« Ku Klux Klan. Une histoire américaine », sur Arte : la sinistre aventure du plus ancien groupe terroriste aux Etats-Unis
David Korn-Brzoza se penche sur les racines de la société secrète née en 1865 et sur les démons qui hantent le pays, entre terrorisme de proximité et racisme au quotidien.
Défilé de membres du Ku Klux Klan sur Pennsylvania Avenue, à Washington (avec le Capitole en arrière-plan), dans les années 1920 (date exacte inconnue). LIBRARY OF CONGRESS
Les documentaires historiques signés David Korn-Brzoza laissent rarement indifférent. Qu’il se penche sur les services secrets français, la délation sous l’Occupation, l’argent de la Résistance, la police de Vichy, les Jeunesses hitlériennes, la colonisation et la décolonisation, le réalisateur fait un travail rigoureux, sur le fond comme sur la forme. Un constat confirmé par ce documentaire en deux parties consacré à l’histoire aussi sanglante que sulfureuse du Ku Klux Klan (KKK).
Depuis plus d’un siècle et demi, ce qui est devenu, de fait, le plus ancien groupe terroriste sur le territoire nord-américain fait régner la haine. Sa naissance ressemble pourtant à un mauvais (et sinistre) gag : à la fin de la guerre de Sécession, en 1865, une poignée de jeunes vétérans sudistes, la plupart de souche écossaise, certains ayant étudié le grec et le latin, refusent la défaite et surtout l’abolition de l’esclavage. Dans la petite ville de Pulaski (Tennessee), ils décident autour d’un verre de fonder une société secrète dans le simple but de terroriser la population noire.
Son nom, Ku Klux Klan, fait vraisemblablement référence au grec kuklos (« cercle »). La sinistre aventure commence, avec hommes encagoulés, lynchages, menaces et crimes en tous genres. Raciste, mais aussi anticatholique, antisémite, anticommuniste, le « Klan » (comme disent les Américains) connaîtra son apogée dans les années 1920 avec près de 4 millions de membres, et une influence énorme sur la vie sociale, politique et culturelle américaine de l’époque.
Personnalités troubles
Plusieurs fois dissous, fragilisé, ruiné, vidé de ses troupes, le KKK, qui ne compte plus aujourd’hui que quelques milliers de membres, continue d’appeler à la haine avec des slogans explicites (« Segregation forever ! »). L’intérêt de ce documentaire est qu’il décrit avec minutie les différentes étapes de sa longue existence, investigue sur les personnalités souvent troubles de ses dirigeants successifs, et plus généralement décrypte le pouvoir qu’il continue d’exercer sur la vie politique locale.
L’élection de Donald Trump en 2016, avec le soutien des suprémacistes blancs, a ravivé la flamme du racisme sans complexe. Et relancé les lynchages ouvertement revendiqués. Ainsi du meurtre, en 2017 à Charlottesville, en Virginie, de la militante antiraciste Heather Heyer, délibérément fauchée par la voiture-bélier d’un néonazi de 22 ans.
Pour retracer les vies successives du Klan, David Korn-Brzoza a rassemblé de très nombreuses archives filmées et photographiques, parfois directement chez les militants de l’organisation terroriste. Il a également interrogé des témoins variés, comme Chris Buckley, membre repenti du Klan, des militants pour les droits civiques, ou encore Bill Baxley, procureur général de l’Etat d’Alabama dans les années 1970.
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Ku Klux Klan. Une histoire américaine, documentaire de David Korn-Brzoza (Fr., 2019, 2 x 55 min). Disponible à la demande sur Arte.tv à partir du mardi 27 juin.
En archives et témoignages éloquents, ce documentaire en deux volets retrace l’histoire méconnue, car en partie refoulée, du « plus ancien groupe terroriste des États-Unis », qui a mis en oeuvre par une violence largement impunie ses visées racistes, de 1865 à nos jours.
1. Naissance d’un empire invisible
En 1865, une poignée de vétérans sudistes de la guerre de Sécession fondent une société secrète dans le Tennessee et lui donnent le nom de Ku Klux Klan, peut-être en référence au grec kuklos, « le cercle ». Par jeu, puis pour terroriser, ils se parent d’attributs pseudo médiévaux, robes et cagoules dissimulant leur identité. Sur 9 millions d’habitants, 4 millions de Noirs libérés de l’esclavage vivent alors dans les anciens États fédérés du Sud. En 1868, année électorale, le Klan, qui a grossi rapidement pour se transformer en organisation paramilitaire, multiplie attentats et lynchages pour les dissuader d’exercer leurs nouveaux droits. Quatre ans plus tard, quand Washington dissout le Klan et envoie l’armée rétablir l’ordre, ses membres et alliés se sont arrogé tous les pouvoirs. Sous l’égide des lois dites « Jim Crow », une ségrégation impitoyable succède à l’esclavage. Les images des lynchages, devenus monnaie courante, figurent sur des cartes postales. Quelques décennies plus tard, dans une Amérique en pleine mutation où des millions d’immigrants affluent, le Ku Klux Klan, popularisé par le film de David W. Griffith Naissance d’une nation, qui fait vibrer 50 millions de spectateurs, renaît spectaculairement. Sous l’impulsion de ses leaders, il élargit son commerce de haine aux immigrants, aux communistes, aux juifs, aux catholiques… Organisation de masse forte de près de 4 millions de membres, il contribue à faire voter en 1924 une loi limitant l’immigration aux Européens du Nord, qui reste en vigueur pendant plus de quarante ans. Affaibli par les scandales et la Grande Dépression, puis discrédité après la Seconde Guerre mondiale pour ses sympathies fascistes et nazies, le Klan disparaît pour resurgir une décennie plus tard, avec l’émergence du mouvement pour les droits civiques.
Part d’ombre
Pour retracer en détail les quatre vies successives du Ku Klux Klan, David Korn-Brzoza a rassemblé un impressionnant fonds d’archives, alimenté en partie par celles du mouvement lui-même, et rencontré une dizaine d’interlocuteurs : un membre repenti de l’organisation, des vétérans de la lutte pour les droits civiques, le juge pugnace qui, quatorze ans après l’attentat de Birmingham, a poursuivi et condamné ses auteurs, ainsi que différents chercheurs et analystes. En montrant ainsi combien le mouvement et ses crimes incarnent une histoire et des valeurs collectives, il jette une lumière crue sur cette part d’ombre que l’Amérique blanche peine encore à reconnaître.
Réalisation David Korn-Brzoza
Pays France
Année 2019
NB: Si le Ku-Klux-Klan est une histoire américaine, le racisme et la haine qu’il déploie, l’impunité dont jouissent ces membres dont certains commanditaires ou auteurs de crimes odieux, trouvent hélas des exemples bien au-delà des frontières des USA… La frilosité de Edgar Hoover, patron du FBI, a poursuivre ce groupe et ses membres pourtant identifiés, interpelle, tout comme la placidité tant de la justice locale que fédérale.
Il semble que cette organisation de nos jours soit réduite à quelques milliers de membres (elle en a comptés près de 4 millions dans les années 20). Pour augmenter son impact et sa visibilité médiatique, dans cette période post-Trump, toujours agissant, le KKK s’est allié avec les pires partis ou mouvements de l’Extrême droite américaine, dont des groupuscules nazis qui défilent sans vergogne croix gammées en tête.