Hitler, à l’assaut de la démocratie

Épisode 3/4 : Hitler, 1933. À l’assaut de la démocratie

Mercredi 1 mars 2023

ÉCOUTER (59 MIN) :https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/hitler-1933-a-l-assaut-de-la-democratie
Le Cours de l’Histoire (magazine de France-Culture de 9 à 10h) est consacré toute cette semaine (du 27 février au 3 mars*) à Hitler et au pouvoir nazi, depuis le punch manqué de Munich jusqu’à la mise en œuvre macabre et folle de la solution finale.

Dans cet épisode, nous est montré comment depuis la nomination d’Hitler fin janvier 1933 comme chancelier par le vieux président nationaliste-monarchiste qui pensait pouvoir le manœuvrer à sa guise, avec l’aide de quelques hauts dignitaires nazis, Hitler installe son pouvoir absolu de manière irréversible. Après l’incendie de Reichtag le 28 février 33, les dés sont jetés. Dès le lendemain, les principaux cadres et militants du parti communiste sont jetés en prison (plus de 4000 arrestations dès le lendemain de l’incendie), le parti est déclaré illégal. Le SPD, lui, sera interdit moins de deux mois plus tard, payant là son opposition à Hitler et son refus de lui voter les pleins pouvoirs.

La vitesse avec laquelle Hitler et les nazis s’installent au pouvoir est proprement impressionnante, une large part de la population avait été habituée à l’idéologie, la crise de 29 continuait à sévir. L’histoire ne se répète pas  jamais  à l’identique (il faudrait que les mêmes conditions soient réunies), mais elle doit donner à réfléchir et donne des leçons qu’il ne faudrait pas oublier, quand dans nombreux pays européens l’extrême droite progresse, et quand  en France, MLP recueille plus de 46 % des voix au second tour des présidentielles et son parti le RN obtient 89 sièges au parlement.  

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* Les liens pour écouter les 3 autres émissions sont proposés à la fin de l’article.

Le 24 mars 1933, Hitler obtient du parlement allemand qu’il vote la loi des pleins pouvoirs, qui lui donne le droit de gouverner par décret, et donc de contourner complètement la procédure parlementaire. Désormais, plus personne ne peut s’opposer à Hitler, et le pays bascule dans la dictature.

Avec

  • Agathe Bernier-Monod Maîtresse de conférences en études germaniques à l’Université Le Havre Normandie
  • Hélène Camarade Professeure en études germaniques à l’Université Bordeaux-Montaigne, spécialiste de la résistance allemande et de la mémoire du national-socialisme
  • Mickaël Gamrasni Réalisateur, scénariste

Reichstag en flammes nuit du 27 au 28 février 1933

Le 28 février 1933, le journal L’Ouest-Éclair titre en grosses lettres : « Le Reichstag en flammes », et écrit : « L’incendie, allumé par une main criminelle, a détruit entièrement la salle des séances. Un communiste a été arrêté ! » Le journal précise qu’à Berlin, la nouvelle de l’incendie s’est répandue comme une traînée de poudre. En effet, la situation est explosive. Hitler est arrivé au pouvoir quelques mois plus tôt.

La stratégie parlementaire d’Hitler

Après le putsch raté de 1923, Hitler tente de s’emparer du pouvoir par les voies légales. La nationalité allemande, qu’il obtient en 1932, lui permet de se présenter aux élections et de briguer le poste de président, sans succès, puis celui de chancelier. Si ses campagnes politiques sont dans un premier temps des échecs, elles le font néanmoins connaître dans toute l’Allemagne.

Entre 1928 et 1932, la progression électorale nazie est fulgurante. Aux élections législatives de 1928, le NSDAP obtient douze sièges au Parlement, pour la première fois de son histoire. En juillet 1932, les nazis constituent près de 40 % des effectifs avec 230 députés et Hermann Göring, compagnon de route d’Hitler, est nommé président du Reichstag. Le NSDAP est ainsi devenu le premier parti allemand en quelques années seulement. L’historienne Hélène Camarade souligne le paradoxe de l’ascension nazie : « Les nazis jouent le jeu de la démocratie tout en critiquant la démocratie. Ils se présentent aux élections de façon régulière, font campagne de façon traditionnelle, par le biais de meetings, grâce à leur presse, et essayent de gagner des voix sur un électorat morcelé et hésitant, dans une période de grande crise économique, morale et sociale. Les nazis répondent aux attentes et aux difficultés de la population tout en tenant un discours extrêmement radical, antisémite, anticommuniste, et en attaquant la démocratie parlementaire de Weimar, par laquelle il arrive au pouvoir. »

Le 30 janvier 1933, à la surprise générale, Hitler est nommé chancelier par le président du Reich, Paul von Hindenburg. L’année 1933 marque un tournant dans la stratégie hitlérienne de conquête du pouvoir et de sape systématique du système démocratique allemand. La république de Weimar vit ses derniers instants. Pour expliquer la décision d’Hindenburg, l’historienne Agathe Bernier-Monod rappelle qu’il n’est pas un démocrate, mais un monarchiste : « Hindenburg ressent un mépris de classe pour Adolf Hitler, qui est issu de la petite bourgeoisie. Il a aussi de la xénophobie vis-à-vis de cet Autrichien. Hindenburg, comme la classe dirigeante allemande, a largement sous-estimé Hitler. Le camp national-conservateur a supposé qu’il pourrait domestiquer Hitler et le contrôler en le plaçant dans un gouvernement composé de ministres nationaux-conservateurs. On pensait que l’aura de Hitler s’émousserait rapidement en exerçant le pouvoir. »

L’incendie du Reichstag, un prétexte pour en finir avec la démocratie

L’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, seulement 29 jours après l’accession au pouvoir de Hitler, joue un rôle central dans la mise en place d’une dictature nazie. L’événement est en effet immédiatement instrumentalisé par les nazis, qui en attribuent la responsabilité aux communistes, leurs ennemis de toujours. Hitler trouve ainsi le prétexte idéal pour museler ses opposants et instaurer les prémisses d’une dictature. Les communistes et leurs sympathisants sont massivement arrêtés, jetés en prison, et parfois exécutés. Ceux qui échappent à la persécution quittent le pays. Hitler parvient ainsi à anéantir toute opposition et tout contre-pouvoir politique, institutionnel et parlementaire. Ce faisant, il ébranle les fondements mêmes de la démocratie. « Ce qui est assez intéressant dans la réaction nazie à l’incendie du Reichstag, c’est que le pouvoir nazi déteste le Reichstag et le parlementarisme. Il y a énormément d’hypocrisie dans ce mouvement d’indignation, note Agathe Bernier-Monod. Les nazis ont toujours besoin d’une façade légale pour justifier leur conquête du pouvoir, et les violences qu’ils commettent. »

Hitler utilise la peur suscitée par l’incendie du Reichstag, qu’il lie à une peur du péril rouge, pour convaincre l’opinion de la nécessité de lui donner toute latitude pour agir et redresser le pays. Cette instrumentalisation se révèle payante : la loi des pleins pouvoirs, puis la loi sur le parti unique du 14 juillet 1933, qui fait du NSDAP le seul parti politique d’Allemagne, et enfin les élections de novembre 1933, où le NSDAP obtient 92 % des voix, achèvent de faire basculer l’Allemagne dans la dictature nazie.

À réécouter : Hitler 1933 : pourquoi la presse n’a-t-elle rien voulu savoir ?

Qui a provoqué l’incendie du Reichstag ?

Un certain mystère plane encore aujourd’hui sur les circonstances de l’incendie du Reichstag. Il semble avéré qu’il s’agit bien d’un incendie criminel, mais la responsabilité des nazis, une hypothèse actuellement répandue, n’est à ce jour pas complètement établie. « Intuitivement, la plupart des gens qui connaissent l’histoire du Reichstag pensent qu’il est évident que les nazis ont fait le coup. », remarque Mickaël Gamrasni, réalisateur du documentaire L’Incendie du Reichstag. Quand la démocratie brûle« Cependant l’historiographie n’est pas aussi nette : il y a un fort faisceau de preuves dans un fonds d’archive gigantesque, mais aucune n’est flagrante. » Le documentariste ajoute : « Depuis les années 2010, les historiens allemands Alexander Bahar et Wilfried Kugel et l’Anglais Benjamin Carter Hett ont mis bout à bout beaucoup d’éléments qui peuvent étayer la responsabilité nazie. »

Le procès des incendiaires du Reichstag, qui se tient à Leipzig en 1933, condamne en bloc Marinus van der Lubbe, un Néerlandais appréhendé par la police sur les lieux du crime avec des allume-feux dans les poches. Il est exécuté en 1934. Des voix s’élèvent néanmoins dès 1933, et jusqu’à aujourd’hui, pour soutenir que l’incendie est une machination des nazis, qui auraient utilisé van der Lubbe comme un vulgaire bouc émissaire. Il semble en effet douteux qu’un homme seul soit parvenu à lancer en quatorze minutes seulement un incendie d’une telle ampleur. L’existence d’un tunnel reliant le Reichstag au palais de son président, qui est à l’époque Hermann Göring, un nazi patenté, vient encore nourrir les soupçons à l’encontre des nazis.

Pour en savoir plus, écoutez l’émission…

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