voir en ligne : http://www.visa-isa.org/content/la-fsu-engagee-contre-l-extreme-droite-premiers-enseignements-des-experiences-des-municipali
Début juillet, la CGT, la FSU et Solidaires, ainsi que l’UNEF, la FIDL et l’UNL, ont décidé de créer un observatoire national intersyndical des politiques et des pratiques municipales de l’extrême droite. Il doit s’appuyer sur un travail militant local et prolonger la campagne intersyndicale » Unis contre l’extrême droite, ses idées et ses pratiques, Pour le progrès social et l’égalité des droits « , lancée le 29 janvier 2014.
Une situation particulière en PACA
8 des 14 municipalités administrées par l’extrême droite se trouvent en PACA : 5 dans le Vaucluse (1 par le FN : Le Pontet ; 4 par la Ligue du Sud : Bollène, Camaret, Orange, Piolenc) et 3 (administrées par le FN) dans le Var (Cogolin, Fréjus, Le Luc). Il faut ajouter la mairie FN du 7ème secteur de Marseille (13 eme et 14 eme arrondissements, dans les quartiers Nord). C’est pourquoi les militants de la FSU en PACA, sont engagés dans l’effort de vigilance qui s’impose, pour dévoiler la réalité de l’extrême droite, pour lutter contre la diffusion de ses idées et contre son ancrage local. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous voulons insister ici sur de premiers enseignements.
La lutte contre l’extrême droite, un objet syndical
La lutte contre l’extrême droite est un objet syndical, car elle est un ennemi de la démocratie politique comme de la démocratie sociale et, en même temps, une entrave à la mobilisation du salariat. Mobilisation nécessaire pour reprendre la voie du Progrès social, pour sortir d’une désespérance diffuse. Et si l’extrême droite n’est pas responsable de la crise et de l’austérité, elle en fait objectivement le jeu, car elle nie et » stérilise » le Social. La définition, toujours liée à la xénophobie, d’une communauté nationale fondée sur des bases ethno-culturelles et de menaces, extérieures et intérieures, pour cette communauté, est en opposition directe à la vocation et aux valeurs du syndicalisme. En effet, elle vise à diviser les classes moyennes et populaires, au coeur du salariat, en opposant des catégories fantasmées (nationaux et » immigrés « , laborieux méritants et » assistés « , » vrais » et » faux » chômeurs, etc.). En conséquence, elle mène à la négation de la citoyenneté sociale (bénéfice de la protection sociale, accès aux services publics et droit du Travail), qui rassemble tous les travailleurs (quelles que soient leurs situations et qu’ils soient nationaux ou non).
Ainsi l’extrême droite détourne des vrais enjeux, voire de la réalité même de leurs problèmes, les classes moyennes et populaires, en développant (comme toujours dans son histoire) un discours économique et social trompeur et à géométrie variable, en poussant au repli identitaire, en désignant des bouc-émissaires parmi les plus défavorisés (les « immigrés « , les « assistés »…). C’est ce que commencent à confirmer, concrètement, les expériences municipales de l’extrême droite.
Des élus locaux partisans des pires mesures antisociales
Plusieurs majorités municipales d’extrême droite ont déjà démontré leur caractère antisocial, au niveau national comme dans notre région. Les médias ont largement relevé la décision du maire FN du Pontet (Vaucluse), Joris Hébrard, à peine élu, de supprimer la gratuité de la cantine scolaire, pour les familles les plus pauvres. Ce type de mesure fait écho à d’autres prises de position d’élus d’extrême droite, moins visibles, mais tout aussi révélatrices.
Le 26 mai dernier, le maire d’Orange (Vaucluse), Jacques Bompard (Ligue du Sud), prenait position contre des programmes publics d’amélioration de l’habitat, ciblant des propriétaires et des locataires parmi les plus modestes, lors d’un conseil de sa communauté de communes (la CCPRO). A Marseille, lors du 3ème conseil d’arrondissement (juin 2014) de la Mairie du 7ème secteur, les votes des élus FN ont parlé d’eux-mêmes : refus d’une subvention sur le » contrat enfant jeunesse » (accueil des enfants sans logement) ; rejet de plus de 10 subventions concernant l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) et la réhabilitation des logements sociaux …
Ces décisions rappellent que l’extrême droite n’est pas l’alternative qu’elle prétend être aux politiques d’austérité et de régression sociale. Elles démontrent que l’extrême droite, à travers son action locale, s’inscrit, en pire, dans de telles politiques, dans une logique comptable d’économies budgétaires et de diminution des dépenses publiques, quelles qu’en soient les conséquences. Les considérations humaines les plus élémentaires, qui peuvent rassembler des élus locaux d’horizons différents, ont été niées par les élus d’extrême droite du Pontet, d’Orange ou du 7ème arrondissement de Marseille. Et les justifications avancées par leurs maires sont instructives.
S’en prendre au plus petit que soi : stratégie politique et conception sociale de l’extrême droite
J. Hébrard, maire FN du Pontet, justifiait sa mesure concernant les cantines, par une recherche « d’économies » et une volonté de « responsabiliser les parents« . Contre le développement du logement social, J. Bompard déclarait que le Vaucluse faisant partie « des départements parmi les plus pauvres de France, mais où la politique en matière d’aides sociales est très poussée« , « on crée un cercle vicieux » (La Provence, 28 mai 2014) : les pauvres seraient attirés par les politiques sociales, les politiques sociales entretiendraient la pauvreté. Quant à Stéphane Ravier, maire du 7ème arrondissement de Marseille, il déclarait : »Avant de réhabiliter, il faut supprimer les crapules, car même 3% de délinquants, ça gangrène tout » (www.lamarseillaise.fr, 4 juillet 2014).
Voilà comment apparaissent, en pratique, les conceptions sociales de l’extrême droite : les pauvres seraient « responsables » de leur pauvreté, les politiques sociales seraient donc néfastes et trop coûteuses … et les problèmes seraient d’abord sécuritaires. On voit comment, loin de défendre le « peuple« , l’extrême droite essaye de développer des oppositions au sein des catégories populaires, en s’en prenant aux plus affaiblis d’entre elles.
L’extrême droite, y compris quand elle est au pouvoir localement, reprend alors ce qu’il y a de pire dans l’idéologie néolibérale et veut faire oublier les vrais problèmes, pour ne pas avoir à les affronter et pour détourner l’attention des électeurs. Ces problèmes, particulièrement marqués en PACA, que sont la montée globale du chômage, de la précarité et des inégalités, le manque d’activités productives.
Des symboles de la xénophobie : coups médiatiques ou obscurantisme ?
Même si les conséquences pratiques semblent moindres, on peut aussi rappeler certains propos ou actes qui relèvent d’abord de la ‘com’, mais qui ne sont pas moins significatifs et symboliques.
A Cogolin (Var), le maire FN Marc-Etienne Lansade s’est prononcé contre les spectacles de danse orientale lors du gala des associations (début septembre), avec ses mots : « Si on a proposé comme seul spectacle des danses orientales, je signe et resigne mon opposition parce qu’ici on est en Provence, pas en Orient et s’ils veulent vivre comme en Orient, les frontières sont ouvertes. » (www.huffingtonpost.fr, 30/09/2014).
Dans le 7ème secteur de Marseille, le maire a écrit une circulaire interne, à l’attention des employés de la mairie qui « interdit l’usage d’une langue autre que le français par les agents en service, notamment dans les centres sociaux ou d’animation » (www.mediapart.fr, 20 juin 2014). La ‘com’ est là ouvertement xénophobe (on comprend qui sont les » ils » visés). Mais au delà de l’affichage, elle trahit certaines conceptions de la culture, de la nation, de l’exercice du pouvoir et même des services publics.
Des conceptions qui relèvent d’une fermeture culturelle, sélective et absurde, voire de l’atteinte aux droits et libertés.
Dans le cas des agents municipaux du 7ème secteur marseillais, au nom de quoi, si leurs missions sont remplies, pourrait-on leur faire telle tout telle remontrance vexatoire et leur imposer telle ou telle norme, avec toutes les dérives imaginables ? Les agents publics ne doivent pas être les vitrines d’une normalité définie hors des principes du service public et de la loi, ni les victimes d’exercices abusifs du pouvoir local.
Contre l’extrême droite : un engagement local, nécessaire au quotidien
La FSU veut s’engager dans un suivi approfondi, sur le quotidien des municipalités gagnées par l’extrême droite et l’exercice de leurs compétences (écoles, gestion des agents municipaux, rapport à la vie associative, logement et cadre de vie, etc.), y compris au-delà de ce que peuvent diffuser les médias locaux et nationaux.
C’est à partir de ce suivi que pourront se développer des formes locales de réactions diversifiées, afin de désintoxiquer la société de l’influence de l’extrême droite : communiqués et expressions systématiques dans les médias locaux, recherche d’expressions et d’initiatives larges, intersyndicales d’abord, mais aussi au sein de collectif (comme « Marseille solidaire contre l’extrême droite« ), etc.
Ambiances réactionnaires
Les perméabilités entre l’extrême droite et une partie de la droite ne sont pas nouvelles. Mais il semble qu’elles tendent à se reposer de façon plus pratique et ‘organique’, en outre des idées et de la rhétorique.
Ainsi, les élections à la présidence de la communauté d’agglomération du Grand Avignon (COGA : 15 communes, 180 000 habitants) ont fait l’objet d’un accord politique de fait entre UMP et FN. Le maire UMP de Villeneuve-lès-Avignon, Jean-Marc Roubaud, a pu être élu Président de la COGA, avec les voix des élus FN. En échange, avec le soutien des élus UMP, le maire FN du Pontet, Joris Hébrard, a obtenu la 2ème vice-présidence.
A la jonction de la ‘com’, de l’idéologie et de l’accord politique, citons aussi la 1ère proposition de loi (janvier 2013), présentée conjointement par quelques députés de droite (UMP et non inscrits) et Marion Maréchal-Le Pen, députée FN du Vaucluse (3ème circonscription), à l’initiative de Lionnel Luca, député UMP (Droite populaire) des Alpes-Maritimes (6ème circonscription). Proposition de loi pour la « reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 « , elle trahissait donc une des obsessions de la droite la plus réactionnaire et son utilisation, absurde, du terme de « génocide » pour désigner la guerre entre la 1ère République issue de la Révolution et la Contre Révolution, en Vendée.
Au-delà du politique, la vigilance s’impose aussi à l’égard d’une nébuleuse réactionnaire qui ne se limite pas à des partis et des élus.
Dans le cas du Vaucluse, l’attitude du diocèse interroge, à travers la personne du curé de Bollène (Emmanuel Berger), chargé de la catéchèse et du dossier des rythmes scolaires par l’archevêque. Il incitait récemment, en évoquant les difficultés de la réforme des rythmes scolaires, les parents à ne pas inscrire leurs enfants aux activités périscolaires municipales : « Il faut savoir que les parents ne sont pas obligés de laisser leurs enfants à l’école lors des temps d’activités périscolaires. La paroisse peut donc récupérer ces enfants, organiser des jeux de patronage, les faire goûter, puis leur faire la catéchèse. » (Vaucluse Matin, 2 sept.2014).
C’est sa réaction à un communiqué de la FSU 84 qui paraît confondante. La FSU 84, sans remettre en cause la liberté des familles, regrettait qu’un représentant officiel de l’Eglise les encourage à éviter les activités périscolaires promues par l’Education Nationale, et semble vouloir profiter des problèmes posés par la réforme des rythmes, pour concurrencer le service public. La réaction outrancière du curé de Bollène se passe en effet de commentaires. Après avoir évoqué à propos de la FSU 84 des » cris de vierges effarouchées « , il dérivait sur le plan politique et idéologique à propos des ministres V. Peillon, C. Taubira et N. Vallaud-Belkacem (réduisant son nom à » Mme Belkacem « ), accusés, à travers leurs visions de l’Ecole, de développer » une idéologie totalitaire « , croyant bon d’ajouter : » Les enfants n’appartiennent pas à l’Etat, ils sont sous la responsabilité des parents. […] Nous leur [aux parents] disons : ce n’est pas à Peillon, Taubira ou Belkacem de décider pour vous « . (La Provence, 6 sept. 2014). Chacun jugera ce que rappelle ce type de rhétorique…
Article paru dans les pages régionales ‘Provence Alpes Côte d’Azur’ dans le journal de la FSU ‘Pour’ de février 2015.