Mercredi 3 juin 2020,par Jean-Marc Four, France Inter
A lire (ci-dessous en + complet) ou à écouter avec le lien qui suit (vous pouvez faire les deux) :https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-a-l-envers/le-monde-a-l-envers-03-juin-2020 (3mn)
Bolsonaro, un Trump puissance 2, facho et fier de l’être !
Dans un Brésil qui s’enfonce dans l’horreur du virus, Bolsonaro tient et même contre-attaque
Le Brésil est désormais le pays à connaître le plus grand nombre de décès quotidiens du coronavirus. Et le président Bolsonaro a beau gérer l’épidémie de façon catastrophique, non seulement il tient, mais menace de durcir le régime. C’est le « Monde d’après ».
Dimanche 31 mai Jair Bolsonaro s’est livré à Brasilia à un nouveau bain de foule sans aucune mesure de protection malgré le virus © AFP / Notre Temps
Cette vidéo date d’une grosse semaine. Elle est hallucinante. On y voit Jair Bolsonaro, lors d’un conseil des ministres, appeler ses partisans à prendre les armes. Le moment est stupéfiant. C’est donc comme ça, en prônant l’insurrection armée, que ce président d’extrême droite entend répondre aux critiques et aux enquêtes ouvertes contre lui par la justice fédérale brésilienne.
Et tout ça se produit au moment où le Brésil vit un carnage. 560 000 personnes contaminées, officiellement 31 000 morts mais les épidémiologistes évoquent des bilans très supérieurs, 100 000, 200 000 décès, peut-être davantage. Le pire au monde avec les États-Unis. Et des ravages dans les quartiers populaires de São Paulo ou de Rio. Comme vous le racontent nos envoyés spéciaux sur place Olivier Poujade et Arthur Gerbault.
Et en face que fait Bolsonaro ? Il parle de la maladie comme d’un rhume, ne porte jamais de masque, s’offre des bains de foule, voit dans la choloroquine la solution à tous les problèmes, dénonce « la promotion de l’homosexualité par l’OMS », vire son ministre de la santé et entame le « déconfinement ».
H. Chegada de mais de 73,5 milhões de máscaras de três camadas e N95; @MInfraestrutura @tarcisiogdf → H. l’arrivée de plus de 73,5 millions de masques à trois couches et N95;
I. Atendimento de saúde garantido a indígenas de 6.000 aldeias em todo país; @DHumanosBrasil @DamaresAlves→I. Soins de santé garantis aux indigènes de 6000 villages dans tout le pays;
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J. @exercitooficial retoma produção de hidroxicloroquina. Foram mais de 1,25 milhão em menos de um mês. Os insumos provenientes da Índia, voltarão a ser fornecidos em junho.
17,7 k11:49 – 3 juin 2020 [on] reprend la production d’hydroxychloroquine. Ils étaient plus de 1,25 million en moins d’un mois. Les intrants en provenance d’Inde seront de nouveau fournis en juin.
Incompétence. Obscurantisme. Trump puissance 2. C’est dire. Et bien malgré tout ça, non seulement il est toujours là, mais il est à l’offensive.
Généraux nostalgiques et pasteurs évangéliques
C’est possible parce qu’il a des soutiens. Le premier ce sont les groupuscules d’extrême droite. Désormais il les fait défiler dans la capitale Brasilia, un peu sur le mode d’un rassemblement du Ku Klux Klan. En tête de liste, son fils Eduardo qui appelle, je cite, à « punir les juges ».
Ensuite, il y a les Eglises évangéliques, en pleine ascension ces dernières années au Brésil, elles séduisent déjà 30% de la population. De nombreux pasteurs de ces Eglises nient le danger du coronavirus.
Et puis il y a l’armée. Les militaires occupent déjà un tiers des postes ministériels, dont le général Mourao à la vice-présidence. Or une partie de l’Etat major de l’armée (et de la population) est nostalgique de la dictature militaire. Certains invoquent déjà le recours à l’article 142 de la Constitution qui pourrait permettre au président de s’arroger presque tous les pouvoirs.
Et puis Bolsonaro joue sur son image d’incarnation de l’ordre. Il cherche à séduire en se posant comme le seul capable de mettre fin à la criminalité généralisée qui règne dans certains quartiers du pays.
La Bible, les balles et les bœufs
Ajoutons d’autres soutiens: les milieux d’affaires, les grands propriétaires terriens, l’agro business ravi de la carte blanche donnée par le Président à la déforestation. C’est un triptyque célèbre au Brésil. BBB : les balles, la bible, les bœufs.
Ajoutons encore toute une petite bourgeoisie qui demeure effrayée par l’opposition de gauche du Parti des travailleurs, vue comme une menace absolue. Par exemple, Daniel Silveira, ancien policier et député de Rio, allié de Bolsonaro, qualifie les opposants, je cite, de « fils de putes communistes » qui pourraient « se prendre une balle ».
Alors c’est vrai, l’économie est en chute libre. Le PIB brésilien pourrait perdre 6 à 10% cette année. Mais les soutiens du président préfèrent encore ça à un retour de la gauche au pouvoir.
Résultat : Bolsonaro conserve un socle électoral de 25 à 30%, c’est beaucoup. Et 50% des Brésiliens estiment qu’il doit rester au pouvoir, malgré les scandales en série. Du coup, on ne peut pas écarter l’hypothèse d’un basculement, d’une militarisation.
La démocratie brésilienne est au bord du gouffre. Le pays se meurt du virus. Mais Bolsonaro lui est bien vivant.
Sur le même sujet pour aller plus loin, à lire « En niant la gravité de l’épidémie, Bolsonaro met les favelas et les peuples autochtones en grand danger », dans Bastamag avec l’article d’IVAN DU ROY, 30 MARS 2020. Tps de lecture : indéterminé !
« Dans les quartiers pauvres des grandes villes brésiliennes, surpeuplés, le confinement est presque impossible. Les médecins demandent des moyens pour le service public de santé. Le président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, rejette toute mesure de lutte contre la propagation du coronavirus.
« L’ironie, c’est que cette maladie a été amenée au Brésil par avion, par les riches, mais c’est chez les pauvres qu’elle va exploser. »
Pour y aller, c’est Ici ou encore Là pour une-lettre-ouverte- en date du 30 mars dernier d’un collectif de brésiliens et brésiliennes : « Il faut préserver les vies, peu en importe le prix ». Pour le moment, les pauvres paient l’addition. Ici comme ailleurs, ce sont toujours les premiers débiteurs, et la vie de leurs enfants est déjà gagée. Pour combien de générations ?
Et enfin dans les archives du codex :Bal macabre au Brésil : le clan Bolsonaro, l’extrême droite et les milices dans une enquête de LAURENT DELCOURT (25 MARS 2019) ; dans les bals, il y a toujours des amants éconduits, des princes déchus, et le roi du bal qui change de nom. L’imprévisible Bolsonaro va-t-il continuer à mener la danse ? Le climat ne va-t-il pas finir par desservir les affaires ? Certains, tels des militaires, pourraient s’échauffer de se voir impunément marcher sur les godillots, ou s’énerver d’être insuffisamment payés pour la fermer, alors virer le maître de cérémonie à coups de pied dans le derrière, avec l’appui prudent d’intérêts financiers d’ici et d’ailleurs, ne serait pas une remise en cause du système solaire. Et que le président et ses principaux lieutenants s’habillent en tenue militaire… Le maréchal Sissi s’est très bien fait accepter par la communauté internationale et les principales capitales, n’était-il pas le défenseur de la démocratie contre les obscurantistes Frères musulmans ? Certes, aujourd’hui, tout opposant est présumé Frère musulman, et à ce titre emprisonné et peut-être torturé. Mais les instituons démocratiques ont été préservées, sans quoi jamais la France aurait vendu une petite flottille de ses avions dernière génération, pas davantage nous lui aurions fourni tout un équipement anti-émeute ultra moderne, avec stage pratique sur les ronds-points de la France d’en bas qui rit jaune. Alors si demain, au Brésil, au cours d’une valse en trois-temps, Bolsonaro était gentiment sorti de la danse au deuxième mouvement, coup d’État sans coup d’éclat, le bal y gagnerait en sérénité, les investisseurs paieraient le billet d’entrée, et que le maître de cérémonie s’habille en tenue léopard et soit généralissime plutôt que maréchal en Égypte, tout le monde s’en accommodera. Les ambassades pousseront des cries d’orfraie, l’ONU ira de sa déclaration tout aussi efficace que la reconnaissance du droit des palestiniens à avoir un État dans les frontières de 67. Bastamag et la Révolution nous montreront la moisissure sous les galons des nouveaux gouvernants, et les intérêts dissimulés de nos fleurons industrielles. Le Covid et la misère aura tué des milliers de pauvres, dans les favelas et dans les campagnes reculées, autant d’opposants que le pouvoir n’aura pas à emprisonner ou à supprimer. C’est de la politique fiction. L’armée restera dans ses casernes tant que…
Vous pouvez aussi accéder à cet article de Bastamag en entrant directement dans le /Bal-macabre-au-Bresil-le-clan-Bolsonaro-l-extreme-droite-et-les-milices . Attention beaucoup de gens peu fréquentables… La danse peut parfois donner le vertige, si au soir on ne retrouve pas vos souliers, peut-être découvrira-t-on votre cadavre dans une impasse de favela ? N’allez pas crier au complot, il s’agira de victime collatérale.
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