MLP: menaces contre les fonctionnaires

Menaces contre les fonctionnaires : Marine Le Pen réussit à fâcher les syndicats de magistrats et de la police

Par Cédric Mathiot — 28 février 2017 à 07:21

Les propos menaçants tenus dimanche à l’encontre des fonctionnaires par la présidente du Front National ont irrité jusqu’au très droitier syndicat de police Alliance.

En meeting à Nantes, dimanche, Marine Le Pen en a fait des tonnes sur le «gouvernement des juges» auquel elle refuse de se soumettre – elle a d’ailleurs refusé de répondre à la convocation des enquêteurs dans l’affaire des emplois présumés fictifs des assistants parlementaires européens. Dénonçant, dans sa désormais classique rhétorique du complot, la cabale qui serait ourdie contre elle, elle a ajouté cette dédicace – entre conseil et menace – à l’adresse des fonctionnaires : «Je veux dire aux fonctionnaires, à qui un personnel politique aux abois demande d’utiliser les pouvoirs d’État pour surveiller les opposants, organiser à leur encontre des persécutions, des coups tordus, ou des cabales d’Etat, de se garder de participer à de telles dérives. Dans quelques semaines, ce pouvoir politique aura été balayé par l’élection. Mais ses fonctionnaires, eux, devront assumer le poids de ces méthodes illégales, car elles sont totalement illégales. Ils mettent en jeu leur propre responsabilité. L’État que nous voulons sera patriote.»

Le public a adoré. Les représentants des fonctionnaires beaucoup moins. Faisant allusion à la demande de «trève judiciaire» énoncée par Marine Le Pen pendant la période de la campagne, le syndicat de la magistrature (gauche) a répondu par un communiqué intitulé : «trève de menaces». On y lit :«Rétifs à l’égalité devant la loi, certains membres de la classe politique prétendent se construire une immunité pénale et c’est par l’intimidation qu’ils veulent l’imposer. Que l’autorité judiciaire ose faire son travail, enquêter sur les infractions à la loi pénale qui lui ont été dénoncées, constitue pour eux un crime de lèse-candidat. Au mépris affiché pour la justice viennent de s’ajouter des menaces édifiantes : après avoir refusé de se rendre à sa convocation, Marine Le Pen promet, si elle accédait au pouvoir, de demander des comptes aux policiers et aux juges en guise de représailles». Et de conclure : «Ces attaques délétères contre la justice et la démocratie doivent cesser : il est grand temps que la retenue change de camp».

Quelques heures avant, c’est l’Union Syndicale des Magistrats, plus à droite, qui avait taclé la candidate du FN. «Il n’y a pas de trêve judiciaire, de période où la justice serait paralysée, a assuré sur BFM Jacky Coulon, sécrétaire national de l’USM. Ce mot de trêve judiciaire n’existe pas. Et la justice doit faire son travail à tout moment. Aucun citoyen n’est au dessus des lois, qu’il soit candidat à une élection ou qu’il ne le soit pas. Lorsqu’on respecte la police, on déferre aux convocations qui nous sont faites.»

«Ce ne sont pas que des mots en l’air, a ajouté plus tard la présidente de l’USM, Virginie Duval, citée par France TV InfoIl y a une volonté d’intimidationCe qu’elle dit à demi-mot, c’est qu’elle n’oubliera pas les policiers et les magistrats qui auront simplement fait leur travail, ce pour quoi ils sont payés. Ce sont des menaces inacceptables.»

Mais les représentants des magistrats n’ont pas été les seuls à protester contre la curieuse conception de l’Etat de droit à la sauce Marine Le Pen. Le syndicat Alliance, très marqué à droite, a dénoncé dans un communiqué  («L’Etat de droit, parlons-en!») «la gravité de ces propos menaçants prononcés par une candidate à la mandature suprême»«Les policiers, écrit le syndicat, quels que soient leurs services et leurs missions, travaillent en toute impartialité et selon les lois et règlements en vigueur fixés par le législateur et œuvrent pour le sens commun et non pour des intérêts particuliers de quelconques officines». Alliance dit apporter «son soutien à l’ensemble des policiers de l’Oclciff», l’Office anticorruption de la police judiciaire qui enquête sur l’affaire des assistants d’eurodéputés du FN. Dont Marine Le Pen a décliné l’invitation.

Cédric Mathiot