18 tués, 41 blessés par des tirs policiers

Depuis 2021, dix-huit personnes ont été tuées par des tirs policiers après des refus d’obtempérer

L’Inspection générale de la police nationale a été saisie à 72 reprises depuis 2021 pour des ouvertures de feu consécutives à des refus d’obtempérer. Les chiffres contrastent avec ceux collectés par la gendarmerie nationale.

Par Publié aujourd’hui, Le Monde

Dix-huit personnes tuées, quarante et une blessées : d’après les chiffres communiqués au Monde par la direction générale de la police nationale concernant les tirs de policiers après un refus d’obtempérer, plus des deux tiers (49) des 71 enquêtes confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) concernent des faits ayant entraîné des blessures ou un décès.

Pour la seule année 2022, treize personnes ont été tuées à l’occasion d’un de ces tirs. Et trois nouveaux cas ont été enregistrés depuis début 2023 selon ce décompte arrêté au 29 juin, deux jours après la mort du jeune Nahel M. lors d’un contrôle routier mortel à Nanterre.

Près de la moitié de ces saisines (33) concernent des faits s’étant déroulés en région parisienne. Mais, en l’absence de précisions sur leur localisation exacte, il est impossible de connaître leur répartition entre la zone de compétence de la préfecture de police de Paris (la capitale et les départements de la petite couronne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et les autres départements de la région parisienne (Val-d’Oise, Yvelines, Essonne et Saine-et-Marne). Le reste des procédures est ventilé entre les « zones géographies » du Sud-Est (10 saisines), du Sud-Ouest (9), de Rhône-Alpes (7), du Nord (5), de l’Ouest (3) et de l’Est et des Antilles (2 chacune).

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Aucun tir mortel pour la gendarmerie en 2022

De tels chiffres contrastent avec ceux collectés par la gendarmerie nationale : en 2022, aucun tir mortel n’a été comptabilisé et, en une seule occasion, l’ouverture de feu par un gendarme à la suite d’un refus d’obtempérer s’est soldée par une atteinte à l’intégrité physique. Encore des circonstances très particulières contribuent-elles à expliquer le tir : à Chirongui (Mayotte), le 17 janvier 2022, un gendarme percuté par un véhicule circulant dangereusement à vive allure, et qui venait de forcer un barrage, avait ouvert le feu et blessé le conducteur. Une procédure judiciaire ouverte s’était conclue par un classement sans suite, les conditions d’usage de l’arme ayant été réunies sur le plan légal aux yeux de la justice.

Depuis la loi du 28 février 2017, police et gendarmerie sont pourtant soumises aux mêmes dispositions de l’article L435-1 du code de la sécurité intérieure, dont le quatrième alinéa autorise l’usage des armes dans des conditions de stricte nécessité et d’absolue proportionnalité lorsque les agents « ne peuvent immobiliser autrement » des véhicules dont les conducteurs refusent de s’arrêter et qui « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

Ce texte avait été adopté à la hâte quelques mois après le drame de Viry-Châtillon (Essonne), en octobre 2016, au cours duquel des engins incendiaires lancés contre leur véhicule avaient grièvement brûlé deux fonctionnaires de police. A l’époque, la rédaction et l’adoption express de cet article avaient été interprétées comme autant de gages donnés aux syndicats de policiers, alors même que l’attaque de Viry-Châtillon n’avait aucun lien avec un refus d’obtempérer.

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INFOGRAPHIE : LE MONDE

Un « caractère exceptionnel »

Sitôt la nouvelle loi en vigueur, les tirs de policiers contre des véhicules en mouvement étaient passés de 119 (une moyenne constatée au cours des cinq années précédentes) à 202 au cours de l’année 2017. Depuis, ils connaissent une décrue, mais leur niveau reste supérieur à celui des années précédant la nouvelle loi.

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Pour nombre d’observateurs, l’insistante pédagogie de la gendarmerie contribuerait à expliquer la différence d’appréciation portée par policiers et gendarmes sur les situations de refus d’obtempérer. Le 1er mars 2017, le lendemain même de l’adoption du nouveau texte, une instruction rappelait aux militaires que l’usage des armes devait revêtir un « caractère exceptionnel » exigeant « maîtrise et professionnalisme en toutes circonstances ». Depuis, fiches-réflexe et kits pédagogiques se succèdent, comme celui adressé à tous les échelons de la hiérarchie, 3 500 brigades territoriales comprises, au mois de novembre 2022.