FN: ils ont piégié Sarkosy et la Droite

Philippot, Marine Le Pen et la stratégie « apaisée » :

ils ont piégé Sarkozy et la droite

L’Obs

L’Obs, Il y a 4 heures,

Le 30/07/2016

Alors que les ténors de la droite appellent le gouvernement à des mesures d’exception face au terrorisme, le Front national déroule une stratégie différente. Sur Europe 1, Florian Philippot a moqué, ce vendredi, la gonflette verbale de Les Républicains. La surenchère sécuritaire de la droite ouvre un boulevard à Marine Le Pen, juge notre chroniqueur Olivier Picard.

 

Quand les Estrosi, Ciotti, Wauquiez, Morano, Guaino et Sarkozy vont-ils comprendre qu’ils jouent aux apprentis sorciers ? Et qu’ils seront les premières victimes de leurs discours ultra-sécuritaires ?

Les durs de la droite « républicaine » et les simplistes de la droite dure pensaient vampiriser le Front national en manipulant la peur sans complexes pour gagner un concours électoraliste. C’est à qui montrera les plus gros muscles contre les terroristes, quitte à mettre à sac, au passage, notre abri démocratique !

C’est gros et c’est naïf, mais dans leur avidité à retrouver le pouvoir, les ténors de l’opposition n’ont pas fait de détail, assimilant volontiers les Français à des gogos à qui on pouvait refiler la camelote la plus toc en leur promettant de les protéger à 100% ou presque.

Un Front national en mode « force tranquille »

En écoutant Florian Philippot ce vendredi matin sur Europe 1, et Marine Le Pen, ils commencent à s’apercevoir qu’ils ruinent leur propre boutique en faisant la promo de la concurrence frontiste.

Avec un calme tranchant avec l’hystérie à peine contenue des honorables dirigeants de la droite parlementaire, Florian Philippot a eu beau jeu de revendiquer de légitimes droits d’auteur sur les « propositions » claironnées depuis quinze jours par Nicolas Sarkozy et ses amis. L’interdiction du financement étranger des mosquées ? « On le demande depuis des années ! »

Surfant sur les exaspérations de l’opinion publique – c’est très malin – le numéro 2 du FN s’est même payé le luxe de ricaner sur les exercices de « gonflette verbale » de l’ancien président de la République, et sur l’inefficacité de ses « solutions ». Le port du bracelet électronique réclamé à cor et à cris par le chef de LR pour les fichés S ? On a vu le résultat…

Les deux têtes du Front (Philippot ce matin, Marine Le Pen ce soir) n’ont plus qu’à dérouler leur offensive « force tranquille » sur le boulevard ouvert devant eux par leurs rivaux. Les formules de Philippot annoncent la stratégie de communication.

1. « Le Front est constant » 

2. « On peut prendre des mesures sans basculer dans la dictature »

3. « Pas besoin de dire des choses extravagantes »

4. « L’État de droit est déliquescent » mais il suffit de vouloir le restaurer en appliquant la loi.

Sarkozy, Wauquiez et Cie ont travaillé pour lui

Dans la foulée, le secrétaire général du FN rappelle les fondamentaux de son mouvement : « rétablir les frontières nationales », « accueillir des migrants, c’est dangereux », il faut « expulser les radicalisés ». Des thèmes qui rencontrent aujourd’hui une approbation assez large des Français… Le terrain est dégagé pour que Marine Le Pen puisse apparaître comme une dirigeante responsable qui sort du lot.

1. Elle ne s’est pas banalisée dans le tourbillon des déclarations passionnelles en restant très économe de ses interventions.

2. Elle, cheffe d’un parti d’extrême droite, peut incarner le slogan « la France apaisée » qui avait fait sourire tout le monde quand elle l’avait dégainé. Après tout, elle ne se donne même pas la peine de prétendre assurer le risque zéro. En revanche, elle profite pleinement de « l’autorité » dont on la crédite pour offrir, à tort ou à raison, des garanties de fermeté.

3. Au moment où les dirigeants de la droite classique donnent le sentiment de paniquer et de s’abandonner au vertige de la fuite en avant, elle projette l’image d’une personnalité sereine qui peut se prévaloir de la constance. Cela rassure les électorats qu’elle peine encore à convaincre (les personnes âgées par exemple).

4. La droite a suffisamment excité les foules et agité les peurs. Sarkozy, Wauquiez et Cie ont bien travaillé pour elle. À la fin du film, l’électorat préférera toujours l’original à la copie, selon la formule de Le Pen père. Et le programme sécuritaire et xénophobe vintage à ses ersatz prosélytes.

Voilà Marine Le Pen en candidate « apaisée »

Il ne faut jamais oublier que Marine Le Pen est avocate de formation. Elle peut défendre toutes les causes et endosser successivement tous les rôles, avec un incontestable talent, et même à contre-emploi pour mieux défendre sa cause.

Pour sa nouvelle saison, la voilà donc en candidate « apaisée » à l’Élysée par opposition aux candidats excités de Les Républicains. Son jeu fait contraste avec le numéro surjoué et grossièrement politicien de Nicolas Sarkozy qui apparaît effectivement « ringard ». Depuis le 14 juillet, elle les a tous piégés, ligotés, bluffés…

Elle est encore plus redoutable qu’on ne l’imaginait.