Vague Bolsonariste au congrès

Elections au Brésil : vague ultraconservatrice au Congrès et dans les Etats de la fédération

Les bolsonaristes ont conquis de nombreux sièges et le prochain président devra composer avec un Parlement marqué à droite.

Par  et , Le Monde

Publié le 03 octobre 2022 
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Le général de l’armée brésilienne Eduardo Pazuello lors de la convention nationale du Parti libéral au cours de laquelle Jair Bolsonaro a officiellement lancé sa campagne de réélection présidentielle, au gymnase Maracanazinho de Rio de Janeiro, au Brésil, le 24 juillet 2022. MAURO PIMENTEL / AFP

Quel qu’il soit, le prochain président du Brésil devra gouverner avec un Congrès très conservateur. Les 156 millions d’électeurs appelés aux urnes devaient en effet également renouveler, dimanche 2 octobre, la totalité des membres de la Chambre des députés, un tiers des sièges de sénateurs et l’ensemble des gouverneurs et assemblées régionales du pays. Pour ces élections, aussi capitales que la présidentielle dans un pays fédéral, l’extrême droite s’est implantée et progresse.

Au Sénat, le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro a obtenu 14 sièges contre seulement 8 pour le Parti des travailleurs (PT) de Lula et devient la première formation à la chambre haute. Plusieurs figures du gouvernement d’extrême droite l’ont ici emporté, tel le vice-président Hamilton Mourao, la ministre de l’agriculture, Tereza Cristina, ou celle de la famille, la pasteure Damares Alves. Sergio Moro, juge « star » de l’opération anticorruption du « Lava Jato » et ancien ministre de la justice de Jair Bolsonaro, avec qui il a finalement rompu, est élu sénateur de l’Etat du Parana. « Le bolsonarisme a conquis le Sénat et l’on va assister à une bataille idéologique féroce avec la gauche ces prochaines années », prédit Thomas Traumann, politologue attaché à la Fondation Getulio Vargas. La réélection de l’actuel président de la chambre haute, le centriste Rodrigo Pacheco, est aujourd’hui tout sauf garantie.

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A la Chambre des députés, cette fois, le PL de Jair Bolsonaro remporte la victoire, conservant la première place avec 99 sièges conquis. Mais, dans une assemblée très éclatée, comptant une vingtaine de partis politiques élus à la proportionnelle, ce succès reste à relativiser. A la chambre basse domine toujours le Centrao, ce « gros centre » rassemblant une constellation de formations opportunistes, sans idéologie et le plus souvent corrompues. Celles-ci ont conquis, dimanche 2 octobre, autour de 148 sièges. « On constate que les partis du Centrao emportent la mise, déclare encore Thomas Traumann. C’est une victoire pour Arthur Lira, figure du centre, leader du Parti progressiste [le PP] et allié de Bolsonaro, qui a disposé d’un budget exceptionnel, offert par le pouvoir, pour faire élire ses alliés. »

Percées inattendues

Parmi les autres figures d’extrême droite à Brasilia, Eduardo Bolsonaro, troisième fils du président, est réélu député fédéral de Sao Paulo, malgré la perte d’un million de voix par rapport à 2018. Le général Eduardo Pazuello, ministre de la santé de Jair Bolsonaro durant la gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19, a, de son côté, reçu plus de 205 000 suffrages, devenant le deuxième député le mieux élu de l’Etat de Rio. Enfin, Ricardo Salles, ancien ministre de l’environnement, connu pour ses provocations contre les écologistes, est également élu député à Sao Paulo.

La poussée certaine des ultraconservateurs est quelque peu compensée par la victoire de plusieurs représentants de la gauche progressiste. Parmi elles, Marina Silva, figure historique de la lutte pour l’écologie au Brésil et ancienne ministre de l’environnement, mais aussi la leader indigène Sônia Guajajara ainsi que le dirigeant charismatique du Mouvement des sans-toit, Guilherme Boulos, 40 ans, que beaucoup, à Brasilia, voient comme un possible successeur de Lula… Deux députées transgenres font également leur entrée au Congrès : la travailliste Duda Salabert et la socialiste Erik Hilton.

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Tout aussi important que les législatives a été le scrutin visant à renouveler l’ensemble des gouverneurs et des assemblées des 27 Etats de la fédération. Là encore, les alliés de Jair Bolsonaro ont effectué des percées inattendues et l’emportent, dès le premier tour, dans l’Acre (Amazonie), le district de Brasilia ainsi que dans l’Etat du Minas Gerais, deuxième collège électoral du pays. Romeu Zema, gouverneur sortant issu du parti Novo (droite) et allié du président, y est réélu avec plus de 56 % des suffrages contre à peine 34 % pour Alexandre Kalil, maire de la capitale Belo Horizonte et figure du Parti social démocratique (PSD), soutenu pourtant personnellement par Lula durant sa campagne.

La gauche ne fait la course en tête que dans huit Etats

Il en va de même dans l’Etat de Rio de Janeiro, fief historique du clan Bolsonaro. Un temps, la gauche pensait pouvoir l’emporter grâce à la candidature du député socialiste Marcelo Freixo, leader de l’opposition locale. Le gouverneur sortant, Claudio Castro, issu du Parti libéral, fut longtemps une figure impopulaire, empêtré dans des scandales de violences policières dans les favelas et plusieurs affaires de corruption qui avaient déjà coûté son poste à son prédécesseur, le gouverneur Wilson Witzel, destitué en avril 2021. Bénéficiant de la vague conservatrice, il se voit pourtant réélu, dès le premier tour, avec plus de 58 % pour des voix.

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La gauche ne fait la course en tête que dans 8 Etats sur 27. Tous les espoirs du camp luliste reposent désormais sur celui de Sao Paulo. Mais, là encore, le candidat du PT, Fernando Haddad, ancien ministre de l’éducation et candidat de la gauche à la présidentielle de 2018, se trouve en position difficile. En tête des sondages jusqu’à la veille du scrutin, il n’a obtenu que 35 % des suffrages. Le candidat de Jair Bolsonaro, Tarcisio de Freitas, ancien ministre des infrastructures du gouvernement d’extrême droite, obtient plus de 42 % des voix et apparaît comme favori pour le second tour.