Marine Le Pen termine sa tournée en Provence-Alpes-Côte d’Azur, laboratoire pour la présidentielle de 2022
Venue soutenir son candidat issu de la droite pour les élections régionales, Thierry Mariani, la présidente du RN a répété qu’elle voulait aller au-delà des étiquettes.
Par Franck Johannès, Le Monde, publié hier à 11h24
Le candidat aux régionales dans la région PACA, Thierry Mariani, et Marine Le Pen, à Toulon, le 17 juin. CHRISTOPHE SIMON / AFP
Marine Le Pen, tout sourire, distribue des tracts sur le marché du Brusc, à Six-Fours-les-Plages (Var), en territoire à peu près conquis. Un marchand de disques a mis Douce France, de Charles Trenet, en son honneur ; un passant l’assure qu’il sera « au rendez-vous dimanche » ; un retraité, derrière un étal de véritable savon de Marseille, estime « qu’on a tout essayé depuis cinquante ans, il faut essayer le RN ». La présidente du Rassemblement national (RN) est venue soutenir, jeudi 17 juin, Thierry Mariani, la tête de liste du parti en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, que tous les sondages donnent gagnant. Il est venu l’accueillir à l’aéroport de Toulon. « Nous sommes la force tranquille », a osé Marine Le Pen, très mitterrandienne, en l’attrapant par le bras.
La candidate aux départementales à l’autre bout de la France, dans le Pas-de-Calais, a cette fois, pour son onzième déplacement de campagne, moins disserté sur la présidentielle que sur l’enjeu local. Avec un ennemi à abattre, Renaud Muselier, président sortant de la région et tête de liste Les Républicains (LR), qu’elle a méthodiquement critiqué. « Qui a peur de l’arrivée de Thierry Mariani à la tête de la région, à part M. Muselier, qui a peur pour sa propre place ?, a dit Marine Le Pen. C’est cette peur qui l’a fait courir à Matignon pour obtenir, dès le premier tour, un accord avec La République en marche. Renaud Muselier, c’est “M. Plus”, avec 38 personnes sur sa liste qui soutiennent Emmanuel Macron. »
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Elle a feint de se demander qui dirigera la région si le président sortant était réélu : LR ou les candidats de La République en marche, qui sont « la minorité de blocage » ? Renaud Muselier « est la marionnette entre les mains de M. Macron, il est le maillon faible de cette alliance politicienne, c’est une magouille électorale », a insisté Marine Le Pen. D’autant qu’il envisage un accord avec la gauche au deuxième tour : « Grand bien lui fasse, mais permettez-moi de penser aux électeurs LR qui doivent être relativement traumatisés de cette situation. »
Il n’a d’ailleurs pas été élu président de région, a rappelé la candidate, « on comprend bien pourquoi maintenant ». Renaud Muselier a effectivement remplacé le président élu, le maire de Nice, Christian Estrosi, qui lui a laissé la place. « C’est sa première véritable campagne, a affirmé Marine Le Pen. Il devrait faire preuve de clarté, or il a cherché à noyer le poisson, il a menti, il a louvoyé, il termine dans une forme d’agressivité, de violence, tout à fait incompatible avec une démocratie sereine, mature. Je mets ça sur le compte d’une sorte de panique qui le saisit, mais la peur est mauvaise conseillère. »
« Bonnet d’âne »
Thierry Mariani s’est, de son côté, félicité d’être « toujours candidat ». Cinq habitants avaient déposé, le 8 juin, une requête pour dénoncer sa « domiciliation fictive » dans un meublé et demandé sa radiation des listes électorales – une faute de débutant pour un politique aussi aguerri, « trois fois maire, deux fois conseiller régional, quatre fois député dans le Vaucluse », et le candidat avait eu un moment de sueurs froides. « Je suis toujours candidat puisque, hier, le tribunal d’Avignon, plus vite que prévu, a décidé de trancher, et bien sûr a rejeté le recours de M. Muselier », s’est félicité l’ancien ministre. En réalité, les magistrats ont jugé que la requête avait été déposée hors délai et n’ont pas examiné le fond.
Il s’est agacé du « feuilleton » que son concurrent entretient. Depuis cinq semaines, le candidat LR répète qu’il n’est pas légitime que M. Mariani se présente dans une région qu’il a quittée pour devenir député des Français de l’étranger, puis député européen. « Renaud Muselier a demandé la nationalité mauricienne et il l’a obtenue, comme il l’avait dit à l’époque parce qu’il avait trouvé “un endroit mieux qu’ici”, rétorque le rallié au RN. Vous remarquerez que je ne lui ai jamais dénié le fait qu’il soit marseillais. »
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Thierry Mariani s’est enfin attardé sur la gestion du président sortant, en rappelant que la chambre régionale des comptes s’était un peu émue que le cabinet du président de région ne compte pas moins de 218 personnes. « Depuis vingt-trois ans, ce sont les mêmes qui dirigent la région, a renchéri Marine Le Pen, en mettant dans le même sac les socialistes et la droite classique. Et la région est bonnet d’âne des régions françaises. »
Un œil sur ses fiches
« Thierry Mariani, c’est une alternance maîtrisée, raisonnable, a repris la présidente du RN. Pourquoi faut-il une alternance dans la région ? L’alternance n’est pas un caprice, c’est une nécessité. Cette envie de changement, on la ressent partout, ici encore plus qu’ailleurs. Notre démocratie, notre droit de vote ne s’abîme que si on ne l’utilise pas. » La liste Mariani n’est composée qu’aux deux tiers de membres du RN – lui-même n’a pas pris sa carte.
« Ce que Thierry Mariani fait dans la région, c’est ce que je souhaite faire à l’élection présidentielle, a dit Marine Le Pen. Si les Français me font la confiance de m’élire à la présidence de la République, je ferai un gouvernement d’union nationale, j’irai au-delà des étiquettes, au-delà de la gauche, au-delà de la droite, au-delà même du Rassemblement national, parce que c’est le moment historique qui veut ça. »
Elle a jeté un œil sur ses fiches, où elle avait noté une belle citation. Lors d’une précédente visite, elle avait cité de mémoire le philosophe Schopenhauer – l’idée était là, mais pas vraiment la phrase. « Puisque nous sommes le 18 juin », a commencé la présidente – il lui a été rappelé fort à propos qu’on était le 17 –, « puisque demain nous serons le 18 juin, a conclu Marine Le Pen, je voudrais vous rappeler cet extrait de l’appel du général de Gaulle : “Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause, rien n’est perdu pour la France” ».