Par Laurent El Ghozi Fondateur de Romeurope LE PLUS. Le syndicat FO des chauffeurs de bus de Montpellier s’est plaint d’une odeur « insoutenable » sur la ligne 9, qu’il explique par la prise en charge de familles Roms. Selon ces salariés, il s’agirait d’un « problème sanitaire », qu’il faudrait endiguer en créant une navette « spécialement pour eux ». Pour Laurent El Ghozi, fondateur de Romeurope, ces propos sont insupportables.
Les propos tenus par le syndicat FO des chauffeurs de bus de Montpellier sont absolument insupportables.
Si l’on ne peut pas négliger le fait qu’il puisse y avoir des nuisances, ces salariés se trompent de combat.
Obligés de vivre dans des bidonvilles
Ils affirment que l’odeur des Roms qui empruntent la ligne 9 pour circuler du centre-ville jusqu’à leur camp est « intenable ». Ils parlent même d’une « véritable infection ».
Plutôt que de faire ce genre d’affirmation, ils devraient s’interroger sur les moyens qui sont mis en œuvre pour permettre à ces populations de vivre dignement.
Est-il nécessaire de leur rappeler que les Roms ne sont pas sales génétiquement ? Les problèmes d’hygiène ne sont pas liés à un mode de vie ou à des considérations culturelles, mais au fait qu’on oblige ces populations à vivre dans des bidonvilles ou des squats, sans leur donner la possibilité de se laver. C’est la manière dont on les traite qui est le fond du problème.
Un recul des valeurs républicaines
Pour remédier à cette « nuisance », le syndicat propose une solution qui relève de la ségrégation raciale : mettre en place une navette spécialement dédiée aux Roms.
Cette solution serait inenvisageable sur le plan du droit car elle est illégale : il s’agit là de discrimination. Cela rappelle tristement l’apartheid qu’ont pu connaître les Noirs en Afrique du Sud ou dans certains États américains.
Si cette navette venait tout de même à être mise en place, les associations comme RomEurope, dont je fais partie, saisiraient le défenseur des droits. Je pense aussi que les populations concernées refuseraient de montrer dans ce véhicule. Quoi qu’il en soit, cela constituerait un recul majeur des valeurs républicaines.
L’hygiène face à des difficultés pratiques
Ces chauffeurs de bus montpelliérains évoquent un « danger sanitaire ». Croient-ils réellement que, parce que l’on sent la transpiration, on présente un risque pour la santé d’autrui ? Ils sont même allés jusqu’à saisir le CHSCT pour faire constater les « nuisances ».
Parmi les membres de ce comité, Djamel Boumaaz, conducteur de bus et élu du Front national, qui a affirmé : « Certains chauffeurs n’acceptent plus de toucher les pièces de monnaie qui leur sont données par les Roms pour payer leurs titres de transport ».
Ces propos sont tout bonnement racistes et font le lit des idées du FN. Les pièces de monnaie circulent entre toutes les mains, c’est donc un fantasme de croire qu’elles peuvent représenter un danger.
J’ai travaillé sur des questions de santé autour de ces populations migrantes et on n’a jamais constaté de pathologie majeure. Les enfants scolarisés ne sont pas sales quand ils se rendent à l’école. Et malgré les conditions de vie effroyables, les cabanes dans lesquelles vivent ces populations sont toujours propres. Il y a chez elles une exigence d’hygiène qui se heurte à des difficultés pratiques. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1351458-un-syndicat-veut-un-bus-special-roms-a-montpellier-des-methodes-dignes-de-l-apartheid.html
Installer des douches publiques
Depuis une dizaine d’années, je suis frappé par la banalisation de ce genre de propos racistes. Évoquer un « danger sanitaire » pour parler de l’hygiène des Roms, c’est inacceptable sur le plan des valeurs et faux sur le plan épidémiologique.
Comme l’a dit la CGT, qui a répondu au syndicat FO des chauffeurs de bus : « Luttons contre la pauvreté, pas contre les pauvres ! ». Malheureusement, il est plus facile d’attaquer ces populations que de mettre en place une politique d’intégration correcte.
C’est le rôle des pouvoirs publics, des communes ou encore des départements. Les collectivités sont en effet responsables des conditions de vie de ces populations, qui sont pour la plupart des ressortissants européens et qui doivent bénéficier d’une protection constitutionnelle de la France.
Pour régler le problème, la ville de Montpellier doit simplement appliquer la loi : les communes sont dans l’obligation d’apporter, entre autres, l’eau et l’électricité aux populations migrantes. L’installation de douches publiques est donc la solution.
Propos recueillis par Anaïs Chabalier.