Génération identitaire dans le viseur des USA

Génération identitaire dans le viseur de l’antiterrorisme américain

Une élue de la Chambre des représentants vient de demander à l’administration Biden de reconnaître des organisations d’extrême droite comme terroristes. Parmi ces groupes néonazis ou suprémacistes blancs, on retrouve le mouvement français récemment dissous.

Génération identitaire manif février Libé

Lors de la dernière manifestation de Génération identitaire avant sa dissolution, le 20 février. (Bertrand Guay/AFP)

par Maxime Macé et Pierre Plottu, Libération

publié le 14 avril 2021 à 18h56

La récente dissolution de Génération identitaire (GI) par les autorités françaises ne devrait pas empêcher l’administration américaine de s’intéresser à l’ancienne tête de pont du mouvement identitaire français. C’est du moins ce que souhaiterait l’élue démocrate du Michigan à la Chambre des représentants des Etats-Unis Elissa Slotkin. Elle a demandé au secrétaire d’Etat, Antony Blinken, de placer sur la liste des organisations terroristes toute une série de groupes extrémistes «suprémacistes blancs», dont Génération identitaire.

 

Ancienne analyste chevronnée de la CIA et passée par le Pentagone, Slotkin préside une commission de la Chambre portant sur le renseignement et le contre-terrorisme. Elle s’est félicitée de la décision du Département d’Etat (ministère des Affaires étrangères américain) en avril 2020 de placer sur la liste des organisations terroristes internationales le Russian Imperial Movement, premier groupe d’extrême droite à faire l’objet d’une telle mise à l’index, mais estime qu’il est désormais «temps d’en faire plus».

Une dizaine de groupes radicaux d’extrême droite concernés

Elle propose ainsi aux autorités d’ajouter à cette liste une dizaine de groupes radicaux d’extrême droite présents aux Etats-Unis et en Europe. On y trouve la branche allemande du mouvement terroriste néonazi Atomwaffen et ses «succursales» baltique, britannique et canadienne (respectivement Feuerkrieg Division, Sonnenkrieg Division et Northern Order), les skinheads de Hammerskins ou encore Blood and Honour et Combat 18 – ces deux derniers ont été dissous par les autorités françaises en 2019. Sont aussi visés les terroristes suédois du Nordic Resistance Movement, les néonazis ukrainiens du Régiment Azov et leurs volontaires étrangers et, donc, le mouvement français Génération identitaire.

 

Concrètement, cette désignation comme «organisation terroriste» aurait des implications pour les groupes ainsi que pour leurs membres actuels ou passés. Ces derniers pourraient par exemple avoir de grandes chances de se voir refuser l’accès au territoire américain, précise le maître de conférences à l’Université catholique de Lille spécialiste des politiques de sécurité et de lutte antiterroriste aux Etats-Unis, Philippe Bonditti, contacté par Libé. L’enseignant-chercheur précise que, dans ce cadre, les autorités américaines ont pour habitude de ne pas limiter leur surveillance aux structures légales désignées, mais à raisonner en termes de réseau.

Forte montée de la menace terroriste

Sur Twitter, Elissa Slotkin s’est dite «frappée par la menace que ces groupes extrémistes suprémacistes blancs représentent à l’étranger», mais aussi par le «niveau de contact qu’ils ont avec des individus aux Etats-Unis et le relatif défaut d’appréciation du gouvernement américain» sur le sujet. Il s’agit donc de donner aux autorités un cadre juridique et «de nouveaux outils pour signaler et entraver les Américains qui ont des contacts, soutiennent, entraînent ou rejoignent» les groupes extrémistes ciblés.

 

Cette demande est ainsi à lire au prisme de la forte montée de la menace terroriste d’extrême droite sur le territoire américain, souligne Philippe Bonditti. «C’est la preuve que la nouvelle administration américaine considère que les démocraties sont en risque de déstabilisation», analyse le spécialiste de l’extrême droite Nicolas Lebourg, en référence notamment aux émeutes du Capitole de janvier. «Une administration qui cherche à regagner le terrain perdu pendant la gouvernance Trump», renchérit Philippe Bonetti.

Selon une étude récente du Center for Strategic and International Studies compulsée par le Washington Postle terrorisme «domestique» (comprendre «intérieur») aux Etats-Unis est à son plus haut niveau depuis vingt-cinq ans. Et est principalement le fait des «extrémistes suprémacistes blancs, antimusulmans et anti-gouvernementaux d’extrême droite», responsables de 267 attentats ou tentatives d’attentats depuis 2015 ayant causé la mort de 91 personnes.