Cette étude est le fruit d’une classe d’étudiants de Sciences Po. Elle montre notamment que le vote FN au parlement européen consiste à quelques exceptions près à dire non à tout projet de loi, par là les députés FN assuraient une certaine cohérence, vu qu’ils étaient contre l’Europe. Par contre, parfois ce vote négatif contredit leur prétention au niveau national, là c’est plus génant.
Une telle étude est alléchante : coincer le RN, preuve à l’appui. Sauf qu’il manque dans ce travail un examen des textes de loi soumis au vote, parfois l’abstention ou le vote négatif peut s’avérer justifier, sans même que l’on adhère aux idées FN (maintenant RN).
En rouge, quand effectivement il y a contradiction ente positionnement national et européen. En orange, quand c’est discutable. Première partie aujourd’hui, le tout fait 11 pages. AC
De 2014 à 2019, comment le Rassemblement national a-t-il voté au Parlement européen ?
Actualité 20.05.2019
Principale délégation française au Parlement européen au cours de la législature 2014-2019, le Rassemblement national (Front national jusqu’en 2018) a pu s’exprimer par le biais de plus de 10 000 votes. Toute l’Europe a en sélectionné 16, illustrant la diversité des sujets traités par les eurodéputés afin d’étudier les choix du plus europhobe des partis politiques français représentés à Strasbourg.
Comment le Rassemblement national (RN) a-t-il voté au Parlement européen au cours des cinq dernières années ? Toute l’Europe a essayé de répondre à cette question alors que le parti de Marine Le Pen est régulièrement accusé de manquer de cohérence s’agissant des affaires européennes.
Extrêmement eurocritique, pour ne pas dire antieuropéen, sur la scène nationale, le RN entretient de nombreux griefs à l’égard de l’Union européenne, lui reprochant entre autres de ne pas protéger les frontières, de favoriser la circulation de terroristes, d’être trop libérale économiquement, ou encore de saper les services publics et les droits sociaux. Autant de sujets régulièrement traités au Parlement européen et sur lesquels le parti d’extrême droite a eu l’occasion de voter depuis 2014.
Toute l’Europe a ainsi sélectionné 16 textes emblématiques des sujets traités par le Parlement européen entre 2014 et 2019 et a examiné le vote des eurodéputés du Rassemblement national, pour en évaluer la cohérence par rapport aux prises de position nationales.
Nous nous sommes aussi intéressés au vote des partis alliés au Rassemblement national au sein du groupe politique européen de « l’Europe des nations et des libertés » (ENL), en vue de mesurer le degré de proximité de ces formations réunies.
La délégation du RN comptait 24 membres en 2014… pour finir à 15 en 2019. Celle-ci a beaucoup fluctué au cours de la législature, certains élus préférant siéger avec les non-inscrits ou rejoindre en cours de route le groupe politique européen de « l’Europe de la liberté et de la démocratie directe » (ELDD), où figurent notamment Nigel Farage (UKIP puis Parti du Brexit) et le Mouvement 5 étoiles (M5S) italien.
Pour notre analyse, nous ne prenons en compte que les députés européens membres du Rassemblement national à la date de chaque vote.
- Les émissions de CO2 des voitures
- La pêche électrique
- La régulation des pesticides
- L’avenir de la PAC
- Les données des dossiers passagers (PNR)
- La lutte contre le terrorisme
- Le renforcement de Frontex
- L’Etat de droit en Hongrie
- L’intégration des réfugiés
- La révision de la directive sur les travailleurs détachés
- L’accord de libre-échange avec le Canada (CETA)
- L’ouverture du transport ferroviaire de passagers à la concurrence
- La lutte contre le harcèlement moral et sexuel
- Le droit d’auteur
- Le secret des affaires
- La situation au Venezuela
Les émissions de CO2 des voitures
Le texte : Voté à une très large majorité (521 pour, 63 contre, 34 abstentions) le 27 mars 2019, il vise à établir des normes de performance plus strictes pour les voitures en matière d’émissions de CO2.
Le vote : L’ensemble des élus RN a voté contre le texte, tout comme le reste du groupe ENL à l’exception de 4 abstentions.
L’analyse : Le vote négatif des députés RN apparaît en contradiction avec leur volonté de mettre en place une « écologie constructive au service de tous les Français« , qui impliquerait des mesures relatives aux « véhicules à essence ou diesel« .
La pêche électrique
Le texte : Voté à une très large majorité (571 pour, 60 contre, 20 abstentions) le 16 avril 2019, il prévoit l’interdiction de la pêche électrique au 1er juillet 2021. Jusqu’à présent, 5% de la flotte de pêche de chaque Etat membre était autorisée à recourir à cette technique controversée.
Le vote : L’ensemble des eurodéputés RN a approuvé l’interdiction, contrairement à nombre de leurs alliés notamment néerlandais, les Pays-Bas étant le principal pays à exercer cette pratique.
L’analyse : Le vote des députés RN, identique à celui des autres partis français représentés au Parlement européen, est conforme avec ses prises de position passées. Le parti de Marine Le Pen défendait à cet égard une interdiction dès l’année 2019, car la flotte néerlandaise « a provoqué la destruction des stocks de poissons, et mis en péril l’activité des artisans pêcheurs français, belges et anglais de la mer du Nord« .
[Revue de presse] Le Parlement européen interdit la pêche électrique, une victoire pour l’écologie
La régulation des pesticides
Le texte : Voté à une large majorité (526 pour, 66 contre, 72 abstentions) le 16 janvier 2019, il défend la refonte des procédures d’autorisation des pesticides au sein de l’UE, ainsi que la création d’un système efficace de vigilance.
Le vote : L’ensemble des eurodéputés RN a voté contre le texte, tandis qu’une partie importante de ses alliés ont voté pour ou se sont abstenus.
L’analyse : Alors que l’élue RN Joëlle Mélin plaidait pour une définition moins « laxiste » des perturbateurs endocriniens (dont la majeure partie des pesticides font partie), le texte du Parlement européen n’a pas été jugé suffisant pour être approuvé par le RN. Pour son collègue Philippe Loiseau, il est en effet « trop bienveillant » et « n’améliore rien »
Le vote FN est présenté ici comme un vote de contestation systématique, alors que cette loi telle qu’elle est rédigée laisse de grandes failles dans lesquelles les services juridiques des multinationales concernées vont se faire un plaisir de s’engouffrer. Ainsi, le parlement peut prétendre avoir pris une position pour une régulation des pesticides, tout en sachant qu’elle serait grande partie inopérante.
L’avenir de la PAC
Le texte : Voté à une assez large majorité (468 pour, 123 contre, 89 abstentions) le 30 mai 2018, il fixe les priorités du Parlement européen concernant l’avenir de la politique agricole commune pour la période 2021-2027.
Le vote : L’ensemble des députés RN a approuvé le texte, à la différence d’un grand nombre de leurs alliés ayant préféré voter contre ou s’abstenir.
L’analyse : Le vote favorable du Rassemblement national était attendu dans la mesure où le texte prévoit notamment d’augmenter le budget de la PAC, une mesure défendue par le parti. Même si, dans le même temps, la formation d’extrême droite ne cesse de critiquer le fonctionnement de la politique agricole commune, laissant même entendre que son abrogation pourrait être bénéfique aux agriculteurs français.
L’augmentation du budget de la PAC n’implique pas une plus grande justice dans sa répartition. Celle-ci relève de la compétence de chaque État, et aux premières déclarations du gouvernement d’Édouard Philippe, la clé de redistribution ne va ni dans le sens d’une plus grande justice, ni dans celle accordant un bonus au Bio.
Les données des dossiers passagers (PNR)
Le texte : Voté à une assez large majorité (461 pour, 179 contre, 9 abstentions) le 14 avril 2016, il autorise l’utilisation des données des passagers aériens de vols hors-UE afin de contribuer à la lutte contre le terrorisme.
Le vote : L’ensemble des eurodéputé RN a rejeté le texte, contrairement à ses alliés de La Ligue italienne qui, eux, ont voté pour ou se sont abstenus.
L’analyse : Pour le Rassemblement national, ce système serait inefficace car, comme l’a encore affirmé Marine Le Pen en avril dernier, « pas un seul terroriste n’a pris l’avion pour venir commettre un attentat sur notre territoire« . De plus, une fuite de données personnelles au bénéfice des Etats-Unis serait à craindre. Notons toutefois que les affirmations de la présidente du RN sont fausses, Abdallah El Hamahmy ayant par exemple tenté d’assassiner des militaires aux abords du carrousel du Louvre en janvier 2017 après être arrivé de Dubaï par avion. De plus, un accord* passé entre l’UE et les Etats-Unis en 2007 doit garantir la protection des données personnelles des ressortissants des deux continents.
Si tous les accords seraient respectés, ça se saurait, surtout en matière de renseignements et de transferts de données personnelles. Si les accords avaient été respectés, des affaires comme celles des écoutes des chancelleries françaises et allemandes révélées en 2016 n’auraient jamais existé. *Ensuite tentative n’est que tentative, donc on ne peut pas dire que les allégations de MLP sont fausses. On se doit de ne pas employer les mêmes méthodes que nos adversaires, c’est inutilement lui fournir des armes pour se poser en victimes désignés.