Marche contre l’Ed et pour les libertés à Paris

La Marche des libertés a défilé dans près de 120 villes en France

Marche contre l-Ed et pr les libertés

Marche des libertés contre l’extrême droite, samedi 12 juin 2021, à Paris. AGNES DHERBEYS/MYOP POUR LE MONDE

De nombreuses organisations de gauche ont manifesté dans toute la France, samedi 12 juin, contre « les idées d’extrême droite et les atteintes aux libertés » qui se banalisent, selon elles, dans la société française. Ces manifestations, qui ont eu lieu dans près de 120 villes, ont réuni environ 37 000 personnes, dont 9 000 à Paris, selon les autorités, et environ 150 000 personnes dans toute la France, dont 75 000 à Paris, selon les organisateurs.

« Il y a une banalisation du discours du RN [Rassemblement national] qui est aujourd’hui aux portes de notre région » Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais « un sursaut est encore possible », a résumé l’écologiste Jean-Pierre Cervantes. Les défilés se sont déroulés sans heurts. Seul incident : Jean-Luc Mélenchon a été enfariné au départ de la manifestation parisienne par un jeune homme qui se qualifie de « souverainiste ». Celui-ci a depuis été mis en examen.

 

« Marche des libertés » : à Paris, toute la gauche défile contre l’extrême droite dans une ambiance bon enfant

La « Marche des libertés » a rassemblé plusieurs milliers de personnes et s’est déroulée sans tension avec les forces de l’ordre. Seul incident : l’enfarinement de Jean-Luc Mélenchon, avant le départ du cortège.

Par Abel Mestre et Clément Perruche, Le Monde.fr

Publié le 12 juin 2021 à 20h39, mis à jour hier à 09h32 

Temps de Lecture 4 min.

Marche pr les libertés et contr l-ED Le Monde 2

Jean-Jacques Clément, militant de Saint-Denis, retraité de la RATP. AGNES DHERBEYS/ MYOP POUR LE MONDE

Cela fait partie des réflexes élémentaires de la gauche française. De ceux qu’en tout cas elle garde encore : se mobiliser contre l’extrême droite. Toute cette famille politique – ainsi que les écologistes –, a défilé, samedi 12 juin, dans près de 120 villes en France, contre « les idées d’extrême droite et les atteintes aux libertés ».

On y retrouvait ainsi plus de cent organisations politiques – de Place publique au Nouveau parti anticapitaliste, en passant par Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et Génération.s, le Parti communiste et les socialistes ayant appelé à manifester chacun de leur coté –, mais aussi de nombreuses associations (entre autres SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme, la Cimade, Oxfam ou encore Attac, Youth for Climate et France Nature Environnement), tout comme des syndicats (FSU, CGT, Solidaires, l’UNEF, etc.). L’arc était si large que même des députés élus en 2017 sous l’étiquette La République en marche (LRM) étaient présents samedi, comme Guillaume Chiche (Deux-Sèvres) ou Aurélien Taché (Val-d’Oise).

« Nous sommes tous antifascistes »

A Paris, si la mobilisation de la « Marche des libertés » était décevante (9 000 personnes selon la police, 75 000 selon les organisateurs, ce dernier chiffre étant très largement surestimé), elle s’est déroulée dans une ambiance bon enfant, et plutôt joyeuse.

 

Seul incident : l’enfarinement du chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, avant le départ du défilé au niveau de la place de Clichy, par un jeune homme qui se présentait comme « souverainiste » et qui semble proche des idées d’extrême droite. Le député des Bouches-du-Rhône et candidat à l’élection présidentielle de 2022 a dénoncé auprès de la presse un acte « lâche » mais qui « aurait pu être pire ».

Lire le décryptage : Jean-Luc Mélenchon contre-attaque en pointant la violence d’extrême droite

Reste que la manifestation s’est bien déroulée, sans échauffourées, ni tension, avec une présence policière extrêmement discrète. Outre les organisations appelantes, étaient également présents de nombreux antifascistes.

En tête de cortège, c’est-à-dire devant le carré officiel des organisateurs, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans le calme, sans constitution de black bloc. Les personnes présentes ont repris le slogan italien « Siamo tutti antifascisti » (« Nous sommes tous antifascistes ») et « On est là », le chant rendu célèbre par le mouvement des « gilets jaunes ».
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En queue de manifestation, les militants de La jeune garde, nouvelle structure antifasciste, samedi 12 juin 2021 à Paris. AGNES DHERBEYS/ MYOP POUR LE MONDE

En queue de manifestation, les jeunes et remuants militants de La jeune garde, nouvelle structure antifasciste, surprenaient par leur nombre. Globalement, beaucoup de jeunes étaient présents, notamment des filles, dont certains appréciaient particulièrement le camion sono où le groupe Acid Arab mixait.

Parmi les milliers de manifestants, les motivations étaient claires : la montée des idées d’extrême droite mais aussi les violences policières.

Ainsi, Antoine, 29 ans, ingénieur dans l’automobile, venu manifester avec des amis, se sent « de plus en plus mal à l’aise vis-à-vis de la montée du fascisme. La vidéo de Papacito [où ce blogueur d’extrême droite simule l’exécution d’un militant “insoumis”], c’était la goutte de trop. » Il était cependant un peu inquiet à l’idée de venir, étant donné le contexte et la violence des dernières manifs. Il dénonce « la complaisance des partis vis-à-vis de la police ». Jean-Jacques Clément, 66 ans, ex-machiniste à la SNCF et membre du collectif Solidarité migrants Wilson, abonde : « Je suis venu manifester contre la fachosphère et les violences policières. »

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« Macron jette des passerelles entre lui et le RN »

Le fait que toute la gauche ait appelé à manifester rassure aussi. Il en va ainsi de Françoise, 76 ans, ancienne assistante parlementaire d’un député communiste. « S’unir, participer à un soulèvement populaire, pour que ce climat anxiogène et fasciste s’arrête. Macron jette des passerelles entre lui et le Rassemblement national [RN] », estime-t-elle.

Autant que l’extrême droite, c’est ainsi Emmanuel Macron qui était visé lors de la manifestation parisienne. Chants, slogans, pancartes, même une marionnette de carnaval… : tout au long du cortège, le chef de l’Etat était rendu responsable de la montée du RN. Avec un message clair de la part des manifestants : le président sortant aura désormais beaucoup de mal à faire figure de rempart contre Marine Le Pen.

 

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A l’origine, c’est LFI qui avait lancé l’idée de cette mobilisation, fin mars ; elle a peu à peu pris forme sous l’égide d’Eric Coquerel, député (LFI) de Seine-Saint-Denis, et de Thomas Portes, porte-parole de Génération.s et président de l’Observatoire national de l’extrême droite.

Moins d’un an avant la présidentielle, élection pour laquelle la gauche semble jusqu’ici affaiblie et dispersée, la « Marche des libertés » peut-elle être le début d’un processus d’union populaire ? A la fin de la manifestation, place de la République, Alexis Corbière, député (LFI) de Seine-Saint-Denis, restait prudent. « On fera [l’union] si on est d’accord sur les idées. Mais le sommes-nous ?, s’interrogeait-il. Avec EELV, Benoît Hamon, les communistes, il faut se regrouper, ça me semble logique. Mais s’il faut éviter les divisions artificielles, il faut se méfier d’une unité superficielle. »

Une prochaine « Marche des libertés » est, en tout cas, prévue : elle aura lieu à Perpignan – une ville conquise par le RN aux municipales de 2020 – les 3 et 4 juillet, lors du congrès du parti d’extrême droite.

 

Abel Mestre et Clément Perruche

 

 

 

 

Reportage

La Marche pour les libertés à Paris : «Une partie de la gauche n’est plus au niveau»

Censée incarner un sursaut des gauches face aux discours extrémistes qui gangrènent les débats publics depuis de nombreuses semaines, le défilé s’est déroulé dans une ambiance plutôt sereine dans la capitale – hormis l’enfarinage de Jean-Luc Mélenchon.

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Marche des Libertés à l’initiative des différents partis de gauche pour combattre l’extrême droite, samedi à Paris. (Albert Facelly/Libération)

par Sylvain Mouillard et Charlotte Belaïch, Libération, publié le 12 juin 2021 à 17h56

 

Assis sur un rebord de trottoir près de la place de Clichy, à Paris, Rudy et Bastien sont pris d’un doute : «Si c’est ça la lutte contre le fascisme, on est mal barrés…» Il est 14 heures ce samedi et la foule remplit doucement le cortège parisien de la Marche pour les libertés et contre l’extrême droite. A l’appel de plus de 110 organisations (syndicats, associations, partis politiques) dans 140 villes françaises, elle est censée matérialiser un sursaut des forces de gauche, face aux discours extrémistes qui gangrènent les débats publics depuis de nombreuses semaines. Dans la capitale, la foule a fini par atteindre autour de 9 000 personnes selon la police, 70 000 selon les organisateurs, qui ont recensé 150 000 participants dans toute la France.


«On se regarde comme si on avait déjà perdu,
 soupire Bastien, 33 ans. Il faut dire stop, plutôt que de répéter sans cesse qu’on est à un stade préfasciste.» Rudy, 36 ans, a l’impression de revivre «les mêmes controverses en boucle depuis vingt ans, sur l’immigration, la religion, même si celles-ci s’appuient rarement sur des données objectives. On voit par exemple que la société a tendance à être moins violente, les unions mixtes sont très nombreuses…» Face à cet agenda qu’il juge «imposé» par une partie des médias, il aimerait que la gauche «ait l’intelligence de produire ses propres controverses, sur les saloperies des patrons ou les dommages environnementaux».

 

«Il y a presque plus de sécu que de militants»

Du serpent de mer de «l’union de la gauche», il dit ne plus attendre grand-chose : «Si c’est pour débattre avec des gens comme Anne Hidalgo ou Olivier Faure, ça ne m’intéresse pas. La manière dont ils suivent le climat ambiant, ça m’atterre.» Un sentiment partagé par Rana, 26 ans et militante à SOS Racisme : «Une partie de la gauche n’est plus au niveau. Certains vont participer à la Marche des libertés, mais se sont déjà rendus à la manifestation des syndicats de police contre la justice. Fabien Roussel, le patron du PCF, par exemple. Il y a des gens qui ne savent plus trop où ils habitent.» Aujourd’hui aussi, le candidat des communistes à la présidentielle manifeste à Lille.

14 h 30, la tête de cortège finit par s’élancer, emmenée par un carré de responsables politiques isolés des manifestants par le service d’ordre de la CGT. «Il y a presque plus de sécu que de militants», plaisante Benoît Hamon. Les organisateurs redoutaient que des violences viennent ternir la marche«Il faut donner le moins de prétextes possibles à la préfecture pour donner des images violentes de la manif», expliquait la veille le député insoumis Eric Coquerel, qui a coordonné le groupe chargé de travailler sur la sécurité.

 

 

Finalement, l’ambiance est sereine. Pas de heurts, ni avec la police ni avec des manifestants, mais Jean-Luc Mélenchon enfariné. L’auteur du geste, qui s’est présenté à la presse comme «souverainiste», serait un militant d’extrême droite, selon les troupes insoumises. Entouré d’une nuée de micros et de caméras, leur chef essuie son costume et commente : «Il y a une grande tension. Là, je ne sais pas quel était le motif de me jeter de la farine dessus… C’est vraiment un seuil qui a été franchi.» Un discours qu’il répète depuis la vidéo du youtubeur d’extrême droite Papacito, appelant à la «chasse» aux «gauchistes» et la gifle assénée à Emmanuel Macron.

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Jean-Luc Mélenchon a été enfariné alors qu’il était dans le cortège (Albert facelly/Libération)

«Je venais faire une manif, pas un meeting insoumis»

Juste à côté, les écolos observent silencieux ce qui prend des airs de tribune insoumise. Dans le carré de tête, ce sont eux qui prennent toute la place. «Je venais faire une manif, pas un meeting insoumis», s’agace l’un deux. Du côté des Verts : Julien Bayou, Sandra Regol, Sandrine Rousseau, Eric Piolle. Yannick Jadot, lui, est absent. Il rencontre Annalena Baerbock, la candidate des Verts allemands à la chancellerie. Très peu de rose en revanche. Olivier Faure, le chef des socialistes, qui n’avait pas vraiment envie de marcher avec le député insoumis, manifeste à Avignon. A quelques mètres de Mélenchon et du centre de l’attention, Gabrielle Siry-Houari, porte-parole du PS, s’agace : «C’est inélégant de sa part d’avoir récupéré la manif. Il sait qu’il s’est discrédité, même disqualifié, avec ses propos sur les attentats donc il fait une tentative de rattrapage…» Anne Hidalgo, présente à la manifestation des policiers devant l’Assemblée, n’est pas dans les parages aujourd’hui.

 

 

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Société

12 juin 2021

Un peu plus loin, en face du Moulin Rouge, une apparition : des militants «taubiristes», regroupés sous une pancarte violette : «I have a dream, Taubira 2022». Un orchestre de musiciens habillés comme les Daft Punk offre un retour vers le passé : un concert, comme au temps d’avant le Covid. Retour vers le point de départ, les rangs de la foule ont gonflé, atteignant maintenant plus de 10 000 personnes. On croise d’abord la CGT, puis le camion de la France insoumise. L’ambiance chauffe doucement.

 

Sainte-Rita, patronne des causes désespérées

L’orchestre national de Barbès fait danser la foule, tandis que Zohra, tee-shirt du comité Adama sur le dos, veut croire que «la jeunesse finira par s’y mettre pour s’opposer au fascisme». Cette quinquagénaire originaire de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) garde un souvenir ému de la manifestation de juin 2020 qui avait réuni plusieurs milliers de personnes à Paris après la mort de George Floyd, tué par un policier blanc à Minneapolis. Le genre de signe qui lui fait dire que tout n’est pas foutu, malgré «les chaînes de télé, privées et publiques, qui surfent sur le nationalisme». Elle ne porte pas Emmanuel Macron dans son cœur, mais estime que, contrairement à Marine Le Pen, il permet encore une certaine «liberté d’expression» «La preuve, on est là.»

 

Marche pr les libertés Toulouse 3

C’est devant la chapelle Sainte-Rita, la patronne des causes désespérées, qu’on aborde Louis et Oscar, 15 ans, regroupés derrière la banderole de la «Jeune garde antifasciste», une toute nouvelle organisation dont les effectifs émargent quasiment tous sous la vingtaine. Slogans contre les «fascistes de merde», clapping, ils redonnent, l’espace de quelques minutes, un coup de peps au défilé. «On manifeste très souvent contre l’extrême droite, mais aujourd’hui, c’était encore plus important, dit Oscar. La présidentielle approche.»