Viktor Orban à l’ombre du coronavirus
Il est une opportunité pour les autocrates au sein même de l’Europe des maintenant des 26, mettant à bas les soi-disant valeurs fondamentales de l’Europe. Et la réaction des institutions européennes est bien pâlichonne (voir dans l’article ci-dessous), pas à la hauteur du défi. Finalement, l’extrême droite, ses idées et sa politique migratoire se banalisent, nous ne sommes même plus choqué-es. Des chaînes d’infos en continue se disputent même leurs représentants, leur offrant ainsi une couverture médiatique inespérée, bien plus efficace et moins fastidieuse qu’une campagne par voir d’affiches. Si les chaines d’infos en continue ont finalement un faible audimat, – qui prend des couleurs en temps de crise – des extraits d’interview, ou la petite phrase sera reprise par toutes les rédactions, et quel que soit le support.
Ainsi, ces messieurs et ces dames de la mouvance brune et nauséabonde s’installent durablement dans le paysage politique; des responsables politiques comme tout le monde, des idées contre lesquelles on a le droit de ne pas être d’accord, des idées comme toutes et tous en ont. Pourquoi ne pas les adopter? Dans l’Europe de fin août 39, que restait-il des démocraties? La Pologne? Aux mains d’un Colonel autocrate, accessoirement alcoolique qui avait réduit le parlement à un rôle de représentation et une chambre d’enregistrement. La Yougoslavie? Après une brève ouverture parlementaire, son monarque rétablira un régime centralisé qu’il tiendra d’une main de fer. Etc….
Les champions désignés comme ennemis de la démocratie ne sont pas les seuls à profiter de l’ouverture qu’offre la pandémie pour remiser des pans entiers de ce qui fait une démocratie. Certains ont déjà le tempérament pour, et les institutions avec le passage de la mandature à 5 ans et la sacralisation du rôle du Président dans ce nouveau paysage politique français favorise le phénomène. Le Prince a dit, et …. Le Coronavirus méritait des mesures d’urgence, on nous parle d’union sacrée, oui d’accord, alors toutes et tous citoyens devront être associés dans la prise de décision – ce n’est pas une mission impossible. Une fois encore, la démocratie s’en prend un gros coup sur le nez, et nombre de commentateurs de la vie politique sur leur intelligence et leur esprit critique dont ils se targuent comme un hymen intacte . Provisoire, répondent l’exécutif et ses soutiens. L’orchestre médiatique répond en écho; ce sont des amis qui sont à la baguette et donnent le la, majeur.
Nous avons vu ce qu’il en est avec la normalisation de certaines directives de l’Etat d’urgence instauré face à la menace terroriste, et leur traduction législative. Plus d’arbitraire, et une grande nouveauté dans un Etat de droit: on peut juger sur l’intentionnalité supposée! Combien de gilets jaunes ont-ils été condamnés à l’aulne de ces nouvelles dispositions… Sont encore à jour en maison d’arrêt, qui vu les conditions dans lesquels ils y sont entassés pourraient bien être leur dernière maison, avant une expresse incinération. Stéphane s’y trouve à 29 ans, le rebelle s’en était pris à un véhicule de chantier appartenant à une grosse multinationale qui dicte des pans entiers de la politique à mener: autoroutes, aéroports, TGV à péage, etc… Elle a les armes de ses ambitions. Autre entorse à la démocratie; si courante dans les régimes autocrates.
Et déjà, le droit du travail, déjà bien mal en point ces dernières années, sous les agissements en coulisse de Pénicaud, a reçu de grands coups de ciseaux! L’employé-e est à la disposition de son employeur, point barre. Au boulot le dimanche, des semaines de 60h, en attendant mieux, et vive l’égalité:*! travail de nuit des femmes,etc… Tu bosses, tu auras le droit de te déplacer, d’aller au supermarché le jour de ton congé, le reste tu le passes ou dans ton entreprise, ou dans le dortoir de ta cité. Et vive la Liberté!
Ac
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Editorial. Si certains membres de l’UE ont pris des dispositions institutionnelles d’urgence pour faire face à la pandémie, le premier ministre hongrois va beaucoup plus loin en obtenant des pouvoirs pour une durée indéterminée.
Editorial du « Monde ». La tentation est trop forte. Pour les autocrates, les situations exceptionnelles, lorsque l’incertitude règne et que la population s’angoisse, sont propices au renforcement de leur contrôle. Le président chinois, Xi Jinping, a profité de la lutte contre le coronavirus pour étendre les systèmes de surveillance de masse ; la Russie de Vladimir Poutine, avec quelques semaines de retard, semble vouloir emprunter le même chemin. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, lui, a choisi une autre stratégie : lundi 30 mars, il a obtenu le feu vert du Parlement, où il détient une large majorité, pour légiférer par décret en vertu de l’état d’urgence, pour une durée indéterminée.
Viktor Orban peut, à juste titre, rétorquer que la Hongrie n’est pas le seul pays à avoir pris des dispositions institutionnelles d’urgence face à la crise sanitaire provoquée par la pandémie. Mais les autres ont posé des limites dans le temps à ces mesures ; en France, l’état d’urgence sanitaire permet au gouvernement de légiférer par ordonnances pendant deux mois.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a jugé utile de rappeler, mardi, que les mesures d’urgence prises par les Etats membres dans le cadre de la lutte contre la pandémie « doivent être limitées à ce qui est nécessaire » et être « strictement proportionnées ». Ces mesures, a-t-elle précisé, « ne doivent pas durer indéfiniment ».
Une communauté de valeurs
Mme von der Leyen a également appelé au « respect de la liberté d’expression » et a souligné que « la démocratie ne peut pas fonctionner sans des médias libres et indépendants ». Une disposition du texte adopté lundi à Budapest, où les médias publics sont étroitement contrôlés, inquiète particulièrement les journalistes indépendants, souvent accusés de diffuser des « fake news » : elle rend passible de cinq ans d’emprisonnement la « propagation de mensonges ou de vérités déformées » sur la pandémie. La Russie a adopté, mardi, une disposition similaire.
Le gouvernement hongrois a rejeté les critiques, à l’intérieur et à l’extérieur, et a assuré que les mesures exceptionnelles prendraient fin lorsque la pandémie serait maîtrisée – mardi, la Hongrie avait enregistré 447 cas de Covid-19 et 15 morts. Le meilleur moyen de parer aux critiques aurait été de fixer, comme les autres pays européens, une limite dans le temps à ces mesures, renouvelables par le Parlement en fonction de l’évolution de la situation.
A la différence de la Chine et de la Russie, la Hongrie est membre de l’Union européenne. Elle a rejoint librement, en 2004, une communauté d’Etats qui se veut bien plus qu’un marché unique et une machine à dispenser des fonds structurels ; c’est aussi une communauté de valeurs, dans le respect de l’Etat de droit et des libertés.
M. Orban ne serait pas soupçonné de vouloir accroître son pouvoir personnel s’il ne s’était lui-même proclamé chantre de la « démocratie illibérale » et s’il n’avait, depuis dix ans, régulièrement défié l’Etat de droit et réduit le champ de la liberté d’expression. Le rappel à l’ordre de la Commission européenne est le bienvenu. Il ne suffira pas.
L’Union européenne a actuellement d’autres urgences, mais la question de la protection que procure à M. Orban le maintien de son parti, le Fidesz, au sein du groupe parlementaire européen de centre droit, aux côtés de la CDU d’Angela Merkel et du parti français Les Républicains, doit se poser une fois pour toutes. Il n’a été que suspendu. La démocratie, elle, ne peut pas être suspendue par le coronavirus.