé Valdés reprend les explications d’économies budgétaires peu crédibles données par le parti. Elle dit aussi ne pas avoir eu vent de la suppression de la projection en plein air du film d’animation Buzz L’Eclair de Disney, dans un village de Cantabrie, à cause du bref baiser échangé par deux personnages féminins.

Sur le refus du parti de respecter les minutes de silence organisées dans les institutions en hommage aux victimes de violences machistes, la romancière, qui se définit comme féministe, reprend l’argumentaire de Vox, en assurant que le parti est « contre tout type de violence », qu’elle soit exercée « contre l’homme ou la femme ».

Peu de chance d’être élue

Quant à l’immense affiche électorale déployée brièvement en juin par Vox dans Madrid, sur laquelle on voyait une poubelle où étaient jetés pêle-mêle le symbole féministe, le logo de l’agenda 2030 qui fixe des objectifs de développement durable, ou le drapeau LGBTIQ+, celle qui a écrit sur les amours homosexuels à Cuba botte en touche.

« Il y a des choses de Vox avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Tous les partis font des erreurs », ajoute-t-elle, avant de rappeler qu’elle avait fait partie du comité de soutien d’Anne Hidalgo, avant de se sentir trahie, lorsque la maire de Paris avait reçu et « déroulé le tapis rouge » devant l’ancien président cubain, Raul Castro.

Zoé Valdés a très peu de chance d’être élue au Sénat, puisqu’elle occupe la troisième et dernière place de la candidature de Vox au Sénat pour la circonscription de Madrid. Mais quoi qu’il arrive, elle aura mis son nom et sa célébrité au service du parti de la droite populiste et nationaliste espagnole.