Marine Le Pen: la stratégie de la diversion
MLP se réjouit des réquisitions du parquet, seulement condamné pour abus de biens sociaux et détournements, le parti s’en sort bien et échappe à l’escroquerie. Pour un parti dont les leaders sont toujours prêts à dénoncer les malversations de l’oligarchie et prompts à faire la morale en politique, ce n’est pourtant pas très reluisant. Le RN, un parti pas comme les autres ?… Assurément ! Un parti raciste, xénophobe,homophobe, pour qui la démocratie n’est qu’un moyen de prendre le pouvoir.
A ce propos, aux élections présidentielles de 2017, 47% des policiers ont voté FN, mais « la très grande majorité des fonctionnaires de police » ne sont pas racistes. Un homme de 18 – 30 ans dont la couleur de peau est autre que blanche est contrôlé huit fois plus que son collègue blanc du même âge… Ac
16 JUIN 2020 PAR LUCIE DELAPORTE, Médiapart
La présidente du RN a multiplié les contre-feux médiatiques pour faire passer à l’arrière-plan la condamnation de son parti pour « abus de biens sociaux ». En lançant l’offensive sur l’héritage du général de Gaulle, elle espère occuper quelques jours le Landerneau médiatique.
A peine condamné pour « abus de biens sociaux » dans l’affaire du financement de ses campagnes législatives de 2012, le Rassemblement national s’est fendu d’un communiqué triomphal de quelques lignes avec un sens du contre-pied dont ce parti a le secret. « À l’issue de plusieurs années d’instruction, le tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision qui sonne comme une victoire pour le Rassemblement national », s’est félicité dans un communiqué publié en fin de journée le parti de Marine Le Pen se réjouissant de n’être condamné que pour les faits de « recel d’abus de biens sociaux ».
Pour le reste, la direction du RN s’est démenée pour faire passer au second plan son embarrassante condamnation en allumant ces dernières heures des contre-feux tous azimuts.
Car, pour grossière qu’elle soit, la stratégie de l’écran de fumée a toujours son efficacité. Au moment où la justice rendait son verdict, Marine Le Pen organisait, à brûle-pourpoint, une conférence de presse à Dijon sur les scènes de violence qui ont eu lieu dans la ville. « Notre pays sombre dans le chaos ! Que fait le ministre de l’intérieur ? Des bandes se livrent une guerre ethnique, arme automatique à la main, à Dijon. Faut-il en appeler au RAID pour rétablir l’ordre ?! Il y a urgence à désarmer les banlieues et à revoir drastiquement notre politique d’immigration ! », postait ainsi la dirigeante du parti d’extrême droite quelques heures avant la condamnation de son parti.
Compte Twitter de Jordan Bardella
Depuis hier, ses fidèles lieutenants, à l’instar de Jordan Bardella (député européen), ont inondé les réseaux sociaux de vidéos montrant les affrontements de Dijon, sans jamais faire mention du procès touchant leur parti.
Le porte-parole du parti, Sébastien Chenu, en habile communicant, a quant à lui multiplié les messages indignés sur la dégradation d’un buste du général de Gaulle à Haumont (Nord).
Dans la manœuvre de diversion, l’offensive sur l’héritage gaulliste du parti fondé par le pire ennemi du général de Gaulle – et l’inévitable polémique médiatico-politique que la démarche suscite – doit servir à faire passer à l’arrière-plan les affaires financières du parti. Rien de mieux, sans doute, qu’une telle polémique pour faire oublier les turpitudes d’une formation qui a longtemps eu pour devise « mains propres, tête haute ».
Au RN, on espère sans doute que les médias s’intéresseront plus au déplacement de Marine Le Pen prévu ce jeudi sur l’île de Sein pour rendre hommage au général de Gaulle,qu’aux déboires judiciaires du parti d’extrême droite.
Marine Le Pen, qui a publié le 3 juin une longue tribune dans la Revue politique et parlementaire où elle revendiquait l’héritage de De Gaulle, poursuit évidemment ce faisant sa stratégie de normalisation politique, quitte à tordre totalement l’histoire de son parti. Mais le timing est aussi idéal pour détourner l’attention médiatique des condamnations qui frappent son entourage.
L’annonce de sa venue sur l’île de Sein le 18 juin ne pouvait en effet que provoquer un scandale. Tous les éléments pour alimenter un feuilleton politique à rebondissements pendant quelques jours sont réunis. Acte 1 : Marine Le Pen déclare qu’elle prononcera un discours devant le monument des Forces navales françaises libres de l’île. Acte 2 : révolté par l’initiative de la présidente du RN, le maire de Sein annonce qu’il déplace l’heure de la cérémonie d’hommage à de Gaulle et que celle-ci se déroulera en comité restreint pour ne pas avoir à subir la présence des membres du RN. Acte 3 : Marine Le Pen s’émeut de son ostracisme et retrouve la posture victimaire qu’elle affectionne tant.
Dans sa volonté de faire oublier au plus vite sa condamnation judiciaire, le RN bénéficie en outre d’un atout majeur : une classe politique française toujours aussi peu offensive sur les affaires financières. Plusieurs heures après le jugement, la plupart des partis politiques n’avaient pas réagi.
Sollicité par Mediapart, le député LR du Vaucluse Julien Aubert estime que cette condamnation « va peut-être inciter ce parti à donner un peu moins de leçons… En tout cas, je n’imagine pas le général de Gaulle condamné pour “abus de biens sociaux”, raille l’élu qui estime « qu’il n’est visiblement pas si facile pour Marine Le Pen de passer de l’île d’Yeu [où est enterré le maréchal Pétain – ndlr] à île de Sein ». « Pour le reste, poursuit-il, cette condamnation, qui n’est pas très violente, montre bien que la justice n’est pas dans une stratégie d’acharnement contrairement à ce que disent les responsables du RN. On s’attendait à une décision qui aurait pu mettre en danger de mort le parti, au vu de ses problèmes financiers, et il n’en a rien été », affirme Julien Aubert. À La France insoumise, le député de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière interrogé par Mediapart, juge lui « cocasse d’être condamné pour “abus de biens sociaux” pour un parti qui ne veut ni son bien, ni du social ».
Pour Marine Le Pen, qui a déjà commencé sa campagne pour 2022, ce manque de réactions politiques, est évidemment du pain bénit.