Le RN obtient des postes sensibles

Le RN intègre la commission de la défense de l’Assemblée nationale et la délégation parlementaire au renseignement

Pour la première fois depuis sa création, le parti d’extrême droite a obtenu un siège à la délégation au renseignement. Un député du RN a aussi été désigné rapporteur du budget de l’armée de l’air.

Par , Le Monde, Publié le 29 juillet 2022

Paris: Debate in the National Assembly on Purchasing Powe

Les députés Caroline Colombier et José Gonzalez (Rassemblement national) dans l’Hémicycle, lors des discussions sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat, le 20 juillet 2022. JACQUES WITT /SIPA

 

Après plusieurs semaines de tractations, les postes de députés touchant aux questions de défense et de renseignement ont fini par être attribués. Des postes très sensibles pour l’exécutif, depuis que le parti présidentiel a perdu la majorité absolue lors des élections législatives de juin. Le mercato s’est achevé, le 20 juillet, avec l’élection des rapporteurs des budgets de la défense, puis le 28 juillet, avec la désignation des nouveaux membres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR).

 

D’après le règlement de l’Assemblée nationale, la composition du bureau de chaque commission permanente doit en principe « s’efforcer » de reproduire la configuration politique générale et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. L’interprétation de ce règlement étant souple, la majorité présidentielle a savamment œuvré pour n’avoir à concéder à l’opposition que quelques-uns de ces postes très recherchés des parlementaires.

La principale surprise est venue de la DPR, qui exerce le contrôle de l’action du gouvernement en matière de renseignement. Les parlementaires en faisant partie doivent être habilités au secret. Or, pour la première fois depuis la création de la DPR en 2007, le Rassemblement national (RN) y a fait son entrée. C’est la députée de Charente Caroline Colombier qui a été désignée par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour occuper le seul poste de l’opposition au sein de la DPR parmi les députés.

Des postes plus importants que d’ordinaire

Composée au total de huit membres, dont la moitié de droit (les présidents des commissions des lois et de la défense), la DPR avait, jusqu’en juin, trois sièges dévolus à des députés de la majorité et un à l’opposition – le député des Républicains (LR) Claude de Ganay, battu dès le premier tour des législatives. Chez les sénateurs, trois membres de la DPR sont issus de LR et un du Parti socialiste (PS). Au vu des résultats du scrutin, attribuer un deuxième siège à un parti de l’opposition faisait donc partie des options. La France insoumise (LFI) s’est positionnée. Mais la majorité a préféré esquiver en restant sur un format de représentativité minimale.

En raison de positions très à rebours de la majorité présidentielle sur les sujets régaliens, les députés LFI ont aussi soigneusement été contournés pour les postes-clés de la commission de la défense. Le député « insoumis » Bastien Lachaud, bon connaisseur de ces sujets, était candidat à un des quatre postes de vice-président. Mais il a raté de peu la marche à la suite de la candidature surprise de la socialiste Isabelle Santiago, élue sur le fil par ses pairs. Les autres vice-présidents sont issus du MoDem, d’Horizons et des Républicains.

Renaissance, le parti macroniste, a aussi réussi à garder dans sa besace trois des huit postes de rapporteur du budget des armées, contre cinq auparavant. Des postes devenus encore plus importants que d’ordinaire avec la guerre en Ukraine. Le siège-clé de rapporteur du programme 146, consacré à « l’équipement des forces », a ainsi été attribué au député Mounir Belhamiti (Loire-Atlantique). Le budget de l’armée de terre est allé à François Cormier-Bouligeon (Cher), tandis que le budget de la marine – qui intègre tout un pan de la dissuasion et que la majorité ne voulait pas lâcher – est allé à Yannick Chenevard (Var).

Les autres postes de rapporteur décisifs sont allés à des mouvements proches de la majorité. Le très stratégique programme 144, qui comporte notamment une partie des crédits du renseignement, des études sur les grands programmes d’armement et de l’innovation, a été attribué au député Horizons Jean-Charles Larsonneur (Finistère), diplomate de métier. La gendarmerie est quant à elle revenue au député MoDem Jean-Pierre Cubertafon (Dordogne).

Pas de « démarche d’ostracisation »

Une nouvelle fois, le RN a tiré son épingle du jeu en se voyant octroyer le budget de l’armée de l’air, par le biais du député Frank Giletti (Var). Ce dernier est un des artisans du volet défense du programme de Marine Le Pen, lors de la dernière campagne présidentielle, et par ailleurs officier de réserve dans la marine. « C’est un bon signal qui prouve notre sérieux depuis le début. Le rapport de force s’installe. Ils ne peuvent plus faire comme si nous n’existions pas », estime la porte-parole du groupe RN à l’Assemblée, la députée Laure Lavalette.

Bastien Lachaud (LFI) a fini, lui, par obtenir le rapport sur le programme 212, qui concerne notamment toutes les dépenses liées au soutien et aux personnels des armées. « Ils [Renaissance et l’exécutif] ont la volonté de tout accaparer. On sent bien qu’il y a la volonté de continuer comme avant. Une nouvelle loi de programmation militaire est annoncée pour début 2023 mais ce sont des délais très courts pour engager un débat », considère M. Lachaud.

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« Il n’y a pas eu de démarche d’ostracisation. Les choses se sont faites en bonne intelligence dans le cadre d’accords globaux », assure pour sa part Thomas Gassilloud, nouveau président de la commission de la défense. Très investi dans son nouveau rôle en dépit des équilibres politiques acrobatiques, le député (Renaissance) du Rhône espère muscler l’influence des parlementaires dans l’élaboration de la politique de défense, notamment dans le cadre de la redéfinition des partenariats militaires de la France en Afrique, dans la zone OTAN, ou encore en Indo-Pacifique.

Le poste de coordonnateur national du renseignement toujours vacant

Depuis le départ de Laurent Nunez pour la préfecture de police, le 21 juillet, le poste de coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) qu’il occupait depuis 2020 à l’Elysée, est toujours vacant. Plusieurs noms circulent, dont celui de diplomates, pour reprendre ce poste stratégique exclusivement occupé par des hommes principalement issus du corps des préfets depuis sa création. La question du profil du futur CNRLT – poste initialement conçu pour renforcer le pilotage de la lutte contre le terrorisme – se pose, alors que la guerre en Ukraine bouleverse l’approche sur nombre de dossiers régaliens.