A Saint-Brevin-les-Pins, la gauche amorce un « sursaut républicain » contre les violences envers les élus et contre l’extrême droite
Mercredi 24 mai, 2 000 personnes dont plusieurs élus de gauche ont manifesté à Saint-Brevin-les-Pins en soutien à son maire qui a démissionné sous la pression de militants d’extrême droite opposés au déménagement d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile.
L’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem , la secrétaire nationale d’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) Marine Tondelier , le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et député Olivier Faure , Le député PS Guillaume Garot et la maire de Nantes Johanna Rolland écoutent un discours avant la marche de soutien à l’ancien maire de Saint-Brevin Yannick Morez France, le 24 mai 2023. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP
Tout le monde l’attend. A 18 heures, ce mercredi 24 mai, Yannick Morez sort finalement de la mairie de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), commune de 14 000 habitants qu’il dirige depuis 2017. Echarpe tricolore autour de la poitrine, accompagné de son équipe municipale, l’édile (divers droite) sonde la foule du regard avant de prendre la parole. Face à lui, quelque 2 000 citoyens, syndicalistes et élus qui ont marché dans les rues de la coquette station balnéaire. Au premier plan, des visages connus comme celui de Johanna Rolland, maire (Parti socialiste, PS) de Nantes. C’est elle qui a mobilisé la majorité des responsables politiques de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale : Olivier Faure (PS), Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin (La France insoumise, LFI), Marine Tondelier et Sandrine Rousseau (Europe Ecologie-Les Verts, EELV), Fabien Roussel (Parti communiste français)…
Tous ont fait le déplacement, ce mercredi, pour soutenir Yannick Morez, devenu le « symbole » des élus victimes de violences depuis qu’il a, mercredi 17 mai, méticuleusement détaillé les raisons de sa démission devant la commission des lois du Sénat. L’édile a dénoncé « l’abandon » des pouvoirs publics alors qu’il orchestrait le projet, voulu par l’Etat, de déménagement d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile à proximité d’une école.
Arrêter « le chahut » à l’Assemblée
« Je ne m’attendais pas à voir autant de monde ce mercredi », entame Yannick Morez, les yeux rougis par l’émotion. Il tente de contenir les trémolos qui lui piquent la voix : « Depuis l’annonce de ma démission, je suis plongé dans un tourbillon médiatique. J’ai décidé de tout dire, de tout révéler pour alerter. Mon histoire relève d’un problème national. » Face à lui, les édiles opinent comme une évidence. D’après les chiffres du ministère de l’intérieur, les violences envers les élus ont augmenté de 32 % en 2022. « Une réalité largement sous-estimée et intolérable, déclare Johanna Rolland, agacée. Quand un élu est attaqué, c’est la République qui recule. D’autant qu’ici il y a un contexte singulier. L’extrême droite a joué un rôle que je refuse de passer sous silence. Jamais plus un maire ne doit se sentir abandonné. Il doit y avoir un avant et un après Saint-Brevin. »
De Jean-Luc Mélenchon à Olivier Faure en passant par Marine Tondelier, les différents responsables de partis politiques réclament « un sursaut républicain et transpartisan ». Ce mercredi, Yannick Morez a refusé de défiler à leurs côtés. Dans un communiqué publié la veille, il regrettait « une récupération politique notamment de l’extrême gauche » ainsi que « la discrétion de la droite ». Dans les rues de Saint-Brevin-les-Pins, quelques élus locaux encartés à Renaissance, dans des partis du centre ou de la droite, tentent de faire oublier l’absence des figures nationales.
Pour équilibrer le temps de parole du discours inaugural de la marche, Johanna Rolland a confié le micro à Maurice Perrion, maire (UDI) de la commune de Ligné (Loire-Atlantique) et représentant départemental de l’Association des maires de France. L’élu réclame du gouvernement « des mesures importantes pour que la situation vécue par Yannick Morez ne se reproduise plus » avant de « défendre » les gendarmes et d’appeler les parlementaires à « arrêter leur chahut » à l’Assemblée nationale. Grognements et sifflets dans l’assistance.
La « colère » du maire de Callac
Jean-Pierre Audelin, maire (divers droite) de la petite commune voisine de Saint-Père-en-Retz, s’agace : « Je suis venu pour soutenir Yannick et pour défendre les élus locaux. Je refuse les querelles politiques alors que nous avons besoin d’une prise de conscience sur la condition des élus. Notre mission relève presque du bénévolat lorsque l’on vit tant de violence, de pression et de nuits blanches. Cette marche aurait dû avoir lieu plus tôt. »
Beaucoup plus tôt même, à écouter Jean-Yves Rolland, maire (sans étiquette) de Callac (Finistère). En janvier, cet élu a abandonné son projet de centre d’accueil pour réfugiés sous la pression de l’extrême droite. Cette décision est depuis brandie comme une « victoire » par nombre de militants d’extrême droite qui, galvanisés, se sont ensuite mobilisés à Saint-Brevin. « Je suis soulagé de voir la réussite de la manifestation de ce mercredi, mais aussi en colère. Les partis politiques se sont réveillés trop tard pour nous défendre. Aujourd’hui, Yannick Morez démissionne. Heureusement, son équipe garde le cap. A Callac, si j’étais parti, tout le conseil municipal aurait fait de même. Alors, je suis resté pour éviter une victoire totale de l’extrême droite », confie Jean-Yves Rolland.
« Aujourd’hui, nous sommes là, décidés à gagner ensemble la bataille culturelle contre l’extrême droite », rétorque Marine Tondelier (EELV), en réponse aux critiques de soutien tardif des partis politiques. Mathilde Panot, député LFI, reprend : « Ces événements doivent servir d’alertes. Nous vivons dans un pays où il y a des ratonnades, où des maires ne sont pas protégés, où Jean-Luc Mélenchon, des mosquées, le Conseil représentatif des institutions juives de France sont les cibles de projets d’attentats. Nous devons enfin prendre la mesure de la menace de l’extrême droite. » A la tribune, Yannick Morez en parle finalement peu et préfère insister sur « la violence croissante » envers les élus notamment ruraux : « Que se passera-t-il, demain, avec l’application de la loi ZAN [zéro artificialisation nette des sols] ? Je m’inquiète pour ces maires qui devront annoncer à certains concitoyens que leurs terrains ne sont plus constructibles… »