Egérie toulousaine de Génération Identitaire

EXTRÊME DROITE

  ABONNÉS

Thaïs d’Escufon, Gauloise sans filtre

— 27 juillet 2020 à 20:21, Libération

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Thaïs d’Escufon, le 13 juin à Paris, lors de la manifestation contre les violences policières. Photo Laurent Hazgui. Divergence

La militante de 21 ans, qui a fait ses armes dans la section toulousaine de Génération identitaire, s’est fait connaître mi-juin lors de la manif à l’appel du Comité Adama, et fait depuis figure d’égérie du mouvement.

 

Thaïs d’Escufon est un pseudonyme. C’est aussi le nouveau visage de Génération identitaire (GI) : un visage d’ange aux idées très radicales, idéal pour personnifier un groupuscule d’extrême droite racialiste très attentif à lisser son image. C’est son activisme sur les réseaux sociaux qui a fait connaître la jeune femme, désormais bannie de Twitter. Entre dénonciation du pseudo-«grand remplacement» (théorie raciste et complotiste prétendant que les élites orchestreraient la substitution des peuples «de souche» par des populations immigrées) et défense de la race blanche, Thaïs d’Escufon y multipliait les messages rageurs contre «le péril mortel de l’invasion migratoire» et les appels à la «reconquête».

Mais c’est sa participation à l’action en marge de la manifestation contre le racisme et les violences policières du Comité Adama, mi-juin, qui l’a révélée au grand public. De ce happening d’extrême droite ont été retenues la banderole du groupe déchirée à coups de couteau par des habitants de l’immeuble, mais aussi l’image de Thaïs d’Escufon, perchée sur une cheminée et tendant un fumigène dans un geste pris, du fait de la mauvaise qualité des images, pour un salut nazi. Ridicule car GI n’est pas particulièrement un groupe de nostalgiques du IIIe Reich, mais la photo n’en a pas moins été débattue sur les chaînes d’info, permettant in fine aux identitaires de jouer leur classique partition de la victimisation.

 

Pasionaria

La Toulousaine n’est pourtant pas si faible. Des collages sur les bords de la Garonne, où elle a grandi et étudié les langues étrangères, jusqu’à la place de la République à Paris, la nouvelle pasionaria identitaire s’est forgée dans l’activisme militant. Dans les arrestations et les gardes à vue aussi, auxquelles elle est déjà habituée. A tout juste 21 ans, elle ne craint pas d’avoir maille à partir avec la justice. Elle a participé à l’attaque des locaux de l’ONG humanitaire SOS Méditerranée, en octobre 2018, par 22 identitaires, dont un étudiant parisien fiché «S» (pour sûreté de l’Etat) car «militant d’extrême droite radicale susceptible de commettre des actions violentes», comme l’a révélé le Monde. Bilan de l’action : un salarié de SOS Méditerranée dit avoir été molesté, d’autres ont été retenus contre leur gré. Les militants de GI ont tous été mis en examen.

Sa nouvelle notoriété, Thaïs d’Escufon la cultive auprès des médias d’extrême droite comme Boulevard Voltaire, TV Libertés ou RéacNRoll TV (la webtélé du magazine Causeur), où elle dénonce le racisme antiblanc et appelle à la «remigration». A Libération, elle a consenti à répondre, mais seulement par écrit. Des réponses standardisées («J’attends la relecture», laisse-t-elle échapper alors que son retour se fait attendre) et des questions retoquées, par exemple sur sa définition de la «race blanche» («C’est hors sujet», évacue-t-elle, d’autorité).

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Après ses débuts militants à Génération identitaire il y a presque quatre ans, Thaïs d’Escufon est devenue cadre de la section toulousaine du mouvement. Et fait désormais figure de tête d’affiche nationale. Cette quatrième enfant d’une famille aristo aisée est de tous les coups. Camps d’été, pèlerinages, agit-prop… La jeune femme voyage beaucoup. Mais reconnaît lire beaucoup moins, voire pas du tout. Sauf Jean Raspail, bien sûr, écrivain culte de l’extrême droite et prophète du «grand remplacement», disparu le mois dernier.

 

Sa bande de copains, «la famille» dit-elle sur les réseaux sociaux, est sortie du même moule. Ils se nomment Adrien, Enguerrand, Karl et Franck (des jumeaux) et forment le noyau dur de GI Toulouse. C’est avec eux qu’elle passe ses soirées et ses week-ends quand elle n’est pas à l’autre bout de la France pour militer. Avec eux aussi qu’elle s’entraîne à «l’autodéfense» auprès de Romain Carrière, un ex-para et champion de taekwondo qui a été cadre du Bloc identitaire toulousain à l’époque de l’agression ultraviolente d’un étudiant chilien, en 2012.

Opération coup-de-poing

La nouvelle génération, celle de Thaïs d’Escufon, poursuit la tradition de l’opération coup-de-poing chère à l’extrême droite radicale depuis les temps reculés de Jeune Nation et d’Occident. Ses copains ont ainsi été épinglés par la mouvance antifasciste locale pour avoir attaqué des manifestants du NPA dans un cortège de gilets jaunes, en février 2019. Au cœur d’un groupe d’une trentaine de radicaux, mêlant hooligans nazis («Camside Tolosa») et fascistes locaux, les jeunes identitaires ont molesté des militants de gauche. Le même type d’action que celle menée à Paris par les Zouaves (un groupuscule violent et informel fédérant des ultras de l’extrême droite radicale) trois semaines avant eux. Un identitaire toulousain affiche d’ailleurs sa proximité avec le groupe de la capitale, qu’il rejoint parfois pour un entraînement de MMA, le sport de combat où quasiment tous les coups sont permis.

Jeune et radicale : tout porte à croire que Thaïs d’Escufon va rester un temps l’égérie des droites extrêmes qui la fantasment en nouvelle Jeanne d’Arc (les «non-Blancs» remplaçant les Anglais). La jeune femme ambitionne de se tourner plus tard vers la communication politique, singeant le parcours d’une ancienne figure de GI, un certain Damien Rieu, désormais assistant parlementaire d’un eurodéputé RN.

P.Pu et M.Mé