Un trait qui caractérise les pouvoirs autoritaires est notamment la distance entre le discours et les actes. Ils peuvent promettre une chose devant micros et caméras, et appliquer l’inverse dans le réel.
Une chose est certaine: que le gagnant du second tour des présidentielles soit Macron ou soit MLP, les PDG de Total, Renault, SANOFI et autres, la FNSEA, les syndicats de chasseurs, enfin les fabricants de bombes lacrymogène ou les BTP spécialisées dans la construction des prisons ou centre de rétention (en attendant que l’Histoire les appelle par leur vrai nom pour dire ce qu’ils sont), tout ce charmant petit monde n’aura pas de souci à se faire, ils trouveront portes ouvertes à l’Elysée. Ac
Ecologie et climat : quel est le bilan d’Emmanuel Macron ?
Agriculture, Climat, Forêts, Nucléaire, Océans
« Make Our Planet Great Again »… Ce discours, prononcé moins de deux mois après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française, aura-t-il été suivi d’effets concrets et mesurables ? A l’heure du bilan du quinquennat, avant une nouvelle élection présidentielle, nous avons passé au crible la politique d’Emmanuel Macron sur des secteurs clés pour le climat et l’environnement. Au-delà des discours, quels ont été les actes de ce quinquennat et où en est aujourd’hui la France en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique ? Réponse sans concession à 7 questions clés.
7 questions climat et environnement pour 5 ans de présidence d’Emmanuel Macron
- Avec Emmanuel Macron, la France a-t-elle respecté ses engagements pour le climat ?
- Pétrole, charbon, gaz : quelle a été la politique d’Emmanuel Macron ?
- Des mesures fortes ont-elles été prises par Emmanuel Macron face aux plus gros pollueurs ?
- Transports routiers et aériens : quelles avancées, quelles reculades ?
- Quel est le bilan d’Emmanuel Macron sur la transition agricole et alimentaire ?
- Biodiversité : après les annonces d’Emmanuel Macron, quelles avancées concrètes ?
- Quelle a été l’attitude d’Emmanuel Macron vis-à-vis des militants écologistes et lanceurs d’alerte ?
En résumé
- A l’issue du quinquennat d’Emmanuel Macron, la France ne respecte pas ses engagements climatiques. Alors que le Président français se posait en garant du respect de l’Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, il a lui-même piétiné cet accord. Fait historique, l’Etat français a été reconnu coupable par la justice de « préjudice écologique », causé par le non-respect de ses engagements.
- Emmanuel Macron n’a pas respecté sa promesse de fermer la totalité des centrales à charbon avant la fin de son mandat. Par ailleurs, il a noué des alliances toxiques avec des Etats soutenant le recours au gaz fossile, une énergie pourtant fortement émettrice de gaz à effet de serre.
- Plusieurs dizaines de milliards d’euros d’argent public français ont été accordées aux énergies fossiles (pétrole et gaz). La France fait partie de la quinzaine de pays européens qui subventionnent davantage les énergies fossiles que les énergies renouvelables ! Et elle est le seul Etat européen à ne pas avoir rempli ses objectifs de développement des énergies renouvelables.
- Les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports ont quasiment stagné durant le quinquennat d’Emmanuel, alors qu’il y a urgence à les réduire drastiquement. Les rares mesures prises et les reculades dans ce domaine font perdre un temps précieux pour le climat.
- Côté transition agricole, outre la promesse non tenue de sortie du glyphosate et le recul sur les dérogations accordées aux néonicotinoïdes, des pesticides tueurs d’abeilles, Emmanuel Macron a continué à défendre un modèle productiviste et agro-industriel polluant. Résultat : les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur (2e plus gros émetteur en France) ont elles aussi stagné.
- Les grands discours d’Emmanuel Macron sur la biodiversité ont été très peu suivis d’actes concrets, que ce soit sur les océans ou la déforestation en Amérique du Sud liée par exemple à nos importations de soja pour nourrir nos élevages industriels.
- Ce quinquennat aura été également marqué par une répression d’une ampleur inédite à l’encontre des mouvements écologistes, dénoncée par les organisations de défense des droits humains
Avec Emmanuel Macron, la France a-t-elle respecté ses engagements pour le climat ?
« Je réaffirme clairement que l’Accord de Paris reste irréversible et qu’il sera appliqué pas seulement par la France, mais par toutes les autres nations ». Cet engagement solennel, Emmanuel Macron l’a prononcé moins de deux mois après avoir été élu, le 1er juin 2017, dans une vidéo en anglais diffusée sur Youtube. Le président français interpellait directement Donald Trump, qui venait d’annoncer le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris. Il s’opposait frontalement au « Make America Great Again » du président américain en clamant son fameux « Make Our Planet Great Again ». Cinq ans plus tard, qu’en reste-il ? Pas grand chose.
DES OBJECTIFS CLIMATIQUES REVUS À LA BAISSE, AU LIEU D’ÊTRE REHAUSSÉS
Au lieu d’accélérer ses efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, Emmanuel Macron et le gouvernement ont jugé préférable de baisser leurs objectifs ! L’exécutif a ainsi choisi d’autoriser la France à émettre plus de gaz à effet de serre que prévu pour la période 2019-2023. Emmanuel Macron est ainsi allé à l’encontre des recommandations du Haut Conseil pour le Climat. Il a surtout délibérément choisi de remettre à plus tard des décisions pourtant urgentes, quitte à rendre beaucoup plus difficiles les efforts à fournir dans les années qui viennent. La France n’est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre son objectif de -40% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030… alors même que cet objectif est bien plus modeste que celui aujourd’hui fixé par l’Union européenne de -55%.
En savoir plus : FEUILLE DE ROUTE CLIMAT : LA FRANCE ABAISSE SES AMBITIONS SUR LES ÉMISSIONS DE CO2 (NOVETHIC, 21 JANVIER 2020)
Pétrole, charbon, gaz : quelle a été la politique d’Emmanuel Macron ?
« Il faut nous désintoxiquer des énergies fossiles », affirmait le chef d’Etat français en 2018 au moment de présenter les grands axes de sa politique énergétique. Il aura pourtant mené une politique inverse, continuant à subventionner les compagnies pétrolières et gazières.
LA FRANCE EST LE SEUL PAYS EUROPÉEN À NE PAS RESPECTER SES OBJECTIFS D’ÉNERGIES RENOUVELABLES
Sur les 27 Etats membres de l’Union européenne, la France est le seul et unique pays à ne pas respecter ses objectifs de développement des énergies renouvelables. Un engagement européen et plusieurs promesses électorales ont ainsi été non tenues : Emmanuel Macron s’engageait à respecter l’objectif fixé par la loi en 2015 de réduire la part du nucléaire dans l’électricité à 50 % en développant massivement les renouvelables pour en porter la part à 50 %. Aujourd’hui, face à un parc nucléaire vétuste et défaillant, faute d’avoir développé massivement les énergies renouvelables (solaire, éolienne…) pour prendre le relais et surtout en l’absence de toute politique sérieuse d’économie d’énergie et de lutte contre le gaspillage, la France doit encore faire tourner ses dernières centrales à charbon. Une catastrophe pour le climat.
En savoir plus : LA FRANCE, SEUL PAYS D’EUROPE À NE PAS AVOIR ATTEINT SES OBJECTIFS D’ÉNERGIES
Des mesures fortes ont-elles été prises par Emmanuel Macron face aux plus gros pollueurs ?
Durant son mandat, Emmanuel Macron a écarté méthodiquement des mesures qui auraient permis d’encadrer et limiter les activités d’industries néfastes pour le climat. En parallèle, des dizaines de milliards d’euros d’argent public sont allés dans les poches de ces mêmes industries.
DES DIZAINES DE MILLIARDS D’EUROS VERSÉES AUX INDUSTRIES POLLUANTES SANS CONTREPARTIE
Contrairement aux belles promesses d’Emmanuel Macron, la politique qu’il a menée durant cinq ans a conduit à massivement soutenir les énergies fossiles, fortement émettrices de gaz à effet de serre. Selon la Cour des comptes européenne, la France fait partie des quinze derniers pays européens qui subventionnent davantage les énergies fossiles que les renouvelables ! Entre les exonérations, taux de taxe réduits, garanties à l’export et investissements, le Réseau Action Climat (RAC) a chiffré le montant que la France a offert aux énergies fossiles à au moins 11 milliards d’euros en 2019. Et cela s’est aggravé encore au fil des ans : toujours selon une estimation du RAC, les dépenses publiques néfastes au climat et à l’environnement pour l’année 2022 devraient atteindre au moins 25 milliards d’euros. Cela sans même prendre en compte les milliards d’euros d’aides accordés à des entreprises polluantes (dont le secteur aérien) pendant la crise Covid sans contreparties environnementales et sociales solides.
En savoir plus : 25 milliards d’euros de dépenses néfastes pour l’environnement (RAC, 21 octobre 2021)
Transports routiers et aériens : quelles avancées, quelles reculades ?
Le secteur des transports reste le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Un retard considérable a été pris dans ce domaine sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Hors crise sanitaire, les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports ont quasiment stagné, alors qu’elles auraient dû baisser drastiquement. Les mesures mises en place ont été très insuffisantes, voire ont contribué à aggraver le changement climatique.
LE GOUVERNEMENT SUBVENTIONNE MASSIVEMENT LE SECTEUR AÉRIEN… ET PAS ASSEZ LE FERROVIAIRE
Entre 2016 et 2019, les émissions du transport aérien intérieur en France ont augmenté de
12,8 % et le transport aérien international suit la même tendance ! Seule la pandémie aura changé la donne, de façon conjoncturelle. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic aérien pourrait encore doubler d’ici 2037.Dans ce contexte, l’obsession d’Emmanuel Macron et de son gouvernement a été de renouer avec le niveau et la croissance du trafic aérien pré-Covid, qui sont pourtant intenables d’un point de vue climatique. Au cœur de la crise Covid, pas moins de 17 milliards d’euros ont été versés en soutien au secteur aérien sans contrepartie environnementale ou sociale solide ! Aucune mesure structurante n’a été prise pour réguler et réduire le trafic aérien et ses émissions de gaz à effet de serre, l’exécutif préférant se cacher derrière la promesse d’un avion vert hypothétique et lointain et dont on sait qu’il ne suffira pas dans tous les cas à remettre le secteur aérien sur les rails de l’Accord de Paris.
Parallèlement, le gouvernement annonçait en septembre 2020, dans le cadre du plan « France Relance », vouloir investir dans le train, en débloquant 4,7 milliards d’euros… Une somme qui a essentiellement servi à amortir l’impact économique de la crise sanitaire et à réaliser des travaux déjà programmés, seuls 650 millions d’euros ayant permis de nouveaux investissements.
En savoir plus : CLIMAT : VERDIR LES AVIONS NE SUFFIRA PAS (BRIEF DE GREENPEACE FRANCE, 2021)
LA FRANCE FAVORISE LES INTÉRÊTS DU LOBBY AUTOMOBILE
Quel est le bilan d’Emmanuel Macron sur la transition agricole et alimentaire ?
Dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation, la politique d’Emmanuel Macron et de sa majorité s’est surtout illustrée par sa grande proximité avec les lobbies. Concrètement, un bon nombre de décisions ou de postures, notamment au niveau européen, n’ont pas permis de répondre à la crise climatique et à celle de la biodiversité, voire les ont aggravées. C’est le modèle agro-industriel, pourtant néfaste sur les plans sociaux, économiques, sanitaires et environnementaux, qui a clairement été privilégié lors de ces cinq années.
UNE SORTIE DES PESTICIDES QUI SE FAIT ATTENDRE
Emmanuel Macron s’est engagé à sortir progressivement des pesticides, en commençant par l’élimination des plus dangereux pour la santé et pour la biodiversité. La France est pourtant loin du compte : si la vente des pesticides a bien diminué de 20 % en 2020 par rapport à la moyenne 2012-2017, le total des volumes vendus cette année-là représente +23% par rapport à 2019. Les ventes de glyphosate en particulier ont fortement augmenté en 2020 par rapport à 2019 (+43%) et sont en très légère baisse entre 2017 et 2020 (-2%) malgré l’annonce du Président d’en supprimer l’usage : un « échec » , reconnaîtra-t-il lui-même en 2021. Emmanuel Macron changera également de posture en ce qui concerne les néonicotinoïdes : alors qu’une interdiction devant prendre effet en 2020 avait été votée en 2016 sous l’impulsion de Barbara Pompili, alors députée, le gouvernement revint en arrière en 2020 avec l’obtention de dérogations pour préserver la filière sucrière.
Biodiversité : après les annonces d’Emmanuel Macron, quelles avancées concrètes ?
Comme dans d’autres domaines, Emmanuel Macron a utilisé plusieurs événements internationaux pour se poser en champion de la biodiversité. Mais là aussi, la politique que le président français a menée s’est révélée très insuffisante, voire néfaste, que ce soit pour les océans, les forêts ou la biodiversité animale.
LES NÉONICOTINOÏDES RÉINTRODUITS : TANT PIS POUR LES ABEILLES !
Interdits en 2018 avec dérogations possibles jusqu’en 2020, en application d’une loi portée par Barbara Pompili en 2016, sous le quinquennat de François Hollande, les néonicotinoïdes ont obtenu de nouvelles dérogations au cours du mandat d’Emmanuel Macron… avec la même Barbara Pompili, cette fois promue ministre de la Transition écologique ! Si ces pesticides avaient été interdits, c’est qu’il y avait de bonnes raisons : ils ont un impact nocif sur les pollinisateurs, comme les abeilles, et constituent une pollution durable qui se diffuse aussi bien dans l’air, le sol ou l’eau. En autorisant une dérogation permettant à l’industrie de la betterave d’utiliser ces néonicotinoïdes, la majorité LREM a acté un recul majeur, symptomatique de son mépris des enjeux écologiques.
uelle a été l’attitude d’Emmanuel Macron vis-à-vis des militantes et militants écologistes et lanceurs d’alerte ?
DES MARCHES POUR LE CLIMAT DE GRANDE AMPLEUR, SOUS LES GAZ LACRYMOGÈNES
DES NOUVEAUX DÉLITS ET MOYENS DE RÉPRESSION ADOPTÉS EN CATIMINI
Sous ce quinquennat, la majorité présidentielle a fait passer à plusieurs reprises des amendements permettant de réprimer plus fortement les militant·es écologistes, que ce soit par la création de nouveaux délits ou de nouvelles entraves à la liberté d’association. La loi dite « séparatisme » et ses dispositions floues pourraient ainsi avoir un impact sur les associations qui dénoncent, par des actions de désobéissance civile, les atteintes à l’environnement. Dans une autre loi, « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances », c’est un nouveau délit d’intrusion sur des pistes d’aéroport qui a été créé en douce… peu de temps après deux actions de militant·es écologistes dénonçant un projet d’extension d’aéroport et l’absence de mesures pour réduire le trafic aérien, néfaste pour le climat.
En savoir plus : ACTIVISME CLIMAT : UN NOUVEAU PROJET DE LOI POUR RÉPRIMER LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE (GREENPEACE FRANCE, 5 JUILLET 2021)
Pour compléter ce bilan écologique d’Emmanuel Macron, voir également :
- Décryptage des programmes écologiques des candidats et candidates à l’élection présidentielle 2022, par Greenpeace France
- Bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron, par le Réseau Action Climat (2022)
- Ecologie et climat : le bilan catastrophe d’Emmanuel Macron, un premier bilan sans concession par Greenpeace France (2021)
- Loi climat, loi blabla, analyse de la loi Climat et Résilience par Greenpeace France (2021)
- Prix des Boulets du Climat : Emmanuel Macron, prix spécial du jury 2020
- Climat : cinq ans pour sauver notre humanité – Ce que la France doit faire, livre de Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France (Editions Tallandier)
Pour s’informer, agir et faire parler du climat pendant la campagne présidentielle :
*Lire le dossier complet sur: https://www.greenpeace.fr/ecologie-climat-bilan-emmanuel-macron/