L’antifascisme cherche sa voie face aux éclats de l’extrême droite
Éric Zemmour et Marine Le Pen en campagne présidentielle d’un côté, des groupuscules d’extrême droite dans la rue et sur les réseaux sociaux de l’autre. En face, les militants antifascistes cherchent des pratiques nouvelles, malgré le poids de leurs vieilles querelles.
Mathilde Goanec, Médiapart, 24 janvier 2022
Mi-janvier, environ 200 militants d’ultradroite, dont certains arboraient des signes nazis, ont défilé dans les rues de Paris, en marge d’une manifestation anti-passe sanitaire. Début décembre 2021, le condamné pour haine raciale Éric Zemmour organisait en Île-de-France un grand rassemblement dans lequel des militant·es antiracistes se sont fait cogner et expulser. Au-delà des bastions traditionnels de l’extrême droite militante que peuvent être les villes de Strasbourg, Nice ou Lyon, des groupes néofascistes s’affichent sans vergogne dans des villes jusque-là épargnées, comme Grenoble ou Besançon (lire le décompte précis établi par le site Rapports de force d’un an de violences d’extrême-droite ici).
Enfin, et ce n’est pas le moindre des symptômes, au moins deux personnalités politiques, Éric Zemmour et Marine Le Pen, sont considérées comme des candidat·es crédibles dans la course à la présidentielle, malgré leurs affiliations historiques ou programmatiques à l’extrême droite
Manifestation antifasciste et antiraciste contre les violences d’État, le samedi 27 novembre 2021. © Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP (photo en HTLM n’a pu être reproduite)
La bataille sémantique peut continuer à faire rage, la menace fasciste est réelle. Sur le terrain, les militant·es antifascistes répondent politiquement, rendent les coups parfois, contribuent par un travail patient à établir la cartographie mouvante et sans cesse renouvelée de l’ultradroite.
De quoi relativiser largement l’assertion provocatrice de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, sur France Info récemment, qui considérait qu’« il y a une sorte de complaisance pour l’extrême droite dans notre pays et [qu’]il n’y a manifestement plus que le gouvernement pour dénoncer les petits pas de la bête immonde ».
Bien au contraire, les militant·es antifascistes s’y attellent sans relâche, dans un climat de répression et de criminalisation qui constitue le premier de leurs handicaps. Pressé par les services de renseignement qui alertent sur la dangerosité de l’extrême droite, le gouvernement s’est finalement réveillé et a commencé à réagir en annonçant la dissolution des groupuscules Génération identitaire en 2021 et des Zouaves en janvier 2022.
Mais le deux poids deux mesures reste souvent stupéfiant, comme à l’occasion du procès des sept antifas de Lyon, poursuivis par le parquet après une bagarre contre des militants du groupe intégriste Civitas, alors qu’aucune plainte n’avait été déposée.
Au-delà des pressions exogènes, le milieu antifasciste n’est pas non plus totalement délesté de ses vieilles querelles. La division des forces s’est d’ailleurs étalée au grand jour à l’occasion du rassemblement organisé par Éric Zemmour le 5 décembre à Villepinte, à quelques kilomètres de Paris. Faute d’accord tactique, quelques poignées de militant·es antifascistes se sont fait cueillir par la police aux portes du parc d’exposition, dans l’indifférence générale et sans incidence sur le déroulé du meeting. Dans la capitale, un cortège trop maigre pour être significatif défilait contre un candidat déjà loin des faubourgs parisiens.
Le clivage le plus visible et commenté se joue entre les deux organisations de l’antifascisme dit « spécifique » qui tirent leur épingle du jeu ces dernières années.
D’abord l’Action antifasciste Paris-banlieue (AFA), née il y a une quinzaine d’années, notamment autour de la suppression des tribunes ultras dans les stades de foot franciliens. Relativement autonome du reste du mouvement social, assez proche initialement de la mouvance libertaire et anarchiste, l’AFA entretient des liens étroits avec une dizaine d’autres groupes antifas à Toulouse, Lille, Nantes ou encore Grenoble. Elle reste profondément marquée par le décès d’un de ses militants parisiens, Clément Méric, assassiné par des skinheads en 2013.
La Jeune Garde, autre branche montante de l’antifascisme spécifique, a pris naissance à Lyon en 2018, en réponse à l’implantation de plus en plus manifeste du Bastion social, énième émanation groupusculaire dans la capitale des Gaules de la jeunesse d’extrême droite. Le groupe, qui a désormais des antennes à Paris, Montpellier, Lille ou Strasbourg, assume à la fois une stratégie d’autodéfense et l’alliance affichée avec les organisations syndicales et politiques plus traditionnelles. La Jeune Garde envoie même ses militantes et militants sur les plateaux télé, à rebours d’une tradition de l’antifascisme spécifique qui consiste à vivre caché.
Les divergences ne sont pas que tactiques, elles sont aussi stratégiques. « Nous refusons de nous adonner à une sorte d’antifascisme moral ou républicain », explique Boris, de l’AFA, qui préfère la lutte pied à pied contre les violences policières, le contrôle au faciès, « les relents colonialistes » de l’État français. « Il ne s’agit pas de dire que nous vivons dans un pays fasciste mais d’analyser les choses de manière globale sans se faire prendre au jeu électoral tous les cinq ans. On a vu une loi “séparatisme” votée par des gens qui ne sont pas des zemmouristes, et par les mêmes qui vont se poser demain en barrage à l’extrême droite. »
La Jeune Garde assume, elle, d’entrer dans la campagne présidentielle en concentrant ses forces contre Le Pen et Zemmour. « Évidemment que l’extrême droite influence le champ politique et médiatique, et que cela a une répercussion directe sur les choix du gouvernement, assure Raphaël Arnault, l’un de ses porte-paroles. Mais nous avons un peu de mal avec cette idée que la société se fasciserait. Cela rend les idées floues. C’est peut-être plaisant d’un point de vue universitaire mais d’un point de vue pratique, comment fait-on pour faire plier l’extrême droite ? » Raphaël Arnault cite l’expérience unitaire Ras l’front, réseau associatif français d’extrême gauche créé au début des années 1990 pour lutter contre le Front national et ses idées.
« Ici, les néonazis ont été humiliés, et ils ne se risquent plus en ville. »
Toufik, militant antifasciste à Besançon
Depuis l’éparpillement de Villepinte, les anathèmes ont volé de part et d’autre, souvent par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Mais la « question parisienne », ils en ont « ras la casquette », confie Raphaël Arnault. Car les dernières péripéties dans la capitale ne reflètent pas la diversité des actions des groupes dans le reste du pays. Très régulièrement, ces derniers mois, des militant·es antifascistes ont perturbé les déplacements de Zemmour ou Le Pen, comme à Marseille, Nantes ou Rennes, ou contrecarré les sorties des groupuscules d’extrême droite, telles des fourmis bien décidées à ne pas laisser les cigales chanter impunément leur couplet mortifère.
Toufik milite depuis plusieurs années dans un groupe affinitaire antifasciste d’une trentaine de personnes, de tendance plutôt libertaire, à Besançon. Porté par la tradition politique locale, au sein de laquelle l’anarchisme a longtemps eu de l’influence, l’antifascisme est dans cette ville presque viscéral. « Le nettoyage des rues, par exemple – ne pas laisser un autocollant ou une affiche de l’extrême droite sur nos murs –, se fait de manière très spontanée par les habitants eux-mêmes. On n’a pas besoin de s’y atteler spécifiquement », relate Toufik.
L’activisme antifasciste, plutôt en sommeil ces dernières années, s’est tout de même réactivé en même temps que l’extrême droite se restructurait en Bourgogne-Franche-Comté, mais avec les codes du climat local. Lors d’une manifestation anti-passe sanitaire, en août 2021, un groupe de néonazis s’est fait chasser du cortège sous les huées, et sans recours à la violence.
« À Besançon, nous pensons qu’on n’a pas besoin d’une équipe de gros bras. Il faut conscientiser les gens pour que le cortège les dégage de lui-même, décrit Toufik. Ici, les néonazis ont été humiliés, et ils ne se risquent plus en ville. Mais je ne vais pas juger les camarades qui militent dans un tout autre contexte. Quant à Lyon, par exemple, au bout de trois, quatre agressions fascistes, on considère toujours ça comme des bagarres d’alcooliques, je comprends que tu puisses en avoir ras-le-bol. »
Et si l’on y regarde de plus près, la question de l’autodéfense et de l’antifascisme de rue, spécifiques à ces formations, peut même être réexaminée par d’autres collectifs jusqu’ici plutôt éloignés des groupes d’extrême droite les plus virulents. Hugo Reis, membre d’un collectif antifasciste à Orléans, et militant chez Sud PTT, en sait quelque chose : « Pendant les manifs anti-passe à l’été 2021, on a vu dès le départ l’Action française se pointer, sans se cacher. La CGT a refusé de les mettre physiquement dehors, par une vraie méconnaissance des militants locaux de ces enjeux et parce qu’il n’y a pas chez nous la tradition de l’affrontement. C’est là que nous avons un rôle à jouer. »
Le contexte joue à plein, rappelle également Guillaume Goutte, membre de l’union départementale CGT à Paris et animateur du collectif de lutte contre l’extrême droite du syndicat à Paris. « On doit affronter l’extrême droite quand elle est sur notre chemin mais pas n’importe comment : on ne va pas à la baston quand on a des organisations de sans-papiers dans le cortège, par exemple [pour éviter de susciter une intervention policière – ndlr]… Cela ne veut pas dire ne faire que le choix de rassemblements larges et bon enfant. »
« La question posée aujourd’hui au mouvement antifasciste réside donc plutôt dans sa capacité à muscler ses troupes et à faire alliance, plutôt qu’à arbitrer l’insondable problématique de la pluralité des tactiques.
Le cortège de tête était l’endroit le plus joyeux du monde. »
Andréa, un militant de l’AFA
Beaucoup de commentateurs, constatant une fébrilité militante dans la rue et sur les réseaux sociaux, font le constat doute un peu rapide qu’un renouveau de l’antifascisme, séduisant les jeunes, est à l’œuvre. Ce que Marco*, membre de l’AFA, tempère. « Souvent, les journalistes et les chercheurs se rendent compte des trucs après qu’ils ont eu lieu… » Pour lui, le renouveau générationnel était surtout vrai entre 2014 et 2018, avec l’émergence du Mili (Mouvement inter lycées indépendant, anticapitaliste et antifasciste), les pratiques portées par les « appellistes », ces militant·es inspiré·es par l’approche défendue par le Comité invisible et notamment Julien Coupat, et l’importance prise par le cortège de tête dans les manifestations sociales.
« C’était aussi le retour d’un syndicalisme de combat, raconte encore Andréa*, croisé à l’occasion du meeting de Zemmour à Villepinte. Il y a eu un renouveau générationnel et esthétique. Avec les slogans empruntés aux rappeurs PNL, Booba, SCH, le cortège de tête était l’endroit le plus joyeux du monde. »
En approchant, et même en infusant parfois le mouvement des « gilets jaunes », les jeunes antifascistes ont également fini par retrouver une place qu’ils avaient un peu perdue auprès des organisations traditionnelles, elles-mêmes traumatisées par les attaques à répétition de leurs cortèges.
« Nous ne sommes pas des millions aujourd’hui, ni dans un état flambant, poursuit Marco, mais avant, on ne parlait des antifas que pour dire qu’on brûlait des voitures de flics… Les organisations plus classiques se sont recentrées sur ces questions, oui, et on s’est remis à se parler. »
D’autant plus qu’historiquement, les militant·es antifascistes naviguent entre plusieurs organisations, membres de groupe affinitaires d’un côté, et de syndicats de l’autre, tel Clément Méric, adhérent de Solidaires, qui organise conjointement avec l’AFA un défilé commémoratif chaque année depuis sa mort.
Pour arrêter les grandes forces d’extrême droite, un grand mouvement social est nécessaire.
Mark Bray, spécialiste des mouvements antifas en Europe
C’est la ligne défendue publiquement par la Jeune Garde, qui a entamé un rapprochement remarqué avec la CGT ces derniers mois, la qualifiant même de « première organisation antifasciste de France », un discours qui rompt pour le coup nettement avec la méfiance qui prévalait ces dernières années.
« Les groupes antifas spécifiques sont très soudés, avec des marqueurs identitaires qui concourent à la formation de groupes homogènes qui peuvent laisser penser à ceux qui regardent ça de loin que cette lutte n’est pas pour eux, explique Guillaume Goutte. Moi, je crois que les deux peuvent cohabiter, et c’est le travail engagé avec la Jeune Garde Paris, une synergie entre un groupe antifa spécifique et la force de frappe de la CGT. »
Bien au-delà du seul cas français, le jeu n’est pas sans risques pour les organisations antifascistes, rappelle Mark Bray, chercheur américain spécialiste du sujet à l’échelle européenne, car parfois « des entités dominantes sont amicales avec les groupes militants quand cela leur convient, avant de leur tourner le dos quand cela ne leur convient pas ». Mais l’historien constate qu’il est souvent « utile de catalyser l’antifascisme » dans la société : « Pour arrêter les grandes forces d’extrême droite, un grand mouvement social est nécessaire. Mais cela ne signifie pas toujours qu’un tel mouvement social doit sortir d’organisations “officielles”. »
Le 12 juin 2021, une première manifestation nationale a eu lieu contre l’extrême droite, ainsi que le 27 novembre, à Paris.
« Dans un champ politique aux appétits aiguisés par l’approche de la présidentielle, par rapport au secteur de l’antifascisme spécifique parfois divisé mais aussi modeste, c’est aux organisations syndicales de prendre leurs responsabilisés, insiste Théo Roumier, militant de Sud éducation, lui aussi très engagé sur ces questions. Y compris pour avoir un antifascisme de classe et d’appui pour les campagnes qu’on mène actuellement. Et qui reste un bon moyen pour mettre l’extrême droite en difficulté sur les questions sociales. »
Au-delà de la seule Jeune Garde parisienne, il y a donc désormais consensus sur le fait d’intervenir et si possible conjointement dans la séquence présidentielle, par des collages communs, des journées d’études, des mobilisations préparées ensemble, les différentes mouvances de l’antifascisme naviguant au gré des cadres unitaires, et des lieux. Le 12 juin 2021, une première manifestation nationale a eu lieu contre l’extrême droite, ainsi que le 27 novembre, à Paris.
Avec le soutien de partis politiques comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), confirme Philippe Poutou. « Il y a urgence à une mobilisation unitaire large et spécifique de l’ensemble de la gauche, ça peut changer l’ambiance de la campagne, assure-t-il. Cela serait aussi une sacrée occasion de se poser les problèmes entre nous. Pour le moment, personne ne dit non, mais on n’a pas vraiment de répondant des états-majors dans les autres partis. »
Anasse Kazib, du parti Révolution permanente, également candidat à la présidentielle, rejoint Poutou sur la nécessité de ne pas résumer cette lutte à celle de groupe antifas mais « d’impliquer l’ensemble du mouvement ouvrier ».
Une mobilisation pourrait avoir lieu, en février, autour des organisations réunies l’an dernier par La Marche des solidarités avec les sans-papiers, une seconde en mars. Tardivement, donc, tandis que les candidat·es d’extrême droite galopent à fond de train, et que le débat se polarise entre un Emmanuel Macron peut-être candidat et une Valérie Pécresse à droite toute. « Notre difficulté à construire des cadres unitaires, ce sont aussi des débats de ligne pas réglés, constate Marco, de l’AFA. Par exemple, la notion d’islamophobie n’est pas encore acquise et ce sont des points bloquants. Sans compter que l’enchaînement des défaites à gauche et le rétrécissement de chaque organisation conduisent à des pratiques sectaires et opportunistes. »
« Sur la difficulté de la gauche à traiter de l’antisémitisme, qui m’a toujours fait peur, je crois que ça bouge enfin. »
Guillaume Goutte, de la CGT Paris
Inclure fermement la lutte contre l’antisémitisme dans le cahier des revendications de l’arc antiraciste ne va pas non plus de soi, provoquant des crispations plus souterraines encore. Pourtant, en février 2021, une coordination historique, soutenue par de nombreux syndicats et une bonne partie de la gauche sociale et politique, a pris part à la commémoration autour de l’assassinat d’Ilan Halimi, portée par le RAAR (Réseau d’action contre l’antisémitisme et tous les racismes), jeune organisation créée l’an dernier. Et le 5 décembre, à Paris, le groupe des Juifs et juives révolutionnaires (JJR) était présent dans le cortège antifasciste, certaines de ses militantes et militants participent aux discussions pour les mobilisations des semaines à venir.
« Pendant longtemps, cette lutte avait été mise un peu à l’écart du mouvement antifasciste, mais après l’antisémitisme débridé des manifs anti-passe de l’été dernier, quelque chose a troublé les discours, note Jonas, militant des JJR et l’un des membres fondateurs du RAAR. Il y a davantage de liens, nous sommes invités dans les commissions antiracistes des partis, des syndicats, des grosses associations à gauche. Même si la concurrence entre lutte contre islamophobie et antisémitisme continue parfois de nous pourrir la vie. »
Un travail de rapprochement « salutaire » pour une question « brûlante », juge Guillaume Goutte, de l’UD CGT Paris. « Sur la difficulté de la gauche à traiter de l’antisémitisme, qui m’a toujours fait peur, je crois que ça bouge enfin et nous sommes plusieurs à interpeller là-dessus. On voit encore des camarades syndiqués, de bonne foi, utiliser des imageries comme la pieuvre capitaliste dans des tracts, et ce travail de formation doit faire partie de la lutte antifasciste. »
« L’antifascisme comme l’affaire de bonshommes virils qui vont casser du faf’ après avoir bu un coup […], c’est un peu derrière nous. »
Un syndicaliste parisien
La transformation sociologique des cortèges antifas contribue aussi à faire bouger d’autres démarcations, l’imagerie virile et univoque s’estompant peu à peu. À Besançon, par exemple, le réseau antifasciste est majoritairement féminin. Un syndicaliste parisien, connaisseur des différentes formations, confirme que les lignes de fracture ont bougé, notamment depuis les gilets jaunes. « L’antifascisme comme l’affaire de bonshommes virils qui vont casser du faf’ après avoir bu un coup au Saint-Sauveur [bar parisien connu pour être l’un des QG du mouvement – ndlr], c’est un peu derrière nous. Ce ne sont plus tout à fait les mêmes types de personnes qu’il y a dix ans qui militent aujourd’hui. »
La Jeune Garde déclare ainsi rassembler des membres qui ne sont pas nés dans le berceau du militantisme. « On a de jeunes travailleurs, travailleuses, ce n’est plus l’antifascisme blanc et parfois petit-bourgeois des années 1980 », relate Raphaël Arnault. « Les deux manifestations antifascistes les plus importantes de ces quatre dernières années sont les manifestations antiracistes devant le tribunal de grande instance à Paris en juin 2020 à l’appel du comité Adama, et celle contre l’islamophobie en 2019 : ce n’étaient pas des manifestations contre Le Pen ou Zemmour », le rejoint sur ce point Andréa.
Son camarade Marco, chargé de faire le pont avec le reste de l’arc militant, souligne également que « l’AFA s’est modifiée au contact des mouvements » comme la lutte contre la loi « travail » en 2016, les gilets jaunes en 2018-2019, les mobilisations antiracistes des deux dernières années. « Pendant le confinement, nous avons aussi organisé les brigades de solidarité dans les quartiers, ce qui veut dire ne plus être seulement mouvementiste mais s’interroger sur l’antifascisme au quotidien. » Toufik, depuis Besançon, revendique un antifascisme solidement arrimé à la lutte des classes. « Si tu ne parles pas aussi du chômage, des fins de mois, tu laisses bêtement les gens, à chaque élection, se débattre entre la peste et le choléra. » Et prospérer un antifascisme « hors sol », très offensif mais recroquevillé.