Hervé Juvin, l’homme qui murmure à l’oreille de Marine Le Pen
Une archive de France Culture où chaque semaine était proposé un portrait d’homme politique. Là – et c’est dans l’actualité de la Coordination 09 contre l’ED et sa réflexion sur l’écofascisme – présentation d’un élu RN, tenant du « Localisme » tout en étant actionnaire d’entreprises multinationales comme Amazone, Total, Shell, Microsoft, etc.. dont il salue les performances opérationnelles prestigieuses. Le bonhomme ne semble pas souffrir de la contradiction, les dividendes qu’il touche l’aide peut-être à surmonter ce paradoxe et la dissonance psycholgique qu’il pourrait générer.
A écouter, ça ne dure que 5 minutes, et ça dit l’essentiel, le monsieur pourrait nous vendre de l’air en tube par paquet de dix, ça ne grandit pas,hélas, l’image du personnel politique et la sincérité de leur engagement. Ac
Résumé
Cet intellectuel essayiste, eurodéputé élu sur la liste RN, portera les couleurs du parti d’extrême droite dans les Pays de la Loire lors des prochaines régionales. Homme d’affaires autodidacte, issu des milieux libéraux, il défend désormais une écologie identitaire auprès de Marine Le Pen.
On peut être écologiste et proche de Marine le Pen. C’est la démonstration que tente de faire depuis maintenant quatre ans Hervé Juvin. Cet homme de 65 ans vient de fonder avec l’ancien « Insoumis » Andréa Kotarac le Parti localiste, qu’il définit lui-même plutôt comme un mouvement pas « contre le RN mais à côté, en complément« . Le localisme n’est pourtant pas dans l’ADN du Rassemblement national, un parti très vertical, de tradition jacobine. Et pourtant, même si Hervé Juvin n’a toujours pas sa carte du parti de Marine Le Pen, il joue incontestablement un rôle très important auprès de la candidate à la présidentielle. Il a été élu eurodéputé sur la liste RN en 2019. Et il va représenter les couleurs du parti dans les Pays de Loire lors des prochaines régionales.
Intellectuel reconnu, Hervé Juvin est un atout pour Marine Le Pen qui manque cruellement de cadres dans son parti. Depuis le départ de Florian Philippot en 2017, la ligne sociale souverainiste est en perte de vitesse au sein du RN, au profit d’une ligne plus identitaire. C’est justement cette ligne qui est défendue par Hervé Juvin et son Parti localiste comme une démarche qui consiste à « repartir d’en bas ».
« On ne réussira pas à refaire un projet national qui fasse sens d’en haut. (…) Les choses font sens en terme d’emploi, en terme de qualité de vie, en terme d’environnement quand elles partent de la base. C’est de là qu’il faut repartir, sinon on n’y arrivera pas. »
Itinéraire d’un Breton de Nantes, « chrétien identitaire »
Chez Hervé Juvin, le localisme est en fait un nationalisme qui s’appuie sur les identités. Il se définit lui-même comme Breton et chrétien identitaire. Un Breton de Nantes. Nantes, où il a passé son enfance et son adolescence. Il aimait aller flâner sur les quais de la Fosse. Dans les années 60, des bateaux y arrivent de toute l’Afrique « plein d’odeurs et de saveurs exotiques » (dixit Baudelaire)
« La mer ne sépare pas, la mer unit. Le petit garçon nantais que j’étais se sentait très proche de ces lieux qui le faisaient rêver : l’Afrique, l’Amérique latine, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, etc. Cela m’a donné des envies du monde que je retrouve chez beaucoup de Bretons, de Basques et de Corses. On s’ouvre davantage au monde en sachant d’où l’on vient, plutôt qu’en étant un homme hors-sol. «
Raymond Barre, Corinne Lepage, et… Marine Le Pen
Une fois le bac en poche avec deux ans d’avance, Hervé Juvin quitte Nantes pour Paris. Il entre à Sciences po, qu’il abandonne deux ans plus tard, sans diplôme. C’est donc en simple autodidacte qu’il débute alors une carrière d’essayiste et de conseiller auprès de dirigeants publics et privés. Ses spécialités : les mondes de la banque et des finances publiques. Il publie notamment chez Gallimard et se rapproche de Raymond Barre dans les années 90, via une fondation visant à rapprocher les milieux politiques et économiques européens dans le cadre de la fondation de l’euro.
Au milieu des années 2000, il s’intéresse aux questions environnementales au contact de l’avocate et candidate à la présidentielle en 2002 Corinne Lepage qu’il rencontre régulièrement.
Et c’est il y a quatre ans qu’il fait la connaissance de Marine Le Pen lors d’un colloque à la Mutualité qui réunit des politiques et des économistes d’extrême droite. Il accepte alors de travailler avec elle. Le nom « Le Pen » ne lui fait pas peur.
Nous sommes dans un moment particulier de notre histoire politique. Les socialistes sont devenus les meilleurs alliés de l’hyper-capitalisme. Tout ce qui se réclame de la gauche a complètement oublié la figure de l’ouvrier, du paysan et du travailleur, pour adhérer à la figure du nouveau Saint laïc : le migrant. (…) On est dans un moment où la France a un sens, ça a un sens de poursuivre un projet national, ça a un sens de définir une communauté des Français, et ça c’est peut-être quelque chose qui s’exprime autour du Rassemblement national.
Hervé Juvin chantant la Marseillaise aux côtés de Marine Le Pen et Jordan Bardella, le 16 mai 2019 à Fessenheim lors de la campagne pour les Européennes. © AFP – Frédérick Florin
Depuis son élection comme député européen, Hervé Juvin a cessé l’ensemble de ses activités privées. Il conseille désormais Marine Le Pen sur l’écologie et l’économie au sein des « Horace », un collectif d’élites au service de la candidate du RN.
Ecologiste, nationaliste et actionnaire de multinationales
Hervé Juvin défend une écologie basée sur l’ethno-différencialisme. Il compare les sociétés humaines à des écosystèmes à préserver. Seules les frontières sont à même de protéger cette diversité. La mondialisation heureuse n’existe pas. Ces thèses ne sont pas nouvelles. Elles sont défendues depuis les années 70 par la Nouvelle droite et la revue Eléments. Hervé Juvin est d’ailleurs un collaborateur régulier de cette publication depuis 2017. Hervé Juvin qui combat l’ouverture des frontières, l’immigration, et le libre-échange, est pourtant lui-même actionnaire de multinationales comme l’a révélé une publication de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
Antimondialiste et multi-actionnaire… Hervé Juvin n’y voit pas de contradiction.
Si vous voulez bien comprendre ce qu’il se passe dans une société cotée, c’est bien d’être partie prenante. (…) Prenons l’exemple d’Amazon : quand vous êtes actionnaire, quand vous surveillez l’évolution de l’entreprise, quand vous surveillez l’évolution de son cours, selon les décisions stratégiques qu’elle prend, vous avez beaucoup plus de chances de comprendre quelque chose parce que vous avez ce lien, que si vous vous tenez à distance respectueuse et que vous ne suivez pas mois après mois ce que devient l’entreprise. (…) Amazon est en effet une société mondialisée qui écrase le petit commerce, et en même temps c’est une merveille de performance en terme opérationnel.
Hervé Juvin est également actionnaire de Total. Là non plus, il ne voit pas de décalage avec ses idées écologistes.
Total est l’une des composantes de l’indépendance de la France et fait régulièrement, comme le nucléaire français, l’objet d’opérations financées de l’extérieur, pour déstabiliser les grandes entreprises françaises. Dans le cas de Total, cela fait partie du devoir national pour ceux qui en ont les moyens d’en être actionnaires et de les soutenir.
Pour Hervé Juvin, on peut donc être un « écolo-identitaire » opposé au capitalisme « nomade », tout en étant actionnaire dans des multinationales. Une sacrée leçon de pragmatisme !