Lyon : après l’attaque d’une librairie libertaire, les soupçons se portent sur l’extrême droite
Par Pierre Plottu et Maxime Macé — 14 décembre 2020 à 21:02
La Plume noire à Lyon.
Deux bénévoles qui participaient à une collecte de jouets ont été blessés, dont l’un assez sérieusement, lors de l’attaque d’une librairie anar, samedi à Lyon. Les associations et militants de gauche dénoncent une agression de l’extrême droite.
- Lyon : après l’attaque d’une librairie libertaire, les soupçons se portent sur l’extrême droite
Tout porte à croire que l’extrême droite a de nouveau frappé à Lyon. Deux militants associatifs ont été tabassés lors de l’attaque de la librairie anarchiste la Plume noire, samedi soir dans le quartier de la Croix-Rousse, qui accueillait des membres de l’association Pour l’égalité sociale et l’écologie (PESE) dans le cadre d’une collecte de jouets et de vêtements à destination de familles dans le besoin et notamment migrantes. Selon leurs plaintes, que Libération a pu consulter, les deux hommes sont tombés dans ce qui ressemble à un traquenard bien préparé.
Il était aux alentours de 19h45, samedi, lorsque les faits se sont déroulés. Après une journée de collecte, les militants quittaient peu à peu la librairie et ne restaient finalement que deux jeunes hommes qui fermaient la boutique. Un groupe les a alors approchés de manière anodine, leur demandant où il était possible de «boire un coup», avant de se déchaîner.
«Des coups de poing, des coups de genou»
«Lorsque nous avons fermé le rideau métallique, nous avons été abordés par un groupe d’une dizaine d’individus de type européen, tous assez costauds, habillés de [vêtements sombres] […] dissimulant leur visage à l’aide d’un passe-montagne», relate l’une des plaintes déposées au commissariat du Ier arrondissement de Lyon tandis que la seconde victime évoque des agresseurs au look de «hooligans». Tous deux relatent une «pluie de coups», violents, qui se sont abattus sans raison avant de se poursuivre au sol. «Ça venait de partout, des coups de poing, des coups de genou. J’ai trouvé le temps infiniment long.»
Surtout, les deux plaintes détaillent un mode opératoire bien particulier. «Un des individus faisait le guet pour avoir le champ libre, [il] a dit « Vas-y continue. »» Puis, alertés par les cris des victimes, les voisins sont intervenus. «Un des individus a crié « On bat en retraite »», mentionne l’un des plaignants, tandis que l’autre victime évoque un mode opératoire de «milice, avec un objectif à atteindre, un leader qui parle et les autres exécutant».
L’un des deux jeunes hommes a été sérieusement blessé malgré la brièveté de l’agression : son nez, sa pommette et son arcade sont fracturés. Il doit repasser un examen médical dans les prochains jours pour déterminer le nombre exact de jours d’ITT causé par ses blessures mais sa plainte a été enregistrée pour «violence suivie d’incapacité supérieure à huit jours», infraction pour laquelle la peine peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le second s’est vu diagnostiquer deux jours d’ITT, tandis qu’aucune dégradation ni aucun vol ne sont à déplorer. Une demande d’exploitation de vidéosurveillance a été lancée.
L’agression pas encore revendiquée
«Les fascistes ont attendu que les deux bénévoles soient seuls pour les rouer de coups (dix minutes auparavant, une dizaine de personnes étaient présentes dans la librairie)», ont fait savoir l’Union communiste libertaire (UCL) et Solidaires Rhône dans un communiqué commun après l’agression. Contacté par Libé, Julien, membre de l’UCL et de l’association PESE qui organisait la collecte, décrit une attaque rapide, venant selon lui d’habitués de ce genre de faits. «Ils ont frappé fort, ont fait des dégâts : ils ne visaient presque que la tête», raconte celui qui était encore à la librairie juste avant l’agression. Il se pourrait même que ce soit bien un traquenard : «Des voisins ont aperçu un groupe d’une quinzaine de types qui semblaient repérer le coin» avant l’agression, souligne le militant. Le motif ne fait pas de doute pour Julien, qui rappelle que la Plume noire est un lieu bien identifié et a déjà été attaqué par le passé, notamment à la barre de fer en 2016. Le GUD et l’Action française avaient alors été pointés du doigt.
A ce stade, ce lundi, l’agression n’avait pas été revendiquée, contrairement à l’habitude prise par certains groupuscules d’extrême droite ces dernières années. Mais, selon Julien, elle porte bien toutes les marques de la violence politique de ces militants racistes qui sont coutumiers des attaques contre les militants de gauche. Dans leur communiqué, l’UCL et Solidaires dénoncent ainsi le fait que Lyon soit «la base de plusieurs groupes fascistes dont Génération identitaire qui a pignon sur rue avec un local ouvert au public (la Traboule) et une salle d’entraînement au combat de rue (l’Agogé)». Ce dernier, un club de boxe «identitaire», n’est d’ailleurs pas réservé aux seuls militants du groupe, et a déjà reçu par le passé des militants d’extrême droite violents d’autres groupuscules fascisants ou nazifiants. «Des membres de toute la mouvance viennent s’y former au combat de rue, pour « défendre » leur quartier, attaquer des manifs ou des militants comme samedi», déplore Julien.
Contactés ce lundi par Libération, les services du procureur et la mairie n’ont pas été en mesure de nous répondre dans les délais impartis.
NB: Bastion Social, qui n’a de social que le nom, avait son siège à Lyon avant – en principe – d’y être démantelé. Ses membres participèrent à des actions retentissantes, et souvent violentes, notamment où déguisés en faux douaniers, ils installèrent une barrière de douane sur une voie empruntée par les migrants, les refoulant manu-militari. (voir articles plus bas dans le codex)