Marine Le Pen lance la campagne des régionales dans les Hauts-de-France
Venue soutenir Sébastien Chenu, candidat face au président de région sortant Xavier Bertrand, la présidente du RN a cloué au pilori celui qui est désormais aussi son adversaire pour 2022.
Avesnes-sur-Helpe (Nord).– Il l’a rebaptisé son « Chenu bus ». Floqué avec son visage en grand, aux côtés de celui de Marine Le Pen, le véhicule aux couleurs du Rassemblement national sillonne les Hauts-de-France depuis la mi-février. Sébastien Chenu, candidat RN aux élections régionales face à Xavier Bertrand et à une gauche unie derrière Karima Delli, sait qu’il a encore beaucoup à gagner en notoriété sur le terrain.
Vendredi, la présidente du parti est venue lui apporter son soutien dans cette drôle de campagne où la tenue des élections en juin prochain, en raison de la crise sanitaire, n’est toujours pas acquise.
Sur le petit marché d’Avesnes-sur-Helpe, où le « Chenu bus » fait une première étape, les habitants n’ont d’yeux que pour « Marine » qui multiplie les selfies dans cette petite commune rurale proche de Maubeuge, où son parti réalise à chaque scrutin d’excellents scores.
Parmi les badauds ou les commerçants interrogés, aucun ne connaît ce matin-là Sébastien Chenu, député du Nord pourtant habitué des plateaux télé. « Cela me dit quelque chose, je crois que je l’ai déjà vu », nous glisse un commerçant qui n’est pas non plus très au fait des élections régionales… « C’est quand déjà ? », demande-t-il.
Les Hauts-de-France sont une des régions sur lesquelles le RN mise le plus en juin prochain. En 2015, Marine Le Pen, arrivée largement en tête au premier tour, estime s’être fait voler la victoire par le désistement de la gauche qui a permis l’élection du candidat LR Xavier Bertrand. Face au président de région sortant, désormais aussi candidat pour 2022, le RN espère enfin prendre sa revanche.
« On ne se laissera pas voler cette campagne électorale », affirme Sébastien Chenu, persuadé que le gouvernement a tout à gagner des actuelles restrictions sanitaires qui rendent de fait l’accès aux électeurs pour les candidats très compliqué.
Le porte-parole du RN, candidat malheureux à Denain aux dernières élections municipales, a décidé de ratisser la région en privilégiant les petites villes. « On est dans une commune qui illustre bien une partie de notre région, assez enclavée » et qui souffre, à l’entendre, d’un manque de transports publics, mais aussi d’une insécurité « qui gangrène le territoire ».
La commune a d’ailleurs été choisie par le parti car l’église a subi il y a quelques jours un incendie volontaire perpétré par « une personne en situation irrégulière ». Si la presse a bien indiqué qu’un homme d’une soixantaine d’années, connu pour des faits de droit commun, avait été placé en détention provisoire, aucune information – à notre connaissance – n’a été publiée sur sa nationalité. Mais une église attaquée par un « clandestin », le symbole est fort et méritait bien un petit détour.
Sébastien Chenu rappelle d’ailleurs son slogan de campagne, inscrit en gros sur son bus de campagne : « Une région qui vous protège ». « On va se demander dans cette campagne comment on peut avoir des élus qui soient comme des boucliers face aux difficultés que rencontrent les Français », détaille-t-il à la quinzaine de journalistes venus le suivre.
Le député, qui a « beaucoup écouté le terrain depuis février », comme le précise à Mediapart son attaché de presse, estime que le temps n’est pas encore venu de dévoiler son programme. Un programme qui devrait comprendre des mesures « fortes » sur « l’insécurité » mais aussi « une mesure phare sur l’emploi des jeunes ».
En attendant d’en dire plus, Sébastien Chenu et Marine Le Pen ont décidé de taper comme des sourds sur le président de région sortant, désormais aussi concurrent de Marine Le Pen pour la présidentielle 2022.
La tête de liste du RN affirme ainsi vouloir « rompre avec l’argent public qui finance les entreprises qui délocalisent », rappelant le soutien régional à Bridgestone, entreprise qui a délocalisé après avoir touché des centaines de milliers d’euros de subventions [120 000 euros de la région sous le mandat de Bertrand – ndlr] ces dernières années.
« Xavier Bertrand, c’est beaucoup de com’… Ses voitures à un euro, cela a concerné 150 personnes », avance encore le candidat. Plus exactement 600 personnes sur quatre ans, comme l’a montré une enquête de notre partenaire Mediacités.
« Xavier Bertrand dit aussi qu’il veut restaurer l’autorité mais on l’a vu financer des structures qui ont des liens avec les islamistes », affirme aussi Sébastien Chenu sans plus de précisions. « Xavier Bertrand et Gérald Darmanin, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, sont allés danser la danse des sept voiles au lycée Averroès qui est aux mains des islamistes », a renchéri au cours d’un point presse la présidente du RN. Une information totalement fausse, mais qui fait sans doute référence à une visite qui a eu lieu en réalité le 8 janvier 2015…
Marine Le Pen, qui s’est entretenue avec une coiffeuse de la commune, tient à préciser aux journalistes présents que cette dernière n’a pas reçu d’aides de la région, alors que Xavier Bertrand a fait voter en novembre une aide financière aux petits commerces fermés en raison du Covid. « Très peu de commerces ont reçu cette aide régionale pour des raisons bureaucratiques, technocratiques », peste-t-elle.
Marine Le Pen était déjà, vendredi, en campagne pour 2022. Face à Xavier Bertrand « le mondialiste », elle sera la candidate des « nationaux ». Sur les petits marchés de l’Avesnois, elle commence à dérouler ses thèmes de campagne favoris. « C’est du localisme, ça », dit-elle à une productrice de miel un peu surprise, en référence à la notion qui tient lieu de programme écologique au RN.
Dans « sa » région, la députée du Pas-de-Calais s’emploie aussi à déminer les sujets qui fâchent. La présence dans la Somme – pour les élections départementales – de Damien Rieu, l’un des cofondateurs de Génération identitaire, aujourd’hui dissoute, sur les listes du RN ? Aucun problème, assure-t-elle. « Je ne partage pas toutes les idées de Génération identitaire […] mais on ne peut pas barrer la route à quelqu’un qui veut être candidat au motif qu’il y a dix ans il avait choisi des voies plus radicales », plaide-t-elle toute à son entreprise de « normalisation ». « Ou alors il faudrait barrer la route à Gérald Darmanin qui écrivait dans un journal très lu par l’Action française », ajoute-t-elle tout sourire.
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La veille, Valeurs actuelles a publié un entretien fleuve avec la candidate dans lequel elle s’attarde longuement sur sa vie privée. Elle s’y félicite d’avoir fendu l’armure, explique-t-elle aux journalistes. « J’ai une pudeur qui ne m’a jamais trop poussée à le faire mais il faut permettre aux Français de mieux me connaître. Je ne suis pas sûre que les Français me connaissent si bien. »
Si elle a pu apparaître « dure, rigide », c’est aussi qu’elle a été longtemps « malmenée » par la presse, assure-t-elle. « Aujourd’hui, les médias n’ont plus le même comportement, se réjouit-elle, à part quelques exceptions qui considèrent qu’on est un parti à part, la plupart reconnaissent qu’on est un très grand parti français qu’il faut traiter comme les autres. »
Si la campagne des régionales balbutie encore, la campagne pour 2022 a bel et bien commencé pour Marine Le Pen.