Naufrage mortel dans la Manche : cinq militaires mis en examen
Ils ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger, dans le cadre de l’enquête sur la mort de vingt-sept migrants après le naufrage de leur bateau dans la Manche fin 2021. Jeudi, une dizaine de personnes avaient été placées en garde à vue.
Agence France-Presse, 25 mai 2023 à 19h41
C’est un naufrage qui a mis en lumière les lacunes coupables de la France. Cinq militaires du centre régional de secours en mer ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger jeudi dans le cadre de l’enquête sur la mort de vingt-sept migrants après le naufrage de leur bateau dans la Manche fin 2021, a appris l’AFP jeudi de sources proches du dossier.
Dans la journée, une dizaine de personnes avaient été placées en garde à vue, dont certains militaires du Cross Gris-Nez, le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage dans la Manche.
Dans ce dossier, les autorités françaises sont soupçonnées d’avoir été appelées à l’aide à une quinzaine de reprises et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage. « Nous considérons qu’il y a eu de vrais manquements dans ce drame », expliquait fin 2021 Yann Manzi, fondateur de l’association Utopia 56, qui vient en aide aux exilé·es en région parisienne, dans le Calaisis ou à Rennes, et à l’origine de la plainte déposée pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours ».
Sollicité par l’AFP, le directeur du Cross Gris-Nez n’a pas souhaité réagir. « Tous les opérateurs actuellement au Cross Gris-Nez ou embarqués ont toute la confiance du préfet pour conduire les opérations de sauvetage en mer », a indiqué à l’AFP la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord. « L’affaire suit son cours et l’instruction n’est pas de notre ressort », a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire.
Le canot avait coulé au petit matin du 24 novembre 2021, emportant vingt-sept passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans. Personne ne leur était venu en aide. Ni côté français, ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle, selon des documents de l’enquête consultés par l’AFP.
Ces éléments, qui concordent avec les déclarations des deux survivants, ont secoué le Cross Gris-Nez et suscité la « consternation » des associations d’aide aux migrant·es.
Lors de précédentes auditions dans cette enquête, des agents du Cross avaient invoqué le manque de moyens qui contraint « à prioriser ». Ce soir-là, le Cross a traité « des centaines, voire des milliers d’appels », avait rapporté l’un d’eux.
« Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises », avait aussi assuré en novembre le secrétaire d’État français Hervé Berville, reconnaissant un « effroi » à la lecture des informations de presse.
Dix passeurs présumés, majoritairement afghans, ont été inculpés dans le cadre de ce drame, qui a fait monter la tension entre Paris et Londres.
Une enquête est également en cours outre-Manche. Les autorités britanniques ont annoncé fin novembre avoir arrêté un homme « suspecté d’être un membre du groupe criminel organisé qui a conspiré pour transporter les migrants au Royaume-Uni à bord d’un petit bateau ».