Dans la mairie du RN Julien Sanchez, le mal-être des salariés
Porte-parole de Marine Le Pen, Julien Sanchez tient la ville de Beaucaire (Gard) d’une main de fer depuis 2014. Mais derrière la vitrine sociale, la confusion règne en interne. Factures impayées, insultes, agents sous pression, gestion opaque… Une situation que le maire réfute.
Prisca Borrel, Médiapart, 28 mars 2022
« Pour relever Beaucaire, rien ne m’arrêtera », avait lancé Julien Sanchez dans les colonnes du journal municipal gardois en juin 2015. Pas même les risques psychosociaux dont atteste un rapport préliminaire du cabinet Qualiconsult, mandaté par la mairie Rassemblement national (RN). Ce document, que Mediapart a pu consulter, dresse un bilan accablant de la gestion de cette commune de 16 000 habitant·es sur laquelle l’extrême droite règne depuis huit ans.
Au fil de plusieurs réunions collectives, le cabinet d’audit est allé à la rencontre d’une cinquantaine d’agent·es en « surcharge de travail », en « sous-effectif », sans solution de remplacement. Toujours d’après ce rapport préliminaire, dans certains services, le personnel serait en proie à des « conflits verbaux et physiques ».
D’autres ont aussi fait part de situations « émotionnellement difficiles à gérer » dont ils ou elles ont été témoins dans le cadre de leurs fonctions, « comme des cas de viols sur mineurs, des scènes de mort, des cas de violences physiques entre enfants… source d’anxiété et de traumatisme ». Et qu’aucune cellule de prise en charge ou autre accompagnement n’est venu soulager.
Julien Sanchez, membre du Front national depuis 2000, il en est le porte-parole depuis 2017. Il est également maire de Beaucaire (Gard) et président du groupe Rassemblement national au conseil régional d’Occitanie. (source Wikipédia)
« Les agents se sentent démunis », indique le document de Qualiconsult, dont Julien Sanchez, interrogé par Mediapart (lire notre Boîte noire et l’intégralité de sa réponse en annexe de cet article), conteste la légitimité, la version finale n’ayant pas encore été votée en comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT, instance remplacée depuis 2020 par le conseil social et économique – CSE).
Mediapart a néanmoins pu recueillir une quinzaine de témoignages confirmant le diagnostic posé par le cabinet d’audit. Issus de divers services et de différents grades, ils évoquent « un problème de fond, managérial, un problème de maltraitance psychologique ». « C’est comme une volonté de laminer les agents de l’intérieur en les faisant passer pour des incompétents », prétend une ancienne cadre sous couvert d’anonymat.
Une situation que Julien Sanchez réfute de bout en bout. L’élu a préféré répondre à nos questions par courriel, citant dès le départ un adage résumant son état d’esprit : « On n’est sali que par la merde. » Une saillie en décalage total avec la sollicitude dont la municipalité assure, à travers lui, faire preuve : « La commune de Beaucaire, constructive et pragmatique, a toujours su prendre des mesures immédiates chaque fois qu’un agent lui signalait une situation de détresse, qu’elle soit liée à la hiérarchie comme à l’environnement de travail. »
Des tensions aux services techniques de la ville
Lors de ses trois premières années d’exercice, la municipalité Sanchez a supprimé une quarantaine de postes, ramenant ses effectifs à 236 personnes en 2017 d’après le dernier bilan social communiqué au cabinet Qualiconsult. Pourtant, dans le même laps de temps, le nombre moyen de jours d’absence par employé aurait quant à lui explosé, affichant une augmentation de 56,5 %, selon le rapport préliminaire. D’après Julien Sanchez, la situation serait aujourd’hui revenue à la normale.
Ces derniers mois pourtant, plusieurs témoins rapportent que la tension est montée crescendo aux services techniques. « Quand j’entendais Julien Sanchez soutenir les “gilets jaunes” à la télévision, quand je l’entendais dire qu’il comprenait la détresse des gens, je ne tenais plus sur mon canapé », s’indigne un agent du secteur, qui se dit « éteint ». Plusieurs témoins directs pointent le comportement d’un militant d’extrême droite qui aurait, selon eux, mis le feu aux poudres.
Embauché dès 2014 en qualité de « manager » des ateliers, Peter Sterligov, alias Pierre, compte parmi les quelques personnalités du Front national (FN, ex-RN) et du groupuscule Génération identitaire (GI) que Julien Sanchez a placées à différents postes de la ville après son élection. À l’image de Damien Rieu, ex-porte-parole de GI et de Marine Le Pen, aujourd’hui soutien d’Éric Zemmour, qui fut un temps directeur adjoint de la communication.
Il rabaisse les gens devant tout le monde.
Peter Sterligov fait partie de ceux qui ont participé à certaines actions de ce groupuscule d’extrême droite, que le gouvernement a dissous en mars 2021. Il fait partie des 22 prévenus qui seront jugés en octobre prochain pour le saccage des locaux de l’association SOS Méditerranée en 2018. Dans un article du Parisien, on l’aperçoit aussi, en mars 2020, parmi les prévenus du procès de l’occupation du toit de la CAF de Bobigny.
Celle-ci avait été bloquée toute une journée, le 29 mars 2019, sous le slogan « De l’argent pour les Français. Pas pour les étrangers ! ». Condamnés à des peines allant d’un à trois mois de prison avec sursis en mars 2020, les prévenus ont été rejugés en appel en janvier 2022 et sont encore dans l’attente du verdict.
Contacté par Mediapart, Peter Sterligov n’a pas répondu à nos demandes d’entretien (lire notre Boîte noire).
Plusieurs témoins racontent l’ambiance que cet ancien légionnaire d’origine russe ferait régner dans son service. « Il rabaisse les gens devant tout le monde. C’est lui le patron… Ça se passe mal et on n’arrive pas à le gérer. Quand on lui dit qu’il faut faire telle ou telle intervention, soit il ne veut pas nous donner les moyens, soit il nous dit que c’est mal fait. Et il ne nous croit jamais », affirme un agent.
D’autres rapportent que Peter Sterligov aurait même eu pour habitude de traiter les personnes sous sa responsabilité de « mongoliens » ou « de handicapés »... Autant de « gars » qu’il souhaiterait, selon leurs dires, « atomiser ». « On est tous passés aux notations, un par un, on a tous été très clairs, mais il est toujours là, avec son air agressif. On est tous sur Internet en train de chercher du travail ailleurs, ici, on n’a pas d’avenir ! », confie le même homme.
Utilisation de traceurs GPS pour suivre des agents
Selon plusieurs sources, et un échange de SMS entre le manager et un autre cadre de la ville que nous avons pu consulter, Peter Sterligov se servirait aussi du traceur GPS des véhicules des services techniques pour suivre la trace des agent·es. D’après plusieurs témoins, un homme aurait même été convoqué par la direction des ressources humaines après avoir stationné son véhicule de travail devant chez ses parents pour une urgence. Interrogés sur ce point précis, ni Peter Sterligov ni la direction des ressources humaines n’ont répondu à nos questions.
Un autre employé, toujours en poste aux services techniques de la mairie, a également expliqué aux policiers avoir été pris à partie devant témoins lors d’une demande de mutation. « Il m’a menacé en me disant que si je continuais d’aller voir [mes] petits copains de la CGT, j’allais voir ce qui allait m’arriver », relate-t-il dans une main courante déposée au commissariat de Tarascon, le 15 février 2022.
Julien Sanchez soutient pleinement Peter Sterligov. D’après lui, l’intéressé « nie formellement » les faits qui lui sont reprochés. L’enquête interne, commandée par ses soins, n’a « pas pu déterminer la véracité des propos de chacune des deux parties », dit-il. Le maire de Beaucaire loue néanmoins un agent « d’une grande valeur professionnelle et [d’]une implication totale ». « En vous lisant, je prends conscience que ce que certains lui font vivre depuis des semaines visiblement avec la bénédiction d’un syndicat est objectivement inhumain », écrit-il, en réponse à nos questions.
Depuis son arrivée au pouvoir, l’édile RN a plusieurs fois vanté sa gestion de la municipalité. Pourtant, en interne, plusieurs témoins racontent une tout autre réalité. « On manque de harnais, de cisailles, on n’a pas d’escabeau… Sur l’un des véhicules, le pare-brise est fêlé, sur un autre, la fenêtre est bloquée, on roule parfois avec des pneus lisses… Je me demande comment les véhicules arrivent à passer le contrôle technique », affirme un agent des services techniques.
L’un de ses collègues abonde : « Quand on pose des gaines, on garde les chutes de 20 centimètres, parce qu’on sait qu’on va en avoir besoin ailleurs et qu’à un moment, on n’aura pas assez de matériel. » Des carences également soulevées par le rapport préliminaire du cabinet Qualiconsult, qui évoque des fonctionnaires contraints « d’apporter leur propre matériel pour réaliser le travail demandé, voire même de l’acheter avec leurs deniers personnels ».
Les écoles de la ville sont quant à elle régulièrement frappées par des pénuries d’essuie-tout et de papier toilette. Un phénomène dont les parents s’inquiétaient déjà en 2016 sur la page Facebook des « Beaucairoiseries ». « Ma fille vient de me dire que les parents doivent ramener du papier toilette à l’école. Y aurait-il d’autres parents au courant ? », questionnait une mère, à l’époque.
Élue d’opposition sans étiquette et directrice d’une école de la ville, Pascale Duplissy en atteste : « Oui, nous manquons de produits d’hygiène de manière très régulière. L’année dernière, nous avons aussi demandé aux parents d’amener du gel hydroalcoolique et du savon pour pouvoir appliquer le protocole sanitaire. »
Factures impayées, livraisons retardées
Certains fournisseurs retarderaient les livraisons à cause de factures impayées. D’après un courrier que Mediapart a pu se procurer, la société Rexel, spécialisée dans le matériel électrique, a été contrainte de mandater un huissier de justice en janvier 2022 pour que la municipalité s’acquitte d’une dette de près de 15 000 euros. Selon l’élu d’opposition Luc Perrin, sans étiquette, qui s’est saisi du problème, le fournisseur de repas Terres de Cuisine courrait aussi après ses 85 000 euros de créances début mars.
D’après le cabinet Qualiconsult, la direction de la mairie souffrirait d’un « syndrome du parapheur », en référence à ces classeurs de documents en attente de signature. Ces lenteurs administratives ont parfois des conséquences ubuesques. « Exemple : le cuisinier s’est retrouvé sans four pendant 6 mois pour réaliser 700 repas par jour », note l’audit. « Les factures sont quasi systématiquement dénoncées. La hiérarchie vérifie les montants huit chiffres après la virgule, donc forcément, elle ne tombe jamais d’accord avec les fournisseurs », détaille un agent.
Une autre fonctionnaire compare le bureau de Julien Sanchez à « une mer de parapheurs ». « Il ne signe rien. Il manque toujours un truc, quelques centimes, ou bien c’est un libellé qui est erroné », souligne-t-elle. Mais une fois les livraisons retardées, ce sont les agent·es qui en feraient les frais : « Les factures restaient sur son bureau et après il me reprochait le fait que ce n’était pas payé », lâche une ancienne directrice de communication.
Mairie de Beaucaire
Questionné sur ces témoignages, qu’il juge « absurdes », Julien Sanchez accuse ses détracteurs : « Le fait que j’ai annoncé récemment que des sanctions seraient désormais prises pour toute facture non traitée par les services dans les délais devrait pousser cet agent anonyme [le maire utilise le singulier dans sa réponse là où notre question évoquait plusieurs témoignages – ndlr] à faire correctement son travail dans l’intérêt de chacun. » Il assure signer chaque devis dans les 48 heures et attribue les retards à des problèmes de transmission par les services.
Aux premières semaines de son installation, un fossé s’est vite creusé entre la nouvelle équipe municipale et une partie de ses agent·es, rapportent plusieurs témoins. « À l’arrivée de Sanchez, la mairie a été complètement cloisonnée. On l’appelait “le bunker”. Avant, quand tu voulais aller voir le maire, tu te présentais à l’interphone pour prévenir la secrétaire, puis tu toquais à la porte. Aujourd’hui, il faut un badge pour tout. Le menuisier ne peut pas aller récupérer une perceuse chez le maçon. Si le magasinier n’est pas là, personne ne peut aller récupérer du matériel », affirme un agent des services techniques.
Alors que le maire RN tient régulièrement des permanences sans rendez-vous pour ses administré·es, l’exercice de transparence semble s’arrêter aux portes de l’hôtel de ville. « La communication interne a été vivement critiquée. Elle est qualifiée d’inexistante et le personnel ne se nourrit que de bruits de couloir », souligne le rapport de Qualiconsult.
Un samedi, alors qu’elle est en mairie pour boucler un dossier, l’ancienne directrice de la communication s’aperçoit que le bureau de Julien Sanchez est ouvert. « Je passe la porte pour vérifier que tout va bien, il vient vers moi et la ferme. Même pas bonjour, rien. Des gestes comme celui-là vous font sentir plus bas que terre. Il n’a jamais accepté aucun rendez-vous avec moi », dit-elle.
Les faits rapportés sont dingues, tout autre commentaire apparaît superflu.
Un comportement que le maire de Beaucaire nie en bloc. « Mes capacités d’écoute et mon pragmatisme ne peuvent être sérieusement contestés […]. Il n’y a aucune distance volontaire avec le personnel et toute personne de bonne foi pourra confirmer que je suis très accessible. C’est de notoriété publique », assure Julien Sanchez, qui souligne avoir reçu tous les agents et agentes des services techniques individuellement mi-janvier, après un préavis de grève lancé par la CGT, et avoir déjà pris en compte une partie de leurs remarques.
L’audit du cabinet Qualiconsult révèle toutefois une gestion des ressources humaines opaque, « qui oblige les employés à chercher l’information sur le “qui fait quoi” ». Pas de fiche de poste ni d’organigramme clair. Si la municipalité assure travailler à résorber ce problème, celui-ci a souvent créé de la confusion, comme en témoigne l’ancienne directrice de la communication de la ville, qui s’est souvent retrouvée en porte-à-faux entre la direction générale des services et le cabinet du maire.
Interrogé sur le récit de celle-ci, Julien Sanchez indique à Mediapart : « Les faits rapportés sont dingues, tout autre commentaire apparaît superflu. » L’ancienne cadre rapporte enfin avoir reçu, le dernier jour de sa période d’essai, un renouvellement de trois mois au lieu du CDD de trois ans promis le jour de son embauche. « C’était un dimanche à 15 h 15. Et jamais personne ne m’avait dit que ça n’allait pas », dit-elle.
Un agent des services techniques, cible d’un dessin raciste, se serait heurté à une réaction ambiguë de la part du maire de Beaucaire. Dans un courrier daté du 1er février 2017, que Mediapart a pu consulter,
et qui était directement adressé à Julien Sanchez, l’homme relatait la découverte, sur son lieu de travail, d’un graffiti insultant associé à son nom. On y voyait un homme noir aux lèvres disproportionnées.
« Je tiens par ce courrier à porter à votre connaissance cette action odieuse, portant atteinte à mes origines et à ma couleur de peau », écrivait-il, rappelant que la loi oblige le maire à « protéger ses employés ». Il exigeait aussi l’ouverture d’une enquête, sans quoi il alerterait « les autorités compétentes ».
Cinq jours plus tard, l’agent reçoit deux réponses de l’édile. La première l’informe de l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre lui et d’une convocation à la direction des ressources humaines pour ne s’être pas déplacé sur un lieu d’intervention quinze jours plus tôt. Dans la deuxième, Julien Sanchez condamne « avec la plus grande fermeté » le dessin qu’il juge « inadmissible » et annonce avoir demandé l’ouverture d’une enquête interne.
Il poursuit son courrier, que Mediapart a pu consulter, par des remontrances : « Vous laissez entendre, dans votre courrier, que je pourrais ne pas réagir et cautionner ces agissements. De plus, vous me menacez de saisir les autorités. Je ne vous permets pas de tels propos qui sont au mieux un procès d’intention, voire des propos pouvant être qualifiés de diffamation à mon égard par la justice […]. À ce titre, votre courrier nécessite a minima des excuses écrites. »
D’après le maire, l’enquête interne n’a rien donné. « Rien n’a permis de déterminer lequel des collègues était à l’origine du dessin (évidemment, cet immonde connard lâche qui plus est, ne s’est pas dénoncé) […] Vous semblez m’en rendre responsable ou je rêve ? », répond-il à Mediapart.
Des « employés candidats » RN
Plusieurs agent·es font état d’un traitement qui serait différencié entre les fonctionnaires de la municipalité et les proches de Julien Sanchez, pour beaucoup issus des rangs du RN. Le maire a en effet recruté de nombreux « employés candidats ».
Le cas du directeur de cabinet Yoann Gillet, ex-candidat RN à la ville de Nîmes et conseiller régional d’Occitanie, est par exemple cité par plusieurs agent·es. Ce dernier a reçu plus de 7 000 euros d’indemnisation de congé annuel en quittant ses fonctions à Beaucaire, le 10 avril 2019. Trois semaines plus tard, il signait un nouveau contrat plus avantageux pour le même poste. Épinglé par la Cour des comptes, il a été contraint de rembourser cette somme. Contacté par Mediapart, Yoann Gillet n’a pas donné suite.
Autre exemple, celui d’Elias Atallah, candidat FN sur le canton de Castelnau-le-Lez en 2015, nommé au poste de directeur de l’urbanisme le 1er juillet de cette même année. Autorisé à exercer ses fonctions en télétravail, l’homme était parti au Canada en août 2017 pour y occuper, en parallèle, le poste d’inspecteur du domaine public pour la ville de Montréal. Un deuxième emploi à temps plein au sujet duquel l’élu d’opposition Luc Perrin a demandé des justifications à plusieurs reprises. En vain.
Julien Sanchez assure à Mediapart que les missions de l’ancien directeur, « seul agent en capacité d’instruire les permis », ont été « parfaitement réalisées ». Ce qui n’a pas empêché Elias Atallah d’écoper d’une sanction devant le conseil de discipline du centre de gestion du Gard, « saisi à ma demande », souligne le maire de Beaucaire, qui affirme n’avoir pas eu connaissance de son double emploi à l’époque. « J’agis de la même manière avec tout agent, d’autant plus lorsqu’il exerce des responsabilités et a donc un devoir d’exemplarité », dit-il.
Je pleure tous les matins, je n’arrive pas à prendre ma douche, je n’arrive pas à prendre ma voiture, j’ai du mal à venir travailler…
Aujourd’hui, les fonctionnaires interrogés par Mediapart se disent à bout. « Mon métier me plaisait, j’avais l’impression de rendre service à la population. Mais ce que je faisais il y a quelques années, aujourd’hui je suis incapable de le faire. Je n’ai plus confiance en moi », affirme un agent des services techniques.
Même détresse dans les services administratifs où une agente explique « vivre un enfer ». « Ça ne va pas. Je pleure tous les matins, je n’arrive pas à prendre ma douche, je n’arrive pas à prendre ma voiture, j’ai du mal à venir travailler… Ce qui me fait tenir, c’est l’équipe. On est solidaires, mais on a tous ce sentiment d’insatisfaction permanente, de ne jamais arriver à terminer le travail, et d’en porter la responsabilité », dit-elle.
D’après un rapport de la Cour des comptes, publié en décembre 2020, la médecine du travail aurait alerté la ville à maintes reprises. « Sont rapportés des vécus d’injonctions paradoxales, de demandes managériales en contradiction avec les règles ou avec l’éthique de métier, des mutations d’office non accompagnées, des retards accumulés liés à des non-réponses administratives internes, une perte de sens, une démotivation profonde. Sont cliniquement constatées des souffrances psychiques individuelles nécessitant des orientations spécialisées », détaille le document.
Dans un courrier daté de novembre 2019, le médecin du travail insiste : « Ces constatations, que je fais depuis bientôt cinq années d’un point de vue systémique, ont un impact sur la santé psychique et peuvent être potentiellement graves au plan individuel (indépendamment des conséquences sur l’absentéisme, le turn-over, les conflits inter-individuels, les accidents de travail, etc.). »
Comme le souligne aussi la Cour des comptes, la commune n’a réuni que trois CHSCT en huit ans, alors que la loi prévoit une rencontre tous les trois mois. Depuis 2018, plus aucun salarié ne souhaite représenter le personnel au sein de cette instance, ordinairement paritaire. « Déjà à l’époque, il y avait ce sentiment de peur, de jugement. Les gens se disaient : “Si je vais sur la liste, qu’est-ce qui va m’arriver ?” », se souvient Sylvie Lewandrowski, ex-déléguée CGT du personnel. Comme le veut la loi, six fonctionnaires ont donc été tirés au sort, mais ils ont tous démissionné dans la foulée. Sympathisante du RN depuis plusieurs années, une autre employée annonce avoir tourné la page : « Ici, j’ai vu le vrai visage du RN. Et ça m’a complètement dégoûtée. »
Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez passer par SecureDrop de Mediapart, la marche à suivre est explicitée dans cette page.
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Sur le site municipal de la mairie de Beaucaire:
Objectif : 100 caméras et 30 policiers !
La Mairie de Beaucaire met de gros moyens pour la sécurité de ses habitants.
Ainsi, les effectifs de la Police Municipale sont passés de 13 à 23 (et passeront à 30 dans les années à venir).
Le réseau de vidéosurveillance a quant à lui été entièrement rénové pour plus d’1 million d’euros entre 2019 et 2020 !
24 caméras par ailleurs été ajoutées portant leur nombre, en 2020, à 67.
Le nombre de caméras, entre 2014 et 2020 aura augmenté de 50%. Mais Julien SANCHEZ, Maire de Beaucaire, ne compte pas s’arrêter là. De nouvelles caméras sont encore en cours d’installation avec un objectif de 100 caméras avant 2026. Des opérateurs visionnent par ailleurs les caméras 24h/24.
Pas étonnant donc, grâce à ces moyens accrus et à cette volonté municipale, que les cambriolages aient baissé de 44% sur le précédent mandat. Il en est de même avec les vols avec violence (-45%) et les destructions de biens (-49%).
Ces moyens accrus ont permis par ailleurs d’avoir une police municipale présente 24h/24 et 7j/7 sur le terrain.
Enfin, une 2ème brigade canine sera prochainement créée. »
Plus d’un million d’euros investis dans la télésurveillance, et pas d’argent pour fournir les écoles en PQ et autres produits d’hygiène: « (…) directrice d’une école de la ville, Pascale Duplissy en atteste : « Oui, nous manquons de produits d’hygiène de manière très régulière. L’année dernière, nous avons aussi demandé aux parents d’amener du gel hydroalcoolique et du savon pour pouvoir appliquer le protocole sanitaire. » Sans parler des factures impayées, du cuisto qui doit réaliser 700 repas par jour sans avoir un four à sa disposition… On le voit , le RN a le sens des priorités.