Procès de la Roya citoyenne

Migrants: au procès de Roya citoyenne, «sécurité et tranquillité» contre «boucs émissaires»

Par Mathilde Frénois, à Nice —  Libération, 
Eric Payet-Maugeron (à droite), président de l'association Défendre la Roya, devant le palais de justice de Nice, le 13 octobre 2017.
Eric Payet-Maugeron (à droite), président de l’association Défendre la Roya, devant le palais de justice de Nice, le 13 octobre 2017. Photo Laurent Carre

L’association dans laquelle milite Cédric Herrou est poursuivie par une autre, Défendre la Roya, proche de l’extrême droite, qui demande sa dissolution.

Vendredi matin, les banderoles jaunes «Tous solidaires» de Roya citoyenne ont retrouvé leurs attaches sur les grilles du palais de justice de Nice. Mais c’est peut-être la dernière fois que des soutiens aux migrants se rassemblent sous ce nom: l’association de défense des droits des réfugiés dans cette enclave montagneuse coincée entre l’Italie et la France est sous la menace d’une dissolution. Un nouveau collectif, porté par l’extrême droite, baptisé Défendre la Roya, demande sa disparition.

De l’autre côté des murs du palais de justice, c’est la survie de l’association qui est en jeu. «Les objets de Roya citoyenne sont un masque qui nuit à la sécurité et à la tranquillité des citoyens français. Elle est à l’origine d’un trouble manifeste à l’ordre public», estime MJessica Dalmasso, avocate de l’élu proche de Marion Maréchal-Le Pen Olivier Bettati et de l’association à l’origine de la requête. Créée en juin par un ancien policier aux frontières, Défendre la Roya dénonce des «actions illicites et illégales […] sous couvert d’humanisme».

En ligne de mire: l’aide juridique et l’hébergement qu’apporte Roya citoyenne aux réfugiés qui arrivent par centaines dans les villages. «Nous avons deux attestations : celle d’un restaurateur et d’une femme policière qui sont amenés à rencontrer des migrants qui viennent les voir et leur demande la route pour aller chez Cédric Herrou. Ils sont munis de petites cartes plastifiées géographiques. Parfois même de GPS, affirme MJessica Dalmasso à l’audience. On leur met à disposition des moyens logistiques pour entrer illégalement en France.»

«Théorie du bouc émissaire»

Figure emblématique de l’aide aux migrants dans la Roya, Cédric Herrouétait au cœur des débats. Pourtant, l’agriculteur n’avait pas fait le déplacement jusqu’au tribunal. «C’est la théorie du bouc émissaire. Il y en a deux : les étrangers et Cédric Herrou, pointe MCatherine Cohen-Seat, l’une des conseils de Roya citoyenne. C’est trop facile. On les considère comme responsables de tout ce phénomène planétaire. Or c’est un problème qui dépasse très largement cette frontière.» A cette frontière précisément, Roya citoyenne soigne, héberge et fournit 350 repas par jour aux réfugiés. Elle les aide également dans leurs démarches de dépôt d’une demande d’asile. Des actions qui ont valu des peines de prison avec sursis à certains de ses membres.

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Dehors, Georges Faye distribue des branches d’olivier. Ses rameaux, «avec les premières olives noires, coupés à la lampe torche» terminent crochetés sur les vestes de la soixantaine de militants promigrants qui s’est massée en bas des marches du palais de Justice. «C’est le symbole de la paix, soutient-il. Il faut que la solidarité persiste dans notre vallée.» De l’autre côté de l’escalier, la rivale, Défendre la Roya, a aussi débarqué avec des accessoires. Ses membres déploient une banderole. «C’est important de souligner les méfaits de cette association. Elle est un réseau, une mafia de passeurs», juge Bryan Masson, secrétaire départemental du FNJ 06, dont seule la tête dépasse de l’affiche barrée des lettres capitale bleues et rouges au nom de l’association. «On estime que c’est déloyal ce qu’ils font. On veut stopper cette immigration de masse qui nous met en insécurité totale. A un moment, il faut dire stop», dit Fernand Vissant, trésorier de Défendre la Roya, qui fait circuler des tracts «Migrants, vols, violences, stop !».

«Buzz politique»

Des propos qui ont fait écho jusque dans la salle d’audience. «Vous êtes dans le buzz politique complet. La seule action de Défendre la Roya est de répandre la haine et la violence», a pointé l’avocate de Roya citoyenne, MMireille Damiano. Le sort de l’association sera fixé le 9 novembre. En attendant, des collectifs, des syndicats et des fédérations niçoises, d’Europe Ecologie-les Verts au Planning familial, ont lancé un nouveau groupement. Né ce vendredi, Solidarité Migrants-Collectif 06 défend, entre autres, «les individus et les associations qui aident (les migrants) face aux attaques de l’extrême droite».

Mathilde Frénois à Nice