Menaces et agressions de l’ED contre des élus

Les menaces et agressions de l’extrême droite contre les élus continuent, un mois après la démission de l’ex-maire de Saint-Brevin

Des groupuscules d’extrême droite continuent d’intimider les élus partout en France, qui dénoncent le manque de moyens de la justice.

Par , Le Monde

Publié hier  (le 23/06/2023)
La nouvelle maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), Dorothée Pacaud, lors d’un conseil municipal après son élection à la suite de la démission de Yannick Morez, visé par des menaces et des violences de l’extrême droite, le 9 juin 2023.
La nouvelle maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), Dorothée Pacaud, lors d’un conseil municipal après son élection à la suite de la démission de Yannick Morez, visé par des menaces et des violences de l’extrême droite, le 9 juin 2023. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Un électrochoc sans prise de conscience. Le 10 mai, la démission du maire (divers droite) de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), Yannick Morez, après l’incendie criminel de sa maison, avait provoqué une indignation générale au sein de la classe politique. En réaction, le gouvernement a annoncé, le 17 juin, la mise en place d’un « pack sécurité » ainsi que d’un observatoire, le « centre d’analyse et de lutte contre les violences faites aux élus », afin de mieux les protéger. Pourtant, un mois plus tard, les attaques contre la municipalité de Saint-Brevin ne se sont pas arrêtées.

Dorothée Pacaud (sans étiquette), qui a succédé à Yannick Morez à la tête de cette station balnéaire de 14 800 habitants, le 9 juin, a annoncé dix jours plus tard qu’elle s’apprête à déposer une quatrième plainte contre les « intimidations » de l’extrême droite. Comme son prédécesseur, elle est la cible d’invectives depuis plusieurs mois et a choisi de porter plainte « à chaque fois que c’est judiciairement possible ».

Et dans différentes communes de France, des élus sont toujours la cible d’intimidations et font face à des violences croissantes. Le 10 juin, le maire d’Annecy, François Astorg (EELV), a également porté plainte à la suite des menaces émanant de groupuscules d’extrême droite, deux jours après l’attaque au couteau perpétrée par un réfugié syrien dans sa ville.

Campagne sur les réseaux sociaux

A Lauris, dans le Vaucluse, l’agression d’un conseiller municipal par un habitant le 13 juin manquait de provoquer la démission du maire et de ses élus, finalement dissuadés par la préfète Violaine Démaret. En Bretagne, de nombreux élus locaux sont toujours la cible d’attaques répétées de militants d’extrême droite et néofascistes, qui avaient déjà mené la mairie de Callac (Côtes-d’Armor) à abandonner un projet de centre d’accueil de réfugiés en janvier.

Samedi 24 juin, des élus du Tarn-et-Garonne et du Lot-et-Garonne organisent une manifestation de soutien au maire de la commune de Montjoi, en Tarn-et-Garonne, Christian Eurgal, insulté et menacé de mort pendant plusieurs mois à la suite d’une campagne sur les réseaux sociaux menée par l’influenceur d’extrême droite Papacito.

En un an, entre 2021 et 2022, les atteintes verbales ou physiques à l’encontre des élus locaux, notamment les maires et leurs adjoints, ont augmenté de 32 %, passant de 1 720 à 2 265, selon des chiffres rendus publics, le 15 mars, par le ministère des collectivités territoriales.

« Ça fait plusieurs années que l’Association des maires de France [AMF] tire le signal d’alarme », soupire André Laignel (PS), son vice-président, qui évoque comme tournant la mort, en 2019, de Jean-Mathieu Michel, maire du village de Signes, dans le Var, percuté par le conducteur d’une camionnette qui déversait des gravats dans la nature. Depuis 2020 au moins, l’AMF appelle le gouvernement à « plus de fermeté » et à des peines renforcées contre les auteurs d’agressions.

« Terroriser les élus »

De l’observatoire mis en place par le gouvernement, André Laignel attend plus qu’un recensement, il demande l’identification des causes de ces violences. Car s’il reconnaît une « dégradation du sens civique », il demande des circulaires pour réduire le nombre de classements sans suite des plaintes des élus, qu’il estime à 95 %. Une opinion que partage Luc Carvounas (PS), le maire d’Alfortville, dans le Val-de-Marne, et coprésident de la commission des affaires sociales de l’AMF : « Le cadre juridique existe, on a déjà de quoi protéger les élus, mais le classement sans suite est quasiment systématique, à cause du manque de moyens alloués au service public de la justice. »

Autre catalyseur des violences, les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), dans le collimateur des groupuscules d’extrême droite à Saint-Brevin et à Callac. « La stratégie est de multiplier les opérations et les menaces de mort pour terroriser les élus locaux qui veulent installer des centres d’accueil, afin que spontanément ils finissent par dire à l’Etat : “Pas chez moi” », estime André Laignel, qui identifie un « terrorisme d’extrême droite » en plein développement, orchestré et structuré.

Maire d’Issoudun, dans l’Indre, M. Laignel observe aussi que les membres de la direction de l’AMF eux-mêmes reçoivent régulièrement des SMS et des tracts dans lesquels ils sont insultés et ciblés nommément. Des menaces qui, parfois, ne s’arrêtent pas là. « Ils s’en prennent aux conjoints, aux enfants… On peut comprendre les maires qui obtempèrent ou démissionnent », soupire André Laignel.