Développement d’une industrie du contrôle et de l’espionnage
Abou Dhabi, pôle mondial de la cybersurveillance
En deux décennies, le poids lourd de la fédération des Émirats arabes unis s’est doté d’importants moyens numériques pour encadrer et contrôler sa population, main-d’œuvre étrangère comprise. Au point, aujourd’hui, d’exporter cette technologie.
Le téléphone du chauffeur de taxi se remet à sonner. Nous roulons sur l’autoroute à deux fois quatre voies entre Abou Dhabi, ville conservatrice et richissime capitale de la fédération des Émirats arabes unis (EAU), et la libérale Dubaï, haut lieu du tourisme et hub du commerce international. Notre téléphone vibre à son tour. Un message avertit qu’un accident vient d’avoir lieu sur l’autoroute. Comme le chauffeur, nous ne nous sommes nulle part inscrite pour être avertie en cas de problème, mais la mise en garde est bien là. Nous scrutons la route ; l’accident a eu lieu dans l’autre sens. Ce message reçu est l’illustration du contrôle numérique permanent, censé offrir confort et tranquillité, qui accompagne la vie quotidienne dans les Émirats, dont les habitants sont les plus gros consommateurs de données mobiles du monde, avec 18 gigaoctets (Go) en moyenne par personne et par mois (1). « Le numérique est très intégré dans la vie des Émiratis, explique James Shires, chercheur en cybersécurité à l’université de Leyde aux Pays-Bas. Fascinés par la modernité, ils se dépeignent comme des leaders technologiques, vantent leurs villes connectées (smart cities) et la facilitation de la vie quotidienne par le numérique. Mais le revers de la médaille, c’est que tout est tracé et collecté. » La contrainte n’échappe pas aux Émiratis, mais certains la jugent nécessaire dans un pays exposé à de nombreuses menaces géopolitiques.
« La numérisation conduit à la prospérité économique tout en améliorant la sécurité, considère, quant à lui, l’universitaire émirati Abdulkhaleq Abdulla. Dans ce contexte, beaucoup de gens seraient prêts à faire un compromis entre cela et leur droit à la vie privé. » Le contrôle est facilité par une population de taille limitée — dix millions d’habitants dont 10 % d’Émiratis, 30 % d’Arabes ou d’Iraniens, 50 % d’Asiatiques du Sud-Est et 10 % d’Occidentaux. « Les Émiratis sont en minorité dans leur pays. La technologie de surveillance les aide aussi à créer une omniprésence », commente Andreas Krieg, chercheur en sécurité au King’s College de Londres.
Des partenariats qui engagent sur le long terme
Les entraves que la surveillance de masse provoque sur la liberté d’expression sont facilement reconnues par nos interlocuteurs. « On suppose, ou on sait, qu’on est surveillés en permanence et qu’il ne faut rien envoyer de politiquement tendancieux, y compris par la messagerie WhatsApp », explique un expatrié européen qui demande à rester anonyme. L’exigence de discrétion est la même chez deux chercheurs qui vivent sur place et que nous rencontrons un soir à Abou Dhabi pour évoquer la question de la surveillance. Comme une mise en garde, un hélicoptère patrouille au-dessus de nos têtes alors que nous nous installons à la terrasse d’un restaurant de spécialités méditerranéennes. « Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont marqué un tournant dans ce pays, explique l’un des deux chercheurs. Il s’est ensuivi un rejet catégorique de toute forme d’islam politique et une surveillance resserrée sur les mosquées. » Dépendants de leur main-d’œuvre étrangère, les Émirats modifient également leur politique migratoire. « Jusqu’alors, le pays accueillait nombre de migrants en provenance des pays arabes, poursuit le second chercheur. Après le 11-Septembre, il a renforcé le contrôle des antécédents de certains d’entre eux, notamment pour les professions des secteurs éducatif et religieux. A contrario, les migrants en provenance d’Asie du Sud-Est, jugés plus dociles, obtenaient bien plus facilement leurs visas. »
Mais l’encadrement de l’islam et des migrations ne suffit pas. À travers le contrôle majoritaire des deux opérateurs nationaux, le gouvernement exerce son droit de regard sur les communications qui deviennent accessibles à ses services de sécurité. « Etisalat et Du [anciennement Emirates Integrated Telecommunications Company] sont tenus de filtrer les contenus qui circulent sur leurs réseaux en fonction des priorités de l’État », note à ce sujet le cabinet juridique Simmons & Simmons (2). Côté Internet, ce filtrage est réalisé via des sondes et des logiciels qui scrutent le trafic : l’inspection profonde de paquets de données permet d’accéder aux métadonnées, c’est-à-dire qui se connecte avec qui, à quoi et quand, mais aussi aux contenus des communications non chiffrées.
Les technologies nécessaires sont achetées par les Émirats en Occident, par exemple auprès de la compagnie américaine McAfee (3). « Comme pour les armes conventionnelles, les ventes d’outils de surveillance ne sont pas de simples opérations commerciales, explique M. Tony Fortin, de l’Observatoire des armements, une association qui milite pour plus de transparence en matière d’équipements militaires. Ce sont des partenariats de renseignement qui engagent les pays concernés sur le long terme. » Et c’est du fait de ces partenariats et du nombre important de câbles numériques transitant sur le territoire des EAU que Shires estime qu’il est vraisemblable « qu’Abou Dhabi ait collecté passivement des données et les ait fournies à Washington » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Après les attentats du 11 septembre 2001, ce sont les révoltes populaires arabes de 2011 qui ont renforcé chez les autorités la volonté de surveiller et de réprimer tout ce qu’elles considèrent comme leur ennemi intérieur. En mars 2011, alors même que les présidents tunisien et égyptien ont démissionné, une pétition appelant à une réforme démocratique dans les EAU est adressée au dirigeant du pays, M. Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane. Peu après, l’un des signataires, M. Ahmed Mansour, un ingénieur qui milite pour la défense des droits humains, ainsi que quatre de ses camarades sont arrêtés, condamnés — puis finalement graciés. « L’année 2011 constitue un tournant sécuritaire brutal, rappelle l’un des deux chercheurs. Pour lutter contre ce qu’il perçoit comme un risque de contagion des soulèvements dans le monde arabe, Abou Dhabi mobilise l’épouvantail de l’extrémisme religieux pour resserrer l’étau sécuritaire et légitimer la répression. » La confrérie des Frères musulmans, très active en Égypte et disposant de nombreux relais dans la péninsule arabique, est particulièrement ciblée. Populaires et susceptibles de gagner des élections dans plusieurs pays arabes en cas de transition démocratique, les « Frères » sont alors soutenus par le Qatar, avec qui les Émirats entretiennent une forte rivalité.
Pour renforcer la surveillance et tuer dans l’œuf toute forme de contestation politique, une Autorité nationale de la sécurité électronique (NESA) est donc créée en 2012 avec la possibilité d’accéder à toutes les communications du pays. L’instance est placée sous l’autorité du Conseil suprême pour la sécurité nationale, dont le directeur adjoint n’est autre que M. Tahnoun Ben Zayed Al-Nahyane (« TBZ »), demi-frère du président de la fédération et frère du prince héritier Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane (« MBZ »), qui était déjà l’homme fort des EAU. Outre le contrôle des télécommunications, les réseaux sociaux sont passés au peigne fin et font l’objet d’une surveillance constante. « Au moment des “printemps arabes”, ces réseaux ont permis la libre expression des peuples et ont été perçus comme une technologie émancipatrice, commente Krieg. Ils ont donc été ensuite hautement régulés. » La surveillance visuelle se développe également via des programmes spécifiques incluant des milliers de caméras dans les rues d’Abou Dhabi, de Dubaï et de Charjah.
Pourquoi surveiller ? L’omniprésence du contrôle permet de réguler le comportement des individus — on s’autocensure facilement en se sachant regardé ou en croyant l’être. En cas d’attaque « terroriste », elle offre, selon ses partisans, la possibilité de revenir a posteriori sur les événements et d’identifier ses auteurs. La surveillance de masse permettrait aussi de détecter les personnes à surveiller grâce à des outils d’intelligence artificielle, qui épluchent et croisent les masses de données récoltées pour localiser des comportements jugés suspects. « Cependant, les outils analytiques utilisés pour extraire des informations dites “exploitables” à partir de grands ensembles de données n’ont pas encore fourni de résultats [contre le terrorisme] », avertit le criminologue canadien Stéphane Leman-Langlois (4). Mais, même si leur efficacité fait débat, ces outils sont très prisés aux EAU. Et, parmi les logiciels permettant de traiter de grandes masses de données, on trouve Gotham, produit par l’éditeur américain Palantir, un fournisseur des agences de renseignement américaines comme de la direction générale de la sécurité intérieure française (DGSI), qui s’est installé à Abou Dhabi. « Ce logiciel a été vendu en toute opacité à nombre de consommateurs à travers le monde, et il existe un fort marché dans le Golfe, reprend Shires. Il faut noter que le logiciel seul ne suffit pas : il doit être manipulé par des spécialistes. »
Techniques de plus en plus sophistiquées
Les sociétés qui équipent les services de renseignement émiratis doivent en effet former les agents à ces outils très techniques. Dans le cas des Émirats, les spécialistes occidentaux du renseignement sont même allés plus loin : Mme Lori Stroud, ancienne agente de l’Agence nationale de la sécurité américaine (NSA), a ainsi révélé à Reuters que la division de la NESA émiratie spécialisée dans le « cyberoffensif » — c’est-à-dire l’implantation de logiciels-espions sur les téléphones ou les ordinateurs de cibles — avait en fait sous-traité son activité à CyberPoint, une société américaine où elle a été recrutée en 2014. Selon Mme Stroud, entre dix et vingt anciens agents de la NSA devaient ainsi exercer leur mission quelques années, jusqu’à ce que les agents émiratis soient suffisamment qualifiés pour prendre le relais (5).
Et, si ces ressortissants américains étaient bel et bien préposés à la lutte contre le terrorisme, ils ont aussi poursuivi les objectifs anti-« printemps arabes » d’Abou Dhabi, lançant en particulier des attaques récurrentes contre M. Mansour. Toutefois, CyberPoint ne pouvait pas franchir certaines limites, comme pirater le matériel de citoyens ou d’entreprises américains. Pour s’en affranchir, Abou Dhabi décide donc, au milieu des années 2010, de créer sa propre structure, DarkMatter, qui débauche à prix d’or certains des agents américains qui travaillaient jusqu’alors pour CyberPoint. Trois d’entre eux — MM. Marc Baier, Ryan Adams et Daniel Gericke — ont été condamnés en septembre 2021 par un tribunal fédéral américain à des amendes de plusieurs centaines de milliers de dollars correspondant à leurs émoluments émiratis perçus dans le cadre d’opérations de déstabilisation du Qatar, mais aussi pour des opérations de surveillance contre des cibles américaines. Dans le jugement de septembre 2021 du tribunal américain de Columbia contre les trois ex-agents ayant travaillé pour DarkMatter, il est ainsi noté que « les défendeurs ont frauduleusement obtenu, utilisé et possédé des dispositifs (…) pour accéder à [d]es ordinateurs protégés situés aux États-Unis ».
Au fil du temps, les mises sous surveillance se renforcent en utilisant des techniques de plus en plus sophistiquées. Désormais sous les feux de la rampe dans le cadre du scandale de l’espionnage de plusieurs personnalités politiques et journalistes occidentaux, le logiciel Pegasus de la compagnie israélienne NSO Group est notamment utilisé contre M. Mansour, condamné en 2017 à dix ans de prison pour « atteinte à la réputation de l’État (6) ». Le logiciel incriminé avait a priori été vendu en toute connaissance de cause par Tel-Aviv. « Tout ce que nous faisons, nous le faisons avec la permission du gouvernement d’Israël », confiait au New Yorker l’un des fondateurs de NSO, M. Shalev Hulio (7).
« Cette surveillance ne sert pas seulement à extraire des informations. C’est aussi et surtout une tactique d’intimidation et de répression. S’introduire dans la vie privée, espionner les communications avec la famille et les proches constitue une forme de violence psychologique qui vise à réduire au silence, considère Mme Marwa Fatafta de l’association de défense des droits civils numériques Access Now. Qu’est-ce que j’ai dit ? Comment les informations personnelles dont ils disposent pourront être utilisées plus tard contre moi ? Les femmes sont à ce titre particulièrement vulnérables », insiste cette militante d’origine palestinienne qui vit aujourd’hui en Europe. Ainsi la journaliste d’Al-Jazira Ghada Oueiss a-t-elle découvert avec consternation sur Twitter des images d’elle en maillot de bain — des photos piratées à partir de son propre téléphone. Elle a porté plainte devant un tribunal américain contre le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (« MBS »), mais aussi contre « MBZ » ainsi que contre la compagnie DarkMatter.
Qui peut être ciblé par la surveillance émiratie ? À ces questions, les diverses réponses que nous avons recueillies illustrent l’incertitude savamment entretenue par les autorités. Tout est flou, ce qui alimente un sentiment d’omniprésence de la surveillance. Dès lors, selon un universitaire, « chercheurs et journalistes travaillent en craignant de franchir des lignes rouges qui ne sont pas toujours évidentes à identifier. Il est aussi possible qu’au-delà du contenu la langue utilisée importe, et qu’un texte publié en arabe et en anglais soit considéré comme plus sensible qu’en allemand ou en français ».
Échanges sans secret pour le gouvernement
À la suite de l’enquête de Reuters, les activités de DarkMatter pourraient avoir été confiées à de nouvelles structures. « Il s’agit d’une stratégie classique de ce type de société, explique Mme Fatafta, d’Access Now. Elle se désintègre… puis réapparaît avec un autre nom. » Ainsi, une nouvelle compagnie émiratie, le Groupe 42 (G42), attire rapidement l’attention sur elle. Présidée par « TBZ », devenu entre-temps conseiller suprême à la sécurité nationale, G42 se présente comme spécialisée dans l’intelligence artificielle et l’informatique en nuage (cloud computing). On la retrouve derrière la messagerie ToTok, qui offre depuis 2019 un service d’appels téléphoniques via Internet (VoIP) alors que les applications internationales classiques, comme WhatsApp ou Skype, sont interdites aux Émirats. ToTok est téléchargé des millions de fois avant qu’une enquête du New York Times ne révèle que les informations partagées par les utilisateurs n’ont pas de secret pour le gouvernement émirati (8).
Le New York Times note au passage que la messagerie a été conçue à partir de l’application chinoise YeeCall. Au grand dam des Américains, les Émiratis se tournent en effet de plus en plus vers le géant asiatique pour étancher leur soif de numérique. Et le choix d’Abou Dhabi de confier son futur réseau 5G à l’opérateur chinois Huawei avive même les tensions avec Washington. En 2020, à l’occasion de la conférence de Munich sur la sécurité, M. Michael Pompeo, à l’époque secrétaire d’État américain, lance une mise en garde dénuée d’ambiguïté : « Huawei et d’autres entreprises technologiques soutenues par la Chine sont des chevaux de Troie pour le renseignement chinois. » Les Américains mettent alors la pression sur Abou Dhabi : les EAU ne pourront acquérir leurs avions de guerre dernier cri, des F-35, que s’ils renoncent à ce partenariat avec Pékin. Peine perdue. « L’enjeu de la numérisation était trop important pour nous, explique Abdulla. Le choix a été difficile, mais nous avons préféré la 5G chinoise. » Ce bras de fer profitera à la France, qui placera quatre-vingts appareils de type Rafale en lieu et place des F-35.
Les relations entre les EAU et la Chine pourraient-elles être amenées à se développer encore ? « Les Émirats voient Washington comme une puissance déclinante, et Pékin comme une puissance montante. En outre, la Chine n’est pas entravée par le respect de la vie privée et peut collecter des masses de données très importantes sur lesquelles elle appuie sa recherche en matière d’intelligence artificielle, explique Krieg. Abou Dhabi pense que la guerre du futur sera avant tout numérique et mise donc sur le développement de ces technologies chinoises. » Et, pour signifier au monde sa volonté d’être en pointe en matière de surveillance, Abou Dhabi entend aussi jouer un rôle en matière de développement du renseignement géospatial à des fins militaires et sécuritaires.
Eva Thiébaud
(1) « Les pays du Golfe, laboratoires de la 5G », Les Échos, Paris, 21 octobre 2021.
(2) Simmons & Simmons, « In brief : Telecoms regulation in United Arab Emirates », Lexology, 24 juin 2022.
(3) Helmi Noman et Jillian C. York, « West censoring East : The use of western technologies by Middle East censors, 2010-2011 », OpenNet Initiative, mars 2011.
(4) Cf. « Big data against terrorism », dans David Lyon et David Murakami Wood, Big Data Surveillance and Security Intelligence : The Canadian Case, University of British Columbia Press, Vancouver, 2020.
(5) Christopher Bing et Joël Schectman, « Inside the UAE’s secret hacking team of American mercenaries », Reuters, 30 janvier 2019.
(6) Cf. « The persecution of Ahmed Mansoor. How the United Arab Emirates silenced its most famous human rights activist », Human Rights Watch, 27 janvier 2021.
(7) Ronan Farrow, « How democracies spy on their citizens », The New Yorker, 18 avril 2022.
(8) Mark Mazzetti, Nicole Perlroth et Ronen Bergman, « It seemed like a popular chat app. It’s secretly a spy tool », The New York Times, 22 décembre 2019.
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Un eldorado du logiciel-espion
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Réglementation laxiste
E. Th.Et plus près de chez nous, à Nice. Extrait d’un article du Monde de janvier 2014
Le premier centre de supervision urbain a été créé à Nice en 2010. CLAUDIA IMBERT POUR « LE MONDE » Ici, au centre de supervision urbain, Christian Estrosi est dans son royaume. Les policiers esquissent un salut militaire lorsqu’ils le croisent dans les couloirs et lui donnent du « bien entendu, monsieur le maire », dès qu’il demande quelque chose. C’est lui qui a créé, en 2010, ce premier complexe de « vidéoprotection » en France.
Un bâtiment entièrement consacré à l’observation, au recueil, au traitement et à l’archivage des images issues des 915 caméras de surveillance disséminées dans la ville. Soixante-dix policiers municipaux y sont affectés. Ils dissèquent les images à la recherche d’un fait anormal, répondent aux appels des citoyens qui leur signalent des incidents ou les alertent sur un comportement suspect, sont en lien avec la police nationale et la justice.
Dans la salle de commandement, face à son portrait qui décore le mur, M. Estrosi montre, sur un écran géant, quelques-unes des prouesses effectuées par ses équipes grâce aux caméras de surveillance. Comme dans un film de gangsters, nous voilà donc à la poursuite de deux petits voyous à scooter. L’image est en couleur et haute définition. Le passager vole une sacoche contenant plusieurs milliers d’euros dans une camionnette dont la fenêtre est restée ouverte. Le scooter s’enfuit à vive allure dans les rues de la ville.
On le suit de rue en rue, de caméra en caméra, sur huit kilomètres, sans jamais perdre sa trace. Plusieurs minutes plus tard, les voleurs, se croyant à l’abri, quittent la voie rapide en faisant des zigzags de joie sur la route. Au bout, trois voitures de police les attendent pour les arrêter. Christian Estrosi n’est pas peu fier de sa démonstration. A le croire, « la police a un taux d’élucidation de 36 % grâce aux caméras. Sept cent vingt flagrants délits ont été établis l’année dernière. Sans la vidéoprotection, on ne les obtient pas ».
« C’EST PLUS SEXY QUE LA CULTURE »
Le hic, c’est que, à en croire les statistiques du ministère de l’intérieur, les chiffres de la délinquance à Nice sont mauvais. En matière de sécurité, la ville détient trois records : celui du plus grand nombre de caméras de surveillance de France (une pour 360 habitants), celui des plus gros effectifs de policiers municipaux (380, un pour 902 habitants) et… celui des résultats les plus décevants. Selon le classement publié par L’Express fin novembre 2013, Nice arrive ainsi en 401e position sur 408 en matière d’atteintes aux biens et en 389e en matière de violences aux personnes.
Frédéric Michel, édité par Pauline RouquetteContre les dépôts sauvages, la ville de Nice a installé des caméras dont l’algorithme permet une remontée d’alertes en temps réel.
Et on est bien au pays des droits de l’Homme…