Le parti populiste créé par les frères Kaczyński a battu ce dimanche la Plateforme civique. Droit et Justice obtient 38 % des voix, ce qui lui donne 238 sièges de députés (sur 460), selon ces projections communes fondées sur des résultats affichés dans un échantillon de bureaux.
Les libéraux centristes de la Plateforme civique (PO) de la première ministre sortante Ewa Kopacz obtiendraient 23,4 %, soit 135 sièges. Mme Kopacz a reconnu la défaite de son parti. La participation s’élevait à 51,6 %. Ces pronostics ne seront officiellement confirmés que mardi soir, la marge d’erreur étant de 2 %.
Le parti conservateur catholique PiS, présidé par Jaroslaw Kaczynski, pourrait gouverner seul la Pologne. Centralisation du pouvoir, politique sociale, souverainisme économique constituent les grandes lignes d’un futur gouvernement conservateur, que devrait diriger la députée, Beata Szydlo.
Des pouvoirs renforcés pour le président
Droit et justice (PiS) veut un renforcement de l’exécutif, notamment du rôle du président, mais aussi du premier ministre, afin de mettre en place un système de pouvoir plus centralisé. Il souhaite une plus grande influence du président sur le système judiciaire (d’où des accusations de non-respect de la séparation des pouvoirs), sur les médias publics et les services secrets.
Beata Szydlo, candidate du parti conservateur Pis, arrivé en tête des élections législatives de dimanche. Photo AFP
Concernant la justice, l’une des mesures phares est de fusionner les rôles de ministre de la justice et de procureur général.Des aides sociales coûteuses
Le PiS qui est un parti social conservateur, a multiplié les promesses pendant la campagne pour arriver à un programme social très coûteux qui est évalué entre 40 et 60 milliards de zlotys (9 à 14 milliards d’euros) : baisse de l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour les femmes, 65 ans pour les hommes (aujourd’hui à 65 et 67), maintien des régimes spéciaux (juges, procureurs, agriculteurs…), médicaments gratuits pour les personnes de plus de 75 ans, allocation familiale de 500 zlotys par mois et par enfant…
La religion au baccalauréat
Dans l’éducation, le PiS veut supprimer les collèges pour revenir à l’ancien système de huit ans d’école primaire et de quatre ans de lycée. Sans revenir complètement sur la décision du gouvernement Tusk d’abaisser l’âge obligatoire d’entrée à l’école de 7 à 6 ans, le PiS veut proposer le libre choix aux parents de mettre ou non leurs enfants à l’école à 6 ans. Proche de l’Eglise, le PiS pourrait être tenté de satisfaire une de ses demandes en faisant de la religion une épreuve du baccalauréat : « La religion devrait pouvoir être une matière du bac. Puisque l’on peut passer son bac dans autant de matières exotiques que l’histoire de la danse ou l’histoire de l’art, alors pourquoi ne devrait-il pas y avoir de religion ? » a affirmé la porte-parole du PiS, Elzbieta Witek, qui est pressentie comme ministre de l’éducation.
Une « repolonisation » de l’économie
La politique économique du PiS est largement inspirée de la politique « non orthodoxe » de Orban : taxation des supermarchés et des banques (qui appartiennent en grande partie à des capitaux étrangers) en instaurant une préférence nationale, taxe sur les institutions financières et renationalisation de certaines banques. PiS parle de « réindustrialisation » et de « repolonisation » de l’économie, qui laissent sceptiques de nombreux économistes. La politique globalement étatiste, avec le renforcement du contrôle sur les entreprises partiellement publiques. Le PiS prévoit aussi une baisse de l’impôt sur les société de 19 à 15 %.
Aucun compromis sur le climat
Le PiS devrait mener une politique souverainiste et davantage pro-américaine. Il veut renforcer la présence des troupes américaines sur le sol polonais. Le PiS a critiqué fortement le contrat signé avec Airbus pour 50 hélicoptères Caracal, en marquant sa préférence pour les américains de Sikorski Aircraft, qui ont des usines en Pologne.
A Bruxelles, le Pis défendra deux dossiers sensibles. Sur la question de la vente des terres agricoles, le PiS veut « protéger strictement » les propriétés polonaises contre les achats par les étrangers. Le PiS n’est prêt à aucun compromis sur la politique climatique, au nom de la défense de l’industrie du charbon sur laquelle repose l’essentiel de l’énergie polonaise. Globalement, Varsovie devrait refuser tout transfert de souveraineté supplémentaire et freiner autant que possibles des avancées fédérales. Le PiS s’est également opposé à la mise en place de quotas pour les réfugiés.
Jakub Iwaniuk (Varsovie, correspondance)
Journaliste au Monde
Précisions : la campagne s’est beaucoup cristallisée autour des questions européennes et de l’immigration. La population d’immigrés la plus importante est ukrainienne, estimée à 100000 personnes environ qui occupent des emplois faiblement rémunérés et sans protection sociale, notamment dans l’agriculture. Nombre de ces emplois étaient avant occupés par des polonais aujourd’hui expatriés. En outre, la Pologne a accepté l’accueil de 500 réfugiés de confession chrétienne…
(France Culture, Affaires Étrangères du 25/10/2015)
« Les conservateurs peuvent-ils réaliser leur programme économique ? » A Varsovie, on s’interroge. «Le Pis ne risque pas grand-chose en promettant autant», souligne le politologue Kazimierz Kik. Premier pays bénéficiaire de fonds européens, la Pologne recevra 82,5 milliards d’euros entre 2014 et 2020, soit l’équivalent de son budget annuel. (Libération)
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Suisse: poussée spectaculaire de la droite anti-immigration aux législatives
Genève (AFP) – La droite populiste suisse, l’UDC, résolument anti-immigration et anti-Union européenne, a enregistré dimanche (le 18/10/2015) une progression spectaculaire aux élections législatives, qui la conforte comme premier parti de la Confédération Helvétique.
Elle obtiendrait près d’un tiers des sièges du Conseil national, selon des projections de l’agence suisse ATS et de la télévision publique RTS.
L’Union démocratique du centre gagnerait 11 élus, avec au total 65 représentants à la chambre basse du parlement qui en compte 200. Elle ferait alors mieux que son meilleur score en 2007 quand elle avait obtenu 62 élus.
RTS estime néanmoins le score en voix de l’UDC à 28%, en léger retrait par rapport à son plus haut historique de 28,9% aux élections de 2007. Le décalage entre le score en voix et en députés s’explique par un système à la proportionnelle où se nouent des alliances entre partis.
Dans la chambre sortante élue en 2011 l’UDC occupait 54 sièges.
« Les gens ont voté guidés par la peur », a réagi à la télévision une candidate socialiste, Rebecca Ruiz, estimant que le thème des réfugiés et de l’immigration, favori de l’UDC, avait été « malheureusement très dominant dans la campagne ».
Le parti socialiste (PS), deuxième parti du pays, perdrait 2 sièges (46 sièges dans la chambre sortante) et l’autre parti de droite, le Parti des libéraux radicaux (PLR) obtiendrait 3 élus de plus (30 sièges actuellement), selon la RTS.
Par ailleurs, les petits partis du centre et les deux principales formations écologistes perdraient au total 11 sièges.
Dans certaines communes du Jura Bernois, « nous progressons de 4, 8 ou 10 points », s’est félicité Manfred Bühler de l’UDC.
Dans les Grisons, la fille du leader charismatique et historique de l’UDC, Christoph Blocher, Magdalena Martullo Blocher a été élue et à Lucerne, le parti populiste deviendrait la première force politique, détrônant les modérés du PDC (démocrate-chrétien).
- « Immigration contrôlée » –
Pour sa campagne, l’UDC, qui s’est choisi comme slogan « rester libres », n’a pas hésité à recourir aux photos montages, avec des photos de femmes en burka avec pour légende « Islam bientôt chez nous? ».
L’affiche la plus radicale revient aux jeunes UDC du Canton de Vaud avec une caricature de jihadiste portant un brassard UE, avec en fond le drapeau de l’Union européenne, qui s’apprête à décapiter une jeune blonde bâillonnée vêtue d’un drapeau suisse. « Gardez la tête sur les épaules », clame l’affiche « votez pour la liste UDC ».
Alors que la Suisse n’est pour le moment pas concernée par la vague de migrants qui arrivent en Europe, cette question mobilise les électeurs.
Selon un sondage de l’institut gfs.bern, quelque 48% des Suisses estiment que les questions de l’asile et de l’immigration constituent la « première priorité », loin devant les relations avec l’Union européenne.
« Pas question de surcharger les finances publiques et le budget social en ouvrant toutes grandes les frontières, quand tant de jeunes ici restent sur le carreau », avait résumé pendant la campagne Roger Golay, candidat à Genève du MCG qu’il préside, le Mouvement des citoyens genevois, une petite formation de la droite populiste alliée à l’UDC.
L’UDC et le PLR, souvent opposés, vont-ils maintenant travailler ensemble? « Naturellement » a affirmé à la télévision le vice-président de l’UDC, Luzi Stamm. « Nous avons tous le souhait de préserver notre économie et notre prospérité », a répondu plus évasivement Christian Lüscher, du PLR.
Déjà l’UDC, qui a un seul élu au gouvernement contrairement au PS et au PLR, a demandé un portefeuille supplémentaire. Le nouveau gouvernement sera élu le 9 décembre par le parlement.
La spécificité de la démocratie suisse est le multipartisme qui permet à sept partis d’être représentés parmi les 200 élus du Conseil National et à cinq partis de se partager les sept portefeuilles ministériels du gouvernement.