Toulouse: arrêté anti bivouac contre les migrants

Centre-ville de Toulouse : ces migrants qu’on déplace

La Dépêche du Midi, Haute-Garonne

L’arrêté anti-bivouac, pris par le maire de Toulouse le 12 septembre pour «résoudre le problème des campements illicites», est appliqué à la lettre, mais la situation des demandeurs d’asile est déplacée.

Décret anti bivouac Toulouse

La question de l’hébergement des demandeurs d’asile, une patate chaude que se renvoient la ville de Toulouse et les services de l’Etat. / DDM, illustration

Efficace l’arrêté municipal anti-bivouac pris le 12 septembre par le maire LR de Toulouse et président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc ? En tout cas dans les faits, son application est pour le moins visible dans le centre-ville de Toulouse où les tentes occupées par de nombreux ressortissants albanais et roumains, avec des enfants en bas âge, disparaissent peu à peu du paysage. Le jour où il a pris son arrêté, le maire en avait comptabilisé 26, il assure depuis que le chiffre était passé à «16».

Son objectif assumé est de mettre l’Etat devant le fait accompli de prendre en charge les demandeurs d’asile (lire ci-contre). Sauf que les tentes qui quittent la ceinture de boulevards se transportent un peu plus loin. Les migrants jouant au chat et à la souris avec les policiers municipaux qui peuvent désormais faire appliquer l’arrêté anti-bivouac et verbaliser. Même si, de source interne, certains confient «ne pas vouloir jouer le jeu».

Sur le terrain. Autour du quartier Arnaud Bernard, une famille est encore présente avec quatre enfants, non loin de la maison de naissance de Claude Nougaro, mais la tente qui abritait un couple avec «une petite fille», située en face du 6 boulevard de Lascrosses, a disparu lundi dernier. Dans des conditions qui ont «profondément choqué» une employée dans le secteur, Victoria Sitadino, qui passait par là. Elle raconte : «Entre 7 et 8 heures, des policiers et deux employés ont écrasé les tentes et ont tout jeté dans un camion poubelle, dit-elle. Ils ont tout pris pendant que les gens étaient partis déjeuner. Les policiers ont jeté deux téléphones, récupérés par un employé de mairie devant nos yeux. Un monsieur au balcon a même tenté de l’interpeller. Dans la tente, il y avait une couette, trois valises, des vêtements et une poussette, des papiers… C’est honteux.» Victoria assure avoir alerté la mairie de Toulouse. La préfecture de Haute-Garonne, sollicitée par nos soins, n’a pas donné suite.

 

Version officielle. Le Capitole confirme avoir procédé à l’enlèvement de la tente du 6, boulevard Lascrosses, mais l’adjoint aux affaires sociales Daniel Rougé assure que «le couple qui vivait dans cette tente n’a pas d’enfant et n’était pas en train de déjeuner». Il précise : «Ils ont été déboutés du droit d’asile. Ils ont été convoqués à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) qui leur a proposé un retour volontaire dans leur pays d’origine, mais ils ont refusé. Le 27 septembre, des représentants de la direction de l’intégration sont allés les voir, mais ils n’étaient pas là. Puis ils ont été interpellés par la police aux frontières et placés dans un centre de rétention administrative». Les affaires laissées par ce couple de migrants étant dès lors considérées «comme des encombrants». Elles finissent soit à la poubelle, soit aux objets trouvés.

 

La situation des migrants. Selon Anaïs Garcia, membre du DAL 31 et coordinatrice des permanences d’accès aux droits, la situation des familles dans la rue n’est que «déplacée». «On a reçu plusieurs familles et des mères nous ont raconté que le temps qu’elles amènent leurs enfants à l’école, on leur avait enlevé leur tente, explique Anäis Garcia. C’est d’une extrême violence. D’autres, contrôlés plusieurs fois par nuit, sont contraints de se déplacer sans arrêt avec des enfants qui sont scolarisés dans des écoles toulousaines. Beaucoup ne quittent plus leur tente de peur qu’elle soit confisquée ou qu’on vole leurs affaires personnelles.»

 

La question « politique ». Concernant l’arrêté anti-bivouac, elle est sans ambiguïté pour les associations militantes et les élus du groupe socialiste de l’opposition municipale. Ils se disent en désaccord avec le maire, candidat à sa succession aux municipales de 2020, qui a évoqué des «associations politisées» qui «organisent cette exposition (de tentes) sur le domaine public» pour «affoler les Toulousains». C’est aussi «l’arrêté de la honte» pour le mouvement Archipel Citoyen. Rappelons enfin que l’arrêté anti-bivouac d’octobre 2013 pris à Nice par son maire UMP Christian Estrosi a été suspendu par le tribunal administratif au motif qu’il portait «aux libertés individuelles une atteinte disproportionnée par rapport au but de sécurité et de tranquillité publiques qu’il vise».

 

Gérald Camier