Wauquiez: du FN dans le texte

Wauquiez, une rentrée «populiste» et fière de l’être

26 AOÛT 2018 PAR LUCIE DELAPORTE, Médiapart

Face à un exécutif fragilisé, le président des Républicains espère faire revenir en cette rentrée une partie de la droite déçue par Emmanuel Macron. Sans se soucier que sa ligne ultra droitière continue de fracturer sa famille politique.

« Je pose cette question simple : avez-vous l’impression qu’au bout d’un an les choses se soient améliorées dans notre pays ? » Question simple, réponse simple. Sous la grande tente installée au pied du mont Mézenc où Laurent Wauquiez a fait ce dimanche 26 août sa traditionnelle rentrée politique dans ses terres auvergnates, la salle d’un peu plus d’un millier de personnes tonne un « non » sans appel.

« Cette rentrée, c’est celle de la fin du mirage macroniste », tance le président de LR, qui semble vouloir se convaincre que les sympathisants de droite attirés il y a un an par Macron sont sur le point de revenir au bercail. Et d’égrener un « pouvoir d’achat » qui n’a pas progressé, des problèmes toujours non résolus : l’« insécurité », la « bureaucratie »,l’« immigration massive » ou l’« islamisme »

Alors que la très libérale politique économique d’Emmanuel Macron, en cohérence avec une grande partie des mesures défendues de longue date par la droite, a su séduire une partie de l’électorat de LR, Wauquiez s’est attaché à prouver en cette rentrée que, même sur ce plan, le compte n’y était pas. « Nous avons depuis le début de l’année la croissance économique la plus faible de toute la zone euro, même la Grèce fait mieux que la France ! » tempête-t-il. « Quel est le problème majeur de notre pays ? Il y a trop d’impôts, trop de taxes, trop de charges. Les classes moyennes ploient sous cette charge », poursuit le patron de LR.

Laurent Wauquiez au mont Mézenc. © LD/Mediapart

Laurent Wauquiez au mont Mézenc. © LD/Mediapart

Un peu plus tôt, le chef de file de LR à l’Assemblée nationale Christian Jacob avait peu ou prou entamé le même couplet en dénonçant « le matraquage fiscal » subi « comme jamais » par les classes moyennes. « Depuis un an, mes amis, les masques sont tombés », s’est ainsi réjoui le député de Seine-et-Marne, évoquant également un pouvoir « empêtré dans les affaires Benalla, Kohler, Nyssen, Solère, l’ami du premier ministre… » a-t-il martelé. « C’est un pouvoir autocrate qui s’affranchit des règles démocratiques, c’est aussi cela qui inquiète de plus en plus les Français », assure la secrétaire générale de LR Annie Genevard.

Pas sûr pourtant – et malgré ces rodomontades – que le trou d’air que traverse l’exécutif suffise à redonner des couleurs à une droite qui reste toujours aussi divisée. Il y a un an, en pleine campagne pour prendre la présidence des Républicains, Laurent Wauquiez faisait, sous une forêt de caméras, l’ascension du mont Mézenc aux côtés de Virginie Calmels. Une prise de guerre au clan Juppé, censée incarner le rassemblement des différentes sensibilités de la droite.

L’ombre de l’ex-vice-présidente du parti, brutalement éjectée en juin pour avoir osé critiquer le discours trop proche de l’extrême droite de Wauquiez, plane encore ce dimanche sur un parti qui n’en finit pas de se reconstruire. « Tout cela est derrière nous », veut croire Annie Genevard, qui décrit un parti en ordre de marche et « qui va bientôt procéder à des élections internes ».

Malgré le beau temps et les sourires de façade, difficile de ne pas voir que, hormis sa garde rapprochée – Éric Ciotti, Brice Hortefeux, Nadine Morano, Christian Jacob ou Valérie Boyer –, Laurent Wauquiez n’a toujours pas réussi à rassembler sa famille politique. Valérie Pécresse, qui a fait sa rentrée deux jours plus tôt en affichant des soutiens ouvertement hostiles à la ligne de Laurent Wauquiez, a décliné l’invitation.

« Ceux qui veulent faire leurs têtes d’aigris sur le banc de touche, on n’en a pas besoin », tacle, très en verve, l’ancienne ministre sarkozyste Nadine Morano. Le mouvement Libres ! de Valérie Pécresse ? « Un micro-parti, une sorte de bidule médiatique pour essayer d’exister. Mais si elle a des idées, c’est ici qu’elle doit venir les exposer », s’agace-t-elle, préférant parler du sort des familles et des retraités, malmenés par Emmanuel Macron.

Manifestement décidé à ne rien céder de la ligne ultra-droitière qu’il suit depuis son élection, au grand dam d’une partie de la droite, Laurent Wauquiez a ce dimanche revendiqué fièrement son « populisme ». Fustigeant « l’assistanat », « ceux qui profitent du système », « les 80 km/heure », le laxisme face à l’immigration, l’aide médicale « aux clandestins », il s’est posé en porte-parole de ces « Français [qui] refusent de devenir étrangers dans leur propre pays ».

« Vous n’avez plus le droit de dire ce que vous pensez au plus profond de vous-même », s’est emporté le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, promettant en creux de « dire tout haut ce que les Français pensent tous bas », selon le slogan fétiche du FN des années 1990. « Ils ont inventé le mot de “populisme” pour justifier leur censure et faire taire ceux qui ne pensent pas comme eux. Écouter les Français, c’est donc être populiste », s’est offusqué Laurent Wauquiez.

Le patron de la droite regorge d’ailleurs d’anecdotes sur une réalité que les « bien-pensants » refusent de voir : « Quand un de mes amis, professeur d’histoire dans un quartier de Grenoble, m’explique qu’il a renoncé à organiser des voyages de classe à la cathédrale de Reims parce que certaines familles lui expliquent que ce n’est pas compatible avec leur religion, quand je passe dans certaines villes de France et que je ne vois plus aux terrasses des cafés que des hommes parce que les femmes en ont été bannies, je refuse de me résigner à ce que ce soit cela l’avenir de la France. »

La salle, ravie, agite des drapeaux bleu blanc rouge. Le noyau dur des militants, qui ont déboursé 20 euros pour assister à ce déjeuner de rentrée, en a eu pour son argent. Pas sûr que ce discours aux accents trumpiens parvienne à rassembler au-delà.