Film « Hope » de Boris Lojkine sorti en janvier 2015
Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l’itinéraire d’une Nigériane et d’un Camerounais en route pour l’Europe. Une histoire d’amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants.
Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l’avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C’est là qu’elle vit depuis trois ans, -avec son jeune enfant né peu après le fin du film-,coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l’Europe où elle voulait aller.
Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l’Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu’incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s’attachent l’un à l’autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».
Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s’agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d’Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l’impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.
Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n’ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l’intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd’hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n’ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l’argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd’hui 2 ans, et elle espère toujours l’amener un jour en Europe.
Thomas Sotinel
Journaliste au Monde
Léornard et Hope sur la route de l’espoir
Hope, de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). En salles le 28 janvier 2015 distrib.pyramidefilms.com
Tous les acteurs sont amateurs, et la plupart clandestins
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2015/01/23/boris-lojkine-hope-et-ses-amours-errantes_4561397_4497186.html#myuIElxVF7IodB8A.99
Dès le début du film, ce qui marque chez ces migrants, ce sont cette détermination et cet espoir irrationnels qui les animent et les poussent toujours en avant, quelques soient les obstacles ou traquenards rencontrés. Il y a une scène particulièrement bouleversante – ce n’est pas la seule!- quand Léonard et Hope atteignent Ménilla, enclave espagnole au nord du Maroc, et rejoignent un groupe de migrants qui ont tenté de franchir cette foutue clôture, dernière rempart à leur rêve. Ils découvrent une ville illuminée avec ses belles avenues, comme sortie d’un comte de fée, ou irréelle. Un jeune migrant malien s’exclame : « Là-bas, tu n’as qu’à ouvrir la bouche, et tu as du coca ! ». Et bien d’autres sorties éberluées et, hélas tellement naïves. Que Boris Lojkine n’avait pas prévues dans son script mais a laissé dans le film car tellement savoureuses.
Si cette route vers l’espoir est ponctuée de merveilleux moments de joie, elle est cependant surtout marquée par la souffrance, la douleur et la cruauté. Cruauté entre migrants quand notamment le chairman du ghetto camerounais viole Hope à laquelle Léornard, camerounais égalment, a été obligé de se marier, car celle-ci nigériane refusait de rejoindre le ghetto de sa nationalité. Cruauté entre migrants et locaux, et surtout autorités locales. Les douaniers, au tout début du film, qui embarque Hope dans leur cabanon… Ou encore à Tanger où des flics locaux participent au réseau de prostitution organisé par des migrants coincés là, et devenus sans foi ni loi, que leur survie, à n’importe quel prix.
En tout cas, ce film, comme d’autres traitant de l’immigration, montre que nous sommes bien loin de ces soi-disant réseaux de passeurs organisés qui passeraient leurs vacances sous les palmiers avec le fruit de leur sale commerce. Les politiques qui parlent de frapper les passeurs, ou démanteler les réseaux, soient ignores tout de la réalité du phénomène, ou plus sûrement, cherchent à mystifier les opinions.
Aussi, après tant d’épreuves traversés, et cette détermination intacte pour beaucoup de ces migrants, on se dit qu’ils auraient bien mérité leur ticket pour cette Europe tant rêvée. Mais hélas tellement fantasmée, quand on pense à ce qui les attend ici, dans nos pays gris, vieillissants, et dont la générosité n’est pas la qualité qui est la plus mise en exergue. Alain