L’école de Marion Maréchal se divise sur l’économie
21 JUIN 2018 PAR LUCIE DELAPORTE
Au sein de l’école de Marion Maréchal, qui doit être inaugurée vendredi 22 juin, des tensions sont apparues sur la vision de l’économie qui y sera défendue. L’étiquette « libérale » paraît de plus en plus difficile à porter pour celle qui se rêve en opposante à Emmanuel Macron.
Pas encore ouverte, l’école de Marion Maréchal connaît déjà quelques tensions. Alors que l’ISSEP (Institut de sciences sociales économiques et politiques) doit être inauguré vendredi 22 juin à Lyon, la question des enseignements économiques divise l’équipe mise en place par l’ancienne députée FN du Vaucluse.
« Il y a un débat sur la question du libéralisme », reconnaît Jacques de Guillebon, codirecteur du comité scientifique, qui laisse entendre qu’en matière économique, les membres de l’équipe n’auraient pas exactement la même vision de ce qu’ils souhaitent défendre.
La place des représentants du collectif Audace – le cercle de cadres et de chefs d’entreprise du RN (Rassemblement national, ex-FN) –, dans le lancement de l’école, le recrutement des enseignants et les partenariats avec les entreprises, n’y est pas pour rien. Les conseillers régionaux RN Thibaut Monnier et Antoine Melliès, cofondateurs du collectif et tous deux proches de Marion Maréchal, auraient ainsi insufflé une ligne très libérale et uniquement centrée sur l’entreprise qui met mal à l’aise une partie de son entourage.
Marion Maréchal lors d’un meeting. © Reuters
Dirigeant d’une société immobilière, Thibaut Monnier se présentait dans son clip de campagne aux législatives comme « entrepreneur dans l’âme » et opposé « aux normes délirantes » comme « au poids des taxes » qui pèsent sur les entreprises. Il a toujours désapprouvé la ligne « gauchisante » d’un Florian Philippot. Pas question de défendre les 35 heures, la retraite à 60 ans ou l’ISF comme l’a fait le Front national jusqu’à l’élection présidentielle de 2017. L’ISSEP défendra avant tout « la liberté d’entreprendre ».
Dans la vidéo de présentation de l’école, le président honoraire, Patrick Libbrecht, un ancien cadre de Danone, affirmait que « l’entreprise [était] au cœur» de l’institut « avec notre club de chefs d’entreprises partenaires ». L’école veut former « une génération de décideurs aptes à affronter les mutations rapides du monde ». Et donc préparer ses élèves à s’adapter aux « concurrences de toutes sortes » et à un monde économique qui « évolue en permanence », comme l’indique Libbrecht.
Comme n’importe quelle business school, l’ISSEP propose donc de former ses étudiants au « développement du leadership », au « management du conflit », ainsi qu’aux « fondamentaux de la gestion de projet ». Un choix qui a fait un peu tousser ceux qui se rappellent avoir entendu Marion Maréchal insister sur la nécessité d’une école enseignant les humanités, l’histoire, la philosophie, le droit, loin du « gloubi-boulga managérial comme dans un certain nombre de business school », expliquait-elle sur La FranceLibreTV.
Un professeur de sciences humaines approché pour donner des cours a décliné après avoir regardé la plaquette de présentation de l’ISSEP. « Tout cela semble avoir été fait sur un coin de table. C’est plein de contradictions : ils sont à la fois dans la rhétorique libérale du “monde qui bouge”, du “il faut être mobile” et en même temps dans le discours de l’ancrage charnel et des racines. Cela n’a pas de sens ! », relève-t-il.
Au sein de l’école, ce débat ne fait sans doute que commencer. Il peut sembler un peu anecdotique – l’institut privé ne formera qu’une trentaine d’étudiants par an sans délivrer de diplômes reconnus par l’État –, mais c’est en réalité la vision économique de Marion Maréchal, toujours centrale à la droite de la droite, qui est en jeu.
Présentée depuis toujours comme tenante de l’aile « libérale », en opposition notamment à la ligne défendue par Florian Philippot, l’ancienne députée semble de plus en plus embarrassée par cette étiquette. Comment, en effet, se présenter comme une alternative à Emmanuel Macron si l’on défend sur le plan économique peu ou prou les mêmes options ?
Pour son ami Jacques de Guillebon, rédacteur en chef de L’Incorrect, Marion Maréchal ne serait en réalité pas du tout « libérale ». « C’est une construction journalistique », affirme celui qui rappelle que l’ancienne députée du Vaucluse est une lectrice assidue du philosophe Jean-Claude Michéa, grand contempteur du libéralisme. « On peut d’ailleurs être antilibéral sans être étatiste », précise-t-il.
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Ceux qui ont œuvré à son programme économique lors des élections régionales de 2015 veulent souligner que si elle est favorable à « la liberté d’entreprendre, à alléger les charges sur les PME / TPE, et a une vision critique de l’administration, elle n’est pas pour la financiarisation de l’économie ou la privatisation de tout », comme l’explique un de ses conseillers.
Pour Florian Philippot, malgré cet « habillage un peu poujado, de soutien aux petits patrons contre les grands, elle a toujours défendu les mesures les plus libérales », explique-t-il, en rappelant qu’au moment du débat sur la loi El Khomri, les élus du collectif Audace avaient déposé des amendements allant dans le sens d’une encore plus grande dérégulation. « La vérité, c’est qu’un peu comme son grand-père, l’économie l’intéresse très peu. Leur obsession, c’est de ne pas faire fuir d’éventuels électeurs venus de LR », dénonce l’ancien proche de Marine Le Pen.