Centre de rétention Toulouse

La Cimade, association venant en aide aux sans papiers en France, publie son rapport annuel sur le sort des personnes placées en Centre de rétention administrative. À Toulouse, le sort de ces personnes est souvent inextricable.

Au centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse-Cornebarrieu, des centaines de personnes en situation irrégulière ont été placées en 2021 : 1.105 pour être précis. Un peu plus d’un tiers de ces personnes sont d’origine maghrébine (39%) et 22% d’entre eux viennent d’Europe de l’est. C’est dans les CRA que l’administration française place des personnes étrangères, sans papiers, afin de mettre en œuvre sa politique d’éloignement du territoire.

Dans la majorité des cas, une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) est d’abord adressée par la préfecture à l’égard de personnes en situation irrégulière. Ces dernières sont ensuite interpellées, puis placées en CRA. C’est là qu’intervient la Cimade, association qui défend les droits de ces personnes enfermées, notamment à Toulouse.

60% des personnes enfermées en 2021 ont finalement été libérées.

60% des personnes enfermées en 2021 ont finalement été libérées. • © La Cimade

« C’est sans fin »

Les personnes séjournent entre 1 et 90 jours dans le CRA, sachant que cette durée maximale n’a cessé d’augmenter : elle était de 45 jours en 2011. À Toulouse, la durée moyenne de rétention est de 14 jours mais la moitié de ceux qui y passent, restent moins de deux jours. « C’est sans fin » déplore Léo Claus, coordinateur de la Cimade à Toulouse. « Car à l’issue de la durée de rétention, les personnes peuvent très bien être à nouveau interpellées puis retourner en CRA » explique-t-il.

La politique de gestion des sans-papiers s’est durcie

Une injustice parmi d’autres pour Léo Claus, qui se bat depuis 20 ans avec ses camarades de la Cimade pour défendre ces personnes rejetées. « Les gens ne peuvent pas sortir du CRA, ils sont constamment surveillés » peste-t-il. D’autant que la politique de gestion de ces sans-papiers est bien plus dure qu’avant. « Aujourd’hui, c’est : on enferme, on enferme, on enferme. On met tout le monde en rétention et on verra bien ! » relate le coordinateur, qui estime que les magistrats suivent davantage cette politique plutôt que de respecter le droit de ces personnes étrangères.

« Faire en sorte que tout se passe bien »

Alors, pour assister ces personnes en difficulté, la Cimade est présente dans les locaux du CRA de Cornebarrieu. « On est là pour gérer les dossiers de ceux qui arrivent : leur situation, leur lien avec la France, leur parcours » détaille Léo Claus. « Le but est aussi de faire en sorte que tout se passe bien entre ceux qui sont enfermés et la police« . Et ce, afin de ne pas envenimer une situation déjà pesante.

 

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 Un héros selon ses collègues, mais expulsable pour les autorités. Mercredi 20 juillet, Mouktar, salarié dans un entrepôt à Toulouse, a sauvé la vie d’un livreur. Deux heures plus tard, la police venait l’arrêter. Ce Tchadien de 25 ans, sans titre de séjour valable, risquait l’expulsion.

C’est l’histoire d’un homme devenu un héros, mais qui désormais… est expulsable. Retour sur les faits. Mercredi 20 juillet, peu avant 7h du matin, un chauffeur-livreur vient déposer de la marchandise à l’entrepôt du site « Rentréediscount.com » à Toulouse. Ce site s’occupe des fournitures scolaires et son activité est saisonnière. Près de 400 personnes travaillent dans cet entrepôt en juillet-août.

Massage cardiaque

Mais ce chauffeur-livreur est pris d’un malaise. Il s’effondre. Deux salariés de l’entrepôt viennent à son secours. Parmi eux, Mouktar. Grâce au massage cardiaque de ce jeune Tchadien de 25 ans et l’arrivée rapide des secours, la victime est sauvée.

Capture d'image d'une caméra de surveillance montrant les premiers soins prodigués par Mouktar sur le chauffeur-livreur, le mercredi 20 juillet 2022.

Capture d’image d’une caméra de surveillance montrant les premiers soins prodigués par Mouktar sur le chauffeur-livreur, le mercredi 20 juillet 2022. • © Rentréediscount.com

Un acte de bravoure salué par le site marchand.

Sauf que deux heures après son sauvetage héroïque, Mouktar est interpellé par la police sur son lieu de travail. L’homme est amené au centre de rétention administrative de Cornebarrieu (31) En effet, le jeune Tchadien est en situation irrégulière. En février 2022, la préfecture de Haute-Garonne lui a signifié son expulsion vers son pays d’origine. Document que le jeune homme affirme ne jamais avoir reçu.

Quand il est interpellé, Mouktar est en possession d’une « attestation de demande de prolongation de son titre de séjour ». Un document qui lui permet de rester sur le territoire français et d’y travailler le temps que la préfecture ait statué. Problème, ce document a été falsifié. Il arrivait à échéance le 18 avril 2022 et pourtant c’est la date du 18 octobre qu’on peut y lire.

Document falsifié

L’entrepôt qui l’embauche n’est pas au courant et pense que le document de leur salarié est valide. « Quand nous embauchons du personnel étranger, nous faisons une demande à la préfecture pour être sûrs que tout est en ordre. Si elle ne répond pas dans les 48 heures, cela veut dire que tout va bien » explique Marie Lys, la responsable de l’entrepôt.

L'entrepôt du site marchand "Rentréediscount.com" vu de l'intérieur. C'est ici que travaille Mouktar M.

L’entrepôt du site marchand « Rentréediscount.com » vu de l’intérieur. C’est ici que travaille Mouktar M. • © Rentréediscount.com

Mais cela ne change rien à l’élan de solidarité qui entoure désormais ce jeune Tchadien. Très reconnaissants de son acte de bravoure, émus par son histoire, les collègues de Mouktar ont lancé une pétition pour qu’il puisse rester sur le territoire français. Près de 150 personnes ont déjà signé.

Ce vendredi 22 juillet après-midi, le sans-papiers a comparu devant le juge des libertés et de la détention au Palais de justice de Toulouse. « Une procédure habituelle dans ce genre de cas » explique son avocate commis d’office, Maître Elfried Dupuy-Shabin.« Il s’agit de voir si tout a été fait selon les règles, entre son arrestation, les conditions de sa rétention et la procédure en cours » explique t’elle.

Un héros… menacé d’expulsion

L’avocate toulousaine a eu gain de cause. Selon le juge des libertés et de la détention, il y a eu du côté de la Préfecture de Haute-Garonne, « une erreur manifeste d’appréciation de la situation personnelle de l’intéressé ». Résultat, Mouktar pourrait être remis en liberté ce soir. A moins que le Parquet ne fasse appel (il a 6 heures pour le faire, une fois que la décision du JLD a été rendue).

Selon l’avocate toulousaine, « son acte de bravoure a sans doute joué dans cette décision, tout comme le soutien qu’il a obtenu auprès de ses collègues et de son employeur. Mais ce n’est pas tout évidemment. Le dossier de la Préfecture était mal ficelé« .

Pour autant, le Tchadien n’est pas sorti d’affaire. Il doit faire une nouvelle demande de régularisation et ne peut pas, en l’état, retourner travailler dans cet entrepôt toulousain.

Le précédent Mamoudou Gassama

Cette histoire n’est pas sans rappeler la destinée de Mamoudou Gassama. En 2018, ce jeune malien , alors en situation irrégulière, avait sauvé un enfant d’une terrible chute du 4ème étage, en escaladant un immeuble parisien. Surnommé « Spiderman », son acte de bravoure lui avait permis d’être reçu par le président de la République et d’être régularisé.